Comme attendu, le Haut Conseil de la santé publique a émis à la demande du ministère de la Santé un nouvel avis sur la conduite à tenir autour des cas suspects de maladie Ebola. Dès le 25 mars, face à la gravité de l’infection et compte tenu de l’épidémie en Guinée, le ministère a demandé aux établissements de santé de prendre des mesures spécifiques et de renforcer les précautions d’usage. Le HCSP, saisi le 1er avril, était interrogé notamment sur les modalités concrètes de prise en charge du patient avant le classement en cas confirmé ou non confirmé.
Des signes peu spécifiques
L’avis daté du 10 avril et mis en ligne le 11 avril, tient compte du contexte épidémiologique, des aspects cliniques et biologiques des fièvres à Ebola, du niveau de contagiosité. Les « personnels de santé et de laboratoire... (sont) un groupe particulièrement à risque », souligne le HCSP. Il est donc nécessaire de renforcer leur protection.
La souche Zaïre retrouvée en Guinée est responsable d’une forte létalité. Le temps d’incubation est en moyenne de 8 jours (3 à 21 jours).
L’étude de trois importantes épidémies (plus de 100 patients) de FHV Ebola, dues au virus des sous-types Soudan (1976) et Zaïre (Yambuku en 1976 ; Kikwit en 1995), permet de mieux connaître les aspects cliniques de l’infection caractérisés par des signes peu spécifiques avant une phase hémorragique, inconstante.
Dans la forme habituelle, la maladie débute brutalement par un syndrome pseudo-grippal (fièvre, myalgies, arthralgies, céphalées) et une profonde asthénie psychomotrice. En 3-4 jours, apparaissent d’autres signes cliniques cutanéo-muqueux (conjonctivite, exanthème maculeux ou maculo-papuleux, dysphagie) et digestifs (diarrhée, vomissements).
Contagiosité et propagation du virus
Concernant le niveau de contagiosité, le HCSP précise que le virus se transmet par contact avec le sang ou les fluides biologiques, tels les larmes, la salive, le lait maternel, le sperme, la sueur… sans oublier les selles et les vomissements. « La dose infectieuse n’est pas précisément connue, même si l’on peut considérer qu’un nombre infime de particules virales suffisent pour infecter un individu », indique l’avis. Au vu des risques encourus, « un individu infecté par le virus Ebola doit de toute façon être considéré comme hautement contagieux », poursuit-il.
Le HCSP confirme qu’un patient asymptomatique n’est pas contagieux, le début de la contagiosité étant lié à la virémie et donc à l’apparition des premiers symptômes. Plus la maladie évolue, plus le patient est contagieux. La disparition des symptômes chez les survivants est corrélée à la disparation du risque de contagion. « Le cas du sperme est peu documenté... il est ainsi légitime de conseiller à un convalescent des mesures de protection lors de rapports sexuels durant quelques mois », conseille le HCSP.
Signes peu spécifiques et nombreux diagnostics différentiels
« Le manque de spécificité des signes cliniques, surtout à la phase initiale, et la difficulté de s’appuyer sur des signes biologiques simples élargissent considérablement le spectre » du diagnostic différentiel. Dans tous les cas, le diagnostic de paludisme doit être systématiquement évoqué surtout en l’absence de chimioprophylaxie correcte. Peuvent être aussi discutés toutes les arboviroses (grippe, typhoïde, leptospirose), les causes de diarrhée fébrile (salmonellose, shigellose, infection à Yersinia et à Campylobacter), les causes d’encéphalites fébriles au retour d’Afrique (méningococcémies, encéphalites herpétiques...), les autres causes de fièvre hémorragique virale (fièvre jaune, hépatites fulminantes, dengue, fièvre de la vallée du Rift, hantaviroses, arénaviroses...) ainsi que des maladies bactériennes (leptospirose, méningococcémie, rickettsioses...).
Examens biologiques
Si le diagnostic d’Ebola doit être confirmé grâce à la détection du matériel génétique du virus Ebola par PCR (RT-PCR), un examen qui relève de l’expertise du CNR disposant d’un laboratoire P4.
La variété des autres diagnostics rend nécessaire d’autres examens tels que NFS/plaquettes, frottis/goutte épaisse, CRP, transaminases, hémocultures... ces examens nécessitant un délai incompatible avec le diagnostic d’élimination de fièvre hémorragique à Ebola « seront réservés obligatoirement à un laboratoire de niveau de sécurité P3, dans un hôpital de référence de zone ». Les échantillons « seront obligatoirement transportés au laboratoire sans utilisation de l’éventuel pneumatique, dans des systèmes de transport sécurisés (triple emballage répondant aux caractéristiques de transport de classe A », ajoute le HCSP.
Classement des cas
Pour tout patient suspect de fièvre hémorragique à Ebola, l’ARS doit être informée dans les meilleurs délais, « et seule une concertation entre le clinicien impliqué dans la prise en charge du patient, l’infectiologue référent, le microbiologiste, l’hygiéniste et l’épidémiologiste de l’InVS, en lien avec le CNR, doit conclure au classement en "cas possible" », insiste l’avis. Et de poursuivre : « Le clinicien seul ou l’ARS seule ne peuvent porter ce classement. » La prise en charge repose d’abord sur un strict respect des précautions standard d’hygiène, dans la structure qui l’accueillera (cabinet médical, service d’accueil des urgences, secteur d’hospitalisation). Des précautions standard qui devront être complétées avec les mesures de type « air » et « contact » avec mesures barrières renforcées, notamment port de gants systématique. Si le patient est classé comme « cas possible » ou « cas confirmé », ces mesures d’hygiène « devront être strictement respectées avec vigilance particulière vis-à-vis du risque d’accident exposant au sang », souligne le HCSP.
Mesures au cabinet
Les recommandations sont ensuite adaptées en fonction des différentes situations. Une personne qui aura séjourné dans un des pays où le virus Ebola circule mais totalement asymptomatique, devra surveiller quotidiennement sa température. Aucune mesure d’éviction n’est requise.
Les mesures d’hygiène sont détaillées pour les patients suspects en cabinet de ville ou à l’hôpital. En cabinet, un patient suspect doit être isolé des autres patients et devra porter un masque chirurgical. Pour le patricien, la friction hydro-alcoolique pour l’hygiène des mains précédée d’un lavage en cas de souillures visibles est recommandée. Les mesures barrières consistent en port de gants – si possible en nitrile – de surblouse à usage unique, d’appareil de protection respiratoire (APR) de type FFP2 à usage unique ou à défaut masque chirurgical, changé après au maximum 3 ou 4 heures. S’il existe un risque de projection de liquides biologiques, le port de lunettes largement couvrantes est recommandé. Si du matériel a été utilisé ou en cas de souillures par des liquides biologiques, le HCSP recommande le nettoyage par un détergent désinfectant, le rinçage, puis l’application d’eau de javel à 0,5 % (soit 2 % de chlore environ).
Les patients classés « possibles » ou « confirmés » seront pris en charge dans l’hôpital de référence dans un secteur adapté en chambre individuelle, avec sas, et si possible, à pression négative. Aux urgences, la prise en charge se fera en box individuel avec une équipe dédiée (un seul médecin senior et la même équipe paramédicale).
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