La première vague de la pandémie de Covid-19 est responsable de plus de 200 000 décès supplémentaires, de façons directe et indirecte, dans 21 pays occidentaux*, estime une étude dirigée par l'Imperial College de Londres et publiée ce 14 octobre dans la revue « Nature Medicine ».
Les chercheurs ont utilisé les données sur la mortalité depuis 2010 pour établir le nombre de décès attendu sur la période allant de mi-février à mai 2020, si la pandémie de Covid-19 n'avait pas eu lieu. Puis ils ont comparé ces chiffres au nombre de morts effectivement enregistrés au cours de cette période, toutes causes confondues, pour en déduire l'excès de mortalité lié à la crise sanitaire.
Dix-neuf nations d'Europe, l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont enregistré au total environ 206 000 morts de plus que prévu au cours de la période étudiée, ce qui représente en moyenne, pour l'ensemble des pays, une hausse de 18 %, conclut cette étude de modélisation mathématique. Soit un chiffre « similaire au nombre total des décès dus au cancer du poumon, et plus du double de ceux liés au diabète ou au cancer du sein dans ces pays pendant une année entière », compare dans un communiqué l'Institut national d'études démographiques (Ined), associé à l'étude.
Les pays ont été classés selon quatre groupes. Au premier rang des pays touchés figurent l'Angleterre et le pays de Galles ainsi que l'Espagne, avec une augmentation de 37 à 38 % de la mortalité par rapport aux niveaux attendus en l'absence de pandémie, suivis de l'Italie, de l'Écosse et de la Belgique (27 %).
Augmentation des décès de 13 % en France
Un deuxième groupe rassemble des pays où le Covid a eu un impact moyen sur la mortalité totale, dont la France, qui se classe au 8e rang, avec une augmentation relative des décès de 13 %, mais aussi les Pays-Bas et la Suède. « La France reste quand même au-dessus de la médiane des 21 pays en termes d’excès de mortalité », commente le Dr Michel Guillot, directeur de recherche à l’Ined et co-auteur de l’étude.
Un troisième groupe, à impact faible, comprend l’Autriche, la Suisse et le Portugal, tandis qu'un quatrième, comptant dix pays dont l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Hongrie ou la Norvège, a pu « éviter une augmentation perceptible des décès ».
À noter : les chercheurs ont trouvé peu de différences dans le taux de mortalité en excès entre les hommes (105 800 décès) et les femmes (100 000 décès).
Plusieurs leçons à tirer
Les chercheurs tirent plusieurs enseignements de leurs travaux. D'abord, ils insistent d'un point de vue méthodologique sur l'intérêt d'étudier les décès toutes causes confondues, et non seulement ceux directement liés au Covid (167 000, estime-t-on). « La pandémie a affecté la vie et la santé des personnes de nombreuses manières différentes. Par exemple, certains ont pu voir leur opération ou traitement repoussé, d'autres ont pu perdre l’aide sur laquelle ils comptaient pour leurs besoins médicaux courants », remarque le Dr Vasilis Kontis, premier auteur (Imperial College de Londres).
Étudier les décès toutes causes confondues permet aussi de prendre en compte les décès qui ont pu être évités pendant la première vague, en raison de la baisse de la circulation routière ou de l'amélioration de la qualité de l'air, par exemple. C'est parlant pour la France. « Elle se distingue comme un pays dont le nombre de décès en excès a été plus faible que le nombre de décès Covid-19. Cela suggère qu’il n’y a pas eu de sous-enregistrement majeur des décès causés par le nouveau coronavirus en France, mais également que la pandémie et la réponse en termes de politique de santé ont sans doute généré une baisse des décès dus à d’autres causes », souligne le Dr Guillot.
Efficacité des campagnes de tests ou des confinements précoces
En matière de politique de santé publique, « les pays ayant mis en place des campagnes de test et de traçage des cas contacts efficaces et exhaustives au niveau local, ou ceux ayant mis en place des mesures de confinement précoces et efficaces, ont connu un bilan de mortalité inférieur pendant la première vague », résume Jonathan Pearson-Stuttard, co-auteur (Imperial College).
L'investissement à long terme dans les systèmes de santé a aussi joué : par exemple, l’Autriche, qui a déploré très peu de décès toutes causes, possède presque trois fois plus de lits d’hôpital par habitant que le Royaume-Uni.
Pour affronter la deuxième vague épidémique, les chercheurs invitent donc les pays à développer les programmes de test et de traçage, à soutenir les personnes qui doivent s'isoler, à construire des parcours de soins permettant d'orienter correctement les patients et à prendre en charge les malades chroniques.
* L'Angleterre et le pays de Galles, l’Australie, l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, le Danemark, l’Écosse, l’Espagne, la Finlande, la France, la Hongrie, l’Italie, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la Slovaquie, la Suède, la Suisse et la République tchèque.
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