LES BÉBÉS CONGELÉS des époux Courjault ou l’octuple infanticide commis par l’aide soignante Dominique Cottrez ont jeté des éclairages médiatiques et passionnés sur l’infanticide, rallumant le spectre d’un crime hors d’âge. Pourtant, sa réalité reste dans l’ombre et le nombre avancé de 14 infanticides en moyenne par an est minoré. Selon la chercheuse de l’INSERM Anne Tursz*, qui a réalisé une enquête rétrospective sur 3 régions (Bretagne, Ile-de-France, Nord-Pas-de-Calais) sur la période 1996-2000, « il existe bien une sous-estimation importante des infanticides ». Sur 619 enfants arrivés décédés dans les hôpitaux, 32 ont été diagnostiqués comme victimes d’une mort violente intentionnelle (MSV). Mais seulement 2 ont été recensés dans les sources officielles (CépiDc). La démonstration vaut aussi pour les 247 enfants dont le décès a fait l’objet d’une saisine du parquet : 80 ont été reconnus comme cas de MSV, 23 seulement retrouvés dans les chiffres du CépiDc.
« Face à cette sous-estimation, que nous a signalée Anne Tursz, nous avons souhaité aborder les néonaticides (dans les 24 premières heures après la naissance) et les infanticides (avant 1 an) d’un point de vue professionnel et dépassionné », explique le Dr Hélène Chappuy, membre de la commission éthique de la SFP et pédiatre aux urgences de l’hôpital Necker (AP-HP). Le sujet est sensible. « Il y a une grande part de méconnaissance de la part des pédiatres », souligne la médecin. Anne Tursz ose suggérer que la mort subite du nourrisson (MSN) est « un diagnostic fourre-tout, posé souvent sans les investigations appropriées ». Le Dr Chappuy nuance : « Il faut être très prudent, il ne s’agit pas de dire que toutes les MSN, extrêmement douloureuses pour les parents, sont des infanticides. Mais on pourrait soigner la formation des pédiatres. »
Signaler pour prévenir.
Le diagnostic d’un infanticide, au-delà des réticences liées à l’inconscient collectif, est délicat à poser. « Si l’enfant décède à domicile, les parents appellent souvent un médecin du samu qui peut déclarer la mort non suspecte, et il n’y aura pas d’autopsie, ou l’envoyer aux urgences. Encore faut-il qu’aux urgences, des médecins soient formés aux signes d’une mort suspecte », détaille le Dr Chappuy. Certains établissements abritent les centres régionaux de référence pour la MSN. Mais le taux d’autopsie n’y est que de 55 % contre 100 % recommandé par la haute autorité de santé. « Les radios de crâne et les scanners cérébraux sont encore plus rarement pratiqués (...) si l’examen clinique ne révèle aucune lésion traumatique externe », dénonce Anne Tursz. Le secouement sans impact et l’étouffement sans traces de violence (par exemple par privation de soins), peuvent ainsi passer inaperçus.
Parmi les acteurs susceptibles de prendre en charge un bébé décédé, dont les médecins légistes, peu formés à la pédiatrie, quel rôle peut avoir un pédiatre ? « Il doit alerter et signaler », insiste le Dr Hélène Chappuy. Le signalement, encadré par la loi de 2007 sur la maltraitance, permet de passer outre l’opposition éventuelle des parents à l’autopsie, par convictions culturelles, religieuses, ou par crainte que le corps soit abîmé. Il a en outre une vertu préventive. « En dehors des cas de néonaticides, où les mères présentent un profil particulier, les bébés qui décèdent par maltraitances ont vécu plusieurs épisodes de violences : les pédiatres pourraient repérer des hématomes inaccoutumés, par exemple », détaille le Dr Chappuy. « Signaler éviterait immédiatement toute répétition dans une famille », conclut-elle.
*auteur de « Les oubliés. Enfants maltraités en France et par la France* », Paris, 2010, éditions du seuil.
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