Le jeune Touré Ibrahim (un nom d’emprunt) n’a que cette pensée en tête : comment va-t-il faire demain ou après-demain quand le gymnase où il peut dormir, près de la porte de Clichy, avec une dizaine d’autres jeunes dans la même situation et des adultes, va fermer, fin de période hivernale oblige ?
Probablement devra-t-il reprendre sa vie d’avant, lorsque ce jeune Ivoirien est arrivé en France en novembre dernier et a dormi un mois à la rue, avant d’être accueilli dans un premier gymnase. Après, il faudra attendre sa convocation par un juge, prévue courant avril, puis, la réponse du juge qui tranchera, notamment sur la base d’un examen osseux demandé quasi systématiquement à Paris : Touré est-il un « mineur isolé étranger » ?
Touré n’est pas le seul dans ce cas. Passé comme beaucoup d’autres jeunes étrangers par la Permanence d’accueil et d’orientation des mineurs isolés étrangers (PAOMIE), qui est la structure gérée par l’association France Terre d’Asile pour le compte du Conseil départemental de Paris, son âge et son isolement ont été « évalués ». L’enjeu est vital : s’il est considéré comme mineur, ce jeune Ivoirien sera pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, dont la compétence revient au département dans le cadre de la protection de l’enfance. Il sera donc hébergé, scolarisé, accompagné, jusqu’à sa majorité, voire plus tard.
Un système sous tension
Mais comme pour un jeune sur deux à Paris en moyenne, l’évaluation sociale a conclu à un refus de minorité de Touré. D’où le recours déposé devant un juge, avec l’appui d’un collectif d’associations. Car, le doute plane sur la fiabilité d’un système désormais sous tension. Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, pointait dans un rapport de juillet 2014 sur la situation parisienne une intervention de la PAOMIE « particulièrement complexe et difficile », avec un nombre de jeunes qui s’y présente « très important », ce qui « génère des tensions financières et politiques particulièrement aiguës ».
Depuis 2008, l’arrivée de jeunes migrants s’est fortement amplifiée en France. En particulier à Paris (ils étaient 205 à avoir été admis à l’aide sociale à l’enfance en 2007, 870 en 2010, puis 563 en 2013 et 630 en 2014) et en Seine-Saint-Denis (181 en 2007, 527 en 2008 et 319 en 2013). Le phénomène a concerné, mais dans une moindre mesure, d’autres départements, comme le Rhône et le Val-de-Marne. Mais, ces chiffres ne renseignent pas sur le nombre de jeunes arrivés en France. Tous ceux qui sollicitent l’Aide sociale à l’enfance n’en bénéficient pas. À Paris, là où se concentre donc la plus grande partie de ces jeunes arrivants, 1 077 ont été accueillis en 2014 et « évalués » par la PAOMIE. Soit 42 % de refus. Mais, combien ne s’y sont pas présentés ? Actuellement, il semble que des jeunes de certaines nationalités squattent le « village » de tentes installé sous le pont de la Chapelle et préfèrent ne pas se faire connaître de la PAOMIE.
Dérives durables
Face à ce phénomène durable, des dérives graves sont observées. Les plus fréquentes concerneraient les jeunes proches des 18 ans. « Une zone grise », selon l’expression de Pierre Henry, délégué général de France terre d’asile. « Pendant des mois, de nombreux jeunes de plus de 17 ans, dont la minorité n’était pas contestée, ont été laissés à la rue sans prise en charge », a déploré Jacques Toubon, sur la base d’investigations menées en 2013. « Ne pas les prendre en charge, c’est les mettre en danger... Nous avons eu certains jeunes qui nous ont confié avoir subi des attouchements par exemple », affirme le Dr Serge Lipski, administrateur de Médecins du monde. De son côté, Pierre Henry, qui défend l’attitude responsable de son association face à ceux, « généreux » selon lui, qui estiment que tout jeune se déclarant mineur doit être automatiquement pris en charge, fait valoir le fait que l’évaluation pratiquée est encore récente et est donc améliorable. Les témoignages recueillis, notamment auprès d’associations, laissent penser que les préconisations du Défenseur des Droits, qui demande à ce qu’une évaluation soit menée « scientifiquement (...) et équitablement », ne sont pas encore complètement respectées. Touré, le jeune Ivoirien, raconte qu’on lui a refusé sa minorité « parce que (je regardais) les gens dans les yeux comme un grand ». Le type d’appréciations que le rapport de Jacques Toubon qualifiait de « jugements empreints de stéréotypes non pertinents ».
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation