Avant la survenue de la crise économique, Médecins du monde (MdM) recevait principalement des migrants dans ses centres de soins à Athènes. Désormais, certaines de ses salles d’attentes sont occupées à plus de 80 % par des Grecs, comme dans le quartier de Perama, où le chômage explose, touchant 70 % de la population. « En 2010, on a commencé à se rendre compte que notre société se transformait… On commençait à recevoir des personnes qu’on ne s’attendait pas à voir, des gens comme vous et moi, qui n’avaient plus de logement, qui demandaient de l’aide ou de la nourriture. Très discrètement au départ – ils avaient honte, témoigne le Dr Nikitas Kanalis, président de MdM Grèce. Fin 2011, c’est devenu évident que la Grèce était en chute libre. »
Ce dernier décrit l’apparition d’une nouvelle catégorie de sans domicile fixe – les plus de 60 ans. L’association compte d’ailleurs ouvrir un centre d’accueil réservé aux seniors, où 70 personnes pourront bientôt être hébergées. « C’est un Grec Américain, d’une cinquantaine d’années, qui a été ému par la situation des personnes âgées dans son pays d’origine – il disait qu’il ne pouvait pas imaginer se retrouver dans une telle situation à cet âge-là, après une vie de travail », rapporte le Dr Kanalis. Le donateur anonyme a offert une somme équivalente à 15 années de loyer pour mettre en place cette structure d’hébergement dans le centre d’Athènes.
Vaccination à la traîne
À une quinzaine de kilomètres de là, dans le centre MdM du quartier de Perama, le Dr Liana Mailli, elle, accueille gratuitement, et tous les matins, les enfants du faubourg. Pendant ce temps, un confrère reçoit les adultes. Ce lundi matin, la pédiatre doit faire passer 35 enfants avant 13 heures… et il est déjà 10 heures du matin. De plus en plus d’enfants ne sont pas à jour de leurs vaccinations, en raison de la disparition graduelle des services publics de santé – gratuits pour les enfants.
Conséquence : en 2014, moins de 60 % des enfants étaient protégés contre la rougeole, les oreillons ou la rubéole. L’année dernière, MdM a vacciné plus de 9 000 enfants dans leurs polycliniques gratuites et unités mobiles.
L’accès aux maternités publiques est également devenu un vrai parcours du combattant pour les femmes enceintes sans couverture maladie. « Il y a eu une augmentation de 32 % du nombre de mort-nés. Quand les femmes n’ont pas de travail, elles fument, sont déprimées et n’ont pas d’argent pour réaliser les examens », décrit l’ancienne présidente de MdM Grèce. Une grande partie des adultes consulte pour une dépression ou un sentiment d’angoisse grandissant, liés en grande partie au chômage et au manque de perspectives.
Le recours aux amphets
La consommation de drogues est elle aussi en hausse avec, comme conséquence, une augmentation des infections VIH (de 100 % en 2011-2012). L’hépatite C touche 1,87 % de la population, d’après le dernier rapport MdM. La crise a eu raison de la politique de réduction des risques.
Trois fois par semaine, une unité mobile MdM distribue des kits d’injection stériles dans le quartier le plus fréquenté (de jour) par les usagers de drogue, au-dessus des quartiers de Psirri et de Keramikos, et à quelques rues du bâtiment du ministère de la santé.
La dizaine de volontaire offre également des soins de premiers secours, propose des tests VIH et hépatite C, oriente les usagers qui désirent suivre un programme de substitution… « Dès qu’on arrive, une quinzaine de personnes nous attendent déjà. Les usagers nous connaissent maintenant, ils ont confiance et savent que nous n’allons pas les dénoncer, décrit Christina, une des bénévoles. On est là que deux heures par jour… et même si on était là 24 heures sur 24, cela ne suffirait pas. »
Les usagers, sdf à 90 %, ont pratiquement tous recours à des substances injectables ultra bon marché (2-3 euros le gramme), particulièrement toxiques. La « sisa », par exemple, est un mélange de méthamphétamine et d’autres substances « comme de l’acide pour les batteries et du détergent », précise Nathalie Simonnot, adjointe de la direction du réseau international de MDM. D’après l’Observatoire national des drogues, les conséquences physiques et psychiques de trois mois de consommation de sisa seraient équivalentes à dix-huit mois d’injections d’héroïne.
Interrogé sur les élections législatives du 20 septembre qui ont vu la victoire du parti de gauche radicale Syriza avec 35,46 % des voix, le Dr Kanalis hausse les épaules. « Ce matin, j’ai dit à un patient : "c’est quand même une lueur au bout du tunnel", ce dernier m’a répondu : "oui, c’est le train qui arrive" – Les gens n’y croient plus ».
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