Le Pr Émile Daraï, gynécologue renommé de l'hôpital Tenon à Paris visé par une enquête judiciaire pour « viol », est définitivement mis en retrait de ses responsabilités de chef de service et de responsable pédagogique, ont annoncé ce 9 décembre l'AP-HP et Sorbonne Université.
Spécialiste de l'endométriose, chef de service gynécologique-obstétrique et médecine de la reproduction, Émile Daraï est visé par plusieurs plaintes pour viol. L'AP-HP et Sorbonne Université avaient annoncé le 8 octobre que le gynécologue était mis en retrait de ses responsabilités pour que l'enquête interne, déclenchée un peu plus tôt par les deux institutions, « puisse se dérouler dans la plus grande sérénité ». Un chef de service par interim avait été nommé. « Ce retrait est désormais définitif et le Pr Daraï ne reprendra ni sa responsabilité de chef de service ni de responsabilité pédagogique », ont annoncé les deux institutions dans un communiqué commun.
Dysfonctionnements individuels, mais aussi collectifs et systémiques
« L'obligation d'information de ces patientes, le soulagement de leur douleur, le respect de leurs volontés n'ont pas été respectées » par le Pr Daraï, considère la commission d'enquête composée d’une gynécologue-obstétricien, d’un médecin de la communauté hospitalo-universitaire de Sorbonne Université, d’un représentant des usagers et d’un membre de la direction administrative de la faculté, à la lumière de plus de 40 auditions conduites entre octobre et novembre 2021.
Les patientes (vingt témoignages ont été recueillis) se plaignent notamment de n'avoir pas eu le temps de consentir au toucher rectal, les deux tiers estimant qu'on ne leur avait même pas demandé leur accord. Trois parlent de « viol » dans le sens de non-consentement à la pose d'un speculum ou d'un toucher vaginal/rectal. Toutes font état de douleurs et se plaignent de l'absence d'empathie, critère définissant la « malfaisance ou l'absence de bienfaisance » selon la HAS. La commission reconnaît une prise en charge « stéréotypée, standardisée, rapide, technique, sans affect, parfois brutale et sans empathie ».
En revanche, elle « ne retient aucune connotation sexuelle alors que certains manquements ont été relevés dans le recueil du consentement à certains gestes ».
Par ailleurs, la commission - qui a aussi reçu des mails de soutien au Pr Daraï - considère que « la situation actuelle est le fruit de dysfonctionnements individuels mais aussi collectifs et systémiques ». Elle estime par exemple que le fonctionnement pyramidal d'un service à l'ancienne ne favorise pas la communication directe avec un « patron » respecté, voire intouchable. Concrètement, les plaintes d'externes parfois choqués aux médecins du service, n'ont pas été rapportées par ces derniers au Pr Daraï.
Un modèle pyramidal à revoir
S'il est mis en retrait de ses responsabilités de chef de service, le Pr Daraï consulte toujours. « Les conditions d’organisation des consultations ont été revues avec le nouveau chef de service. Il sera mis en place une fonction d’annonce, confiée à une infirmière, comme cela existe dans les services qui prennent en charge des patients atteints de cancer et comme préconisé dans le rapport d’enquête », fait savoir l'AP-HP.
Le groupe annonce aussi qu'une charte de bonnes pratiques, inspirée de celle du Collège national des gynécologues obstétriciens de France, sera affichée dans les services de gynécologie-obstétrique, et complétée d'un document d'information pour les patientes. Il reconnaît enfin que le modèle pyramidal nocif décrit dans le rapport « est effectivement appelé à évoluer », à travers la formation des étudiants et des futurs responsables médicaux.
Dans une lettre datée de mardi et adressée à Martin Hirsch, directeur général de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, le gynécologue se dit « contraint de reconnaître que ces femmes ont pu percevoir l'examen clinique que j'ai pratiqué comme dénué d'empathie et de bienveillance ». « Je suis profondément désolé et tiens à leur présenter mes plus sincères excuses ».
À la suite de la première plainte, le parquet de Paris a ouvert le 28 septembre une enquête pour « viol par personne ayant autorité sur mineur de plus de 15 ans ». Les investigations ont initialement été confiées à la Brigade de protection des mineurs (BPM). Après une seconde plainte reçue le 30 septembre, le parquet de Paris a élargi cette enquête à l'infraction de « viol en réunion » et les investigations ont été reprises par le 2e district de police judiciaire (2e DPJ).
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