Alors que la pandémie perdure, Médecins du Monde appelle à tirer les premières leçons de la crise sanitaire, à l’occasion de la sortie de son rapport pour l’année 2020 de l’Observatoire de l’accès aux droits et aux soins. L’ONG réclame un « sursaut » des pouvoirs publics en faveur de l’accès aux soins des personnes en grande précarité (sans domicile et demandeurs d'asile, notamment).
« Le virus met en exergue ce qu’on dit depuis 30 ans : on ne peut pas avoir une politique de santé publique cohérente sans un accès aux droits et à la santé. La crise sanitaire n’a fait que rendre visible la précarité (…) indigne pour un pays comme le nôtre », a jugé la Dr Carine Rolland, présidente de MDM, lors d’un point presse ce 9 septembre.
Dans les rues des grandes agglomérations confinées au début de l’épidémie, « les invisibles sont devenus visibles », rappelle-t-elle, ce qui a provoqué une réponse des pouvoirs publics. Plusieurs dispositifs spécifiques ont alors été déployés pour les personnes précarisées : prolongement de la trêve hivernale, de droits sociaux, accès à l’eau dans les bidonvilles, financement des démarches d’aller-vers, augmentation des capacités d’hébergement, etc.
Un besoin de « mesures sanitaires plutôt que sécuritaires »
Mais, « en parallèle », un décret relatif à l’aide médicale de l’État (AME), qui en restreint les conditions d’accès, a été « adopté en octobre 2020, en pleine pandémie », poursuit la Dr Rolland, dénonçant un « paradoxe permanent » des autorités et appelant à un « sursaut » pour que la santé des plus précaires relève de « mesures sanitaires plutôt que sécuritaires ».
Sur le terrain en 2020, les équipes de MDM n’ont pas eu à prendre en charge de nouveaux publics précarisés. « Les filets sociaux ont fonctionné et pour l’instant amorti le choc », estime Yannick Le Bihan, directeur des opérations France de MDM. Mais, « pour ceux exclus des dispositifs, la précarité s’est amplifiée », relève-t-il.
Ainsi, si l’activité des Centre d’Accueil, d’Orientation et d’Accompagnement (CASO) s’est réduite de moitié en 2020 par rapport à la normale, avec environ 14 000 patients reçus, celle des équipes mobiles a triplé pour atteindre 30 000 contacts réalisés. MDM a également dû adapter ou réorienter une partie de ses activités. Les interventions en santé sexuelle auprès des travailleurs et travailleuses du sexe, par exemple, ont évolué pendant le premier confinement pour proposer une aide alimentaire.
À Strasbourg, les équipes mobiles, habituellement dédiées à la maraude auprès des sans-abri, se sont concentrées sur le Covid et ont œuvré à la sensibilisation et à la prévention auprès des publics vivant à la rue.
En Guyane, MDM a poursuivi ses interventions de médiation en santé dans une logique de prévention, mais a également adapté ses activités pour répondre à l’urgence alimentaire. L’instauration du confinement en mars 2020, alors que le virus ne circulait pas encore sur le territoire, a eu un fort « impact social en aggravant la précarité » existante, explique Aude Trépont, coordinatrice de MDM en Guyane.
Une dégradation alarmante
Cette dégradation a aussi été observée en métropole. Habitué à travailler avec Solidarités International sur des terrains à l’étranger, MDM a collaboré avec cette ONG spécialisée dans l’accès à l’eau potable en France pendant la pandémie. « C’est un signal important », alerte Yannick Le Bihan, qui appelle à pérenniser les efforts engagés au début de la pandémie, d’autant que l’ONG n’exclut pas l’arrivée de nouveaux publics précarisés auprès de ses équipes dans les mois ou années à venir.
Soulignant « un décalage dans le temps entre le moment où les personnes basculent dans la pauvreté et celui où elles poussent la porte des centres », la Dr Carine Rolland, généraliste à Nantes jusqu’au printemps dernier, évoque déjà ses craintes quant à « une nouvelle catégorie de personnes (qui) a déjà poussé la porte de (son) cabinet : des étudiants, des indépendants et d'autres personnes que les filets sociaux n'ont pas rattrapées ».
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