La réforme de l’enseignement au lycée

L’histoire, c’est la mémoire

Publié le 10/12/2009
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Crédit photo : AFP

LUC CHATEL, ministre de l’Éducation nationale, a répondu aux inquiétudes des historiens, tous unis pour exiger le maintien de l’enseignement de l’histoire et de la géographie en terminale S, en expliquant que l’enseignement de l’histoire sera renforcé (4 heures par semaine contre deux heures et demie actuellement) en classe de première et que les élèves de S, s’ils le désirent, bénéficieront de deux heures d’histoire facultatives. Cependant, comme les programmes sont déjà très chargés et que l’idée consiste, en somme, à les alléger pour que les lycéens puissent se consacrer à leur spécialité, il est bien improbable que les deux heures en question soient suivies par les élèves. Le ministre a reçu le soutien de Richard Descoings, le célèbre directeur de Sciences Po, qui s’est fait connaître en créant une filière pour les défavorisés dans son école prestigieuse. Mais les nombreux historiens, tous connus, qui ont protesté, n’ont pas retiré leur pétition, parue dans « le Journal du Dimanche » de la semaine dernière.

Est-ce bien nécessaire ?

La polémique ne surprend guère dès lors que toute réforme du lycée est accueillie par une révolution. Xavier Darcos est payé pour le savoir qui n’a pas réussi à imposer la sienne et, à bout de forces, a préféré quitter l’Éducation nationale pour rejoindre le non moins agité ministère du Travail. En voici une autre, proposée par Luc Chatel, nouveau ministre de l’Éducation, qui ne reçoit pas davantage l’accueil favorable des enseignants, des lycéens (et des historiens). Le gouvernement est tenace, qui pourrait presque l’emporter par l’usure s’il n’avait en face de lui des masses tout aussi déterminées à ne rien vouloir de ses réformes. Lesquelles font peur parce que, comme dans tout changement, on sait ce qu’on laisse, on ne sait pas ce qu’on va avoir. Mais cette disposition très spécifique à la terminale S est-elle si nécessaire qu’elle fasse capoter l’ensemble de la réforme ?

Tout citoyen un peu cultivé a besoin de l’histoire parce qu’elle a déterminé ce qu’il est. Nos vies personnelles sont indissociables du système politique et social dans lequel nous vivons. Les droits de l’homme, les libertés, les droits sociaux ne sont pas naturels, ils ont été conquis de haute lutte. Le moins que l’on puisse demander à un électeur, c’est de savoir faire la différence entre une monarchie de droit divin et une République. L’histoire fait donc partie intégrante de la culture générale. On laissera aux spécialistes de l’éducation le soin de dire s’il faut faire de l’histoire en terminale S. Mais on rejoindra les historiens soucieux de défendre une discipline indispensable à l’édification de la citoyenneté.

Des immigrés qu’on est allé chercher.

C’est également une excellente occasion de rappeler, au sujet de l’immigration qu’elle ne résulte pas nécessairement de la recherche d’un Eldorado par des populations misérables. En 2006 « Indigènes », le film de Rachid Bouchareb qui retraçait l’engagement, sous les couleurs de la France, de 130 000 Nord-Africains dans la Seconde guerre mondiale, a rappelé aux Français ce qu’ils devaient aux musulmans qui ont versé leur sang pour la liberté d’un pays qui n’était pas le leur ; de la même façon, on omet trop souvent de dire que l’immigration, après la guerre, a été encouragée par l’État français qui avait besoin de main d’œuvre pour la croissance des Trente Glorieuses. Ceux qui vivaient durement dans les bidonvilles de Nanterre sont ceux aussi qui ont bâti la Défense. Et aujourd’hui, on se plaindrait des conséquences d’une immigration mal maîtrisée ? On se plaindrait des conséquences de la colonisation française en Afrique du Nord et en Afrique sub-saharienne ? Le seul apprentissage de l’histoire récente suffirait à rappeler aux gens intolérants qu’ils doivent plus à l’immigration que les immigrés ne leur doivent.

L’APPRENTISSAGE DE L’HISTOIRE ET L’IDENTITÉ NATIONALE ONT UN RAPPORT ÉTROIT

Bien entendu, cela ne signifie pas que nous ne devions pas contrôler un phénomène amplifié par la mondialisation. Cela ne signifie pas que nous devions traiter avec indulgence des éléments, d’ailleurs fort peu nombreux, qui rejettent les principes de la laïcité, pensent que les seules lois valables sont religieuses et ont parfois des projets subversifs. Rester vigilant, certes. Croire que nous sommes plus généreux que ceux que nous accueillons, ce n’est pas sûr.

RICHARD LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr