Le confinement et les mesures prises lors du printemps 2020 pour lutter contre le Covid-19 ont mis à rude épreuve le monde agricole, surtout les non-agriculteurs, tant sur le plan professionnel que sur celui de la santé psychosomatique, met en lumière une étude de Santé publique France publiée ce 3 février.
Quelque 47 000 participants des cohortes Coset-MSA et Coset-Indépendants ont été invités à répondre à un premier questionnaire fin mai 2020. Une deuxième vague d'étude sera lancée en 2022 pour mesurer l'évolution de la situation.
Indépendants et femmes plus fragilisés
Ce sont les indépendants non-agricoles, artisans, commerçants, qui ont connu les plus grands bouleversements dans leurs conditions de travail. Près de la moitié d'entre eux a connu des arrêts complets durant le confinement ; ou lorsqu'ils continuaient à travailler, 60 % ont subi des baisses importantes de leur clientèle et 75 % celles de leur chiffre d’affaires (supérieures à 50 % pour plus de la moitié). Un quart des commerçants se plaignent de tensions relationnelles avec leur clientèle. Dans une moindre mesure, les salariés de bureau du monde agricole ont vu leurs conditions de travail évoluer, puisqu'ils sont 80 % à être passés en télétravail. En revanche, les arrêts d'activités ont été peu fréquents chez les agriculteurs indépendants.
C'est encore ces sous-groupes spécifiques - commerçants, artisans et administratifs de l'agriculture - qui semblent avoir le plus souffert psychologiquement du premier confinement. Parmi eux, une personne sur six a ainsi augmenté sa consommation d'alcool, et plus d'une sur quatre (plus d'un quart des hommes, un tiers des femmes) déplore une accentuation de troubles du sommeil. Une augmentation de la consommation de tabac et de psychotropes a été observée pour une part notable des indépendants non-agricoles, plus rarement parmi les travailleurs du monde agricole. « Ces chiffres sont à rapprocher des proportions observées en population générale, selon l’étude CoviPrev de Santé publique France, indiquant que 11 % des consommateurs d’alcool avaient augmenté leur consommation durant le premier confinement ainsi que 27 % des consommateurs de tabac », lit-on.
Troubles dépressifs et anxieux
Les femmes de ces mêmes groupes s'avèrent être particulièrement sujettes aux troubles dépressifs et anxieux. Au lendemain du confinement, près de 20 % des femmes artisanes, commerçantes et professionnelles libérales souffraient d’anxiété, et plus de 20 % des femmes issues de professions libérales présentaient une symptomatologie dépressive. Chez les femmes actives agricoles, ces proportions sont de 13 % pour l'anxiété et de 11 % pour la dépression. Selon SPF, les prévalences retrouvées chez les travailleurs indépendants sont semblables à celles retrouvées en population générale, celles mesurées chez les actifs agricoles seraient moindres.
Si les auteurs refusent de poser un lien direct entre ces résultats et le confinement, faute de valeurs antérieures disponibles, ils observent néanmoins une association entre symptômes dépressifs et anxieux et conditions de travail défavorables. Citant les tensions relationnelles avec le public ou les collègues, l'augmentation des heures de travail ou leur décalage le soir et le week-end, l'impossibilité de s'isoler pour travailler…
À noter : les populations du monde agricole se rejoignent pour ce qui est du renoncement aux soins. Environ un tiers des ruraux a fait l'impasse sur des soins, en raison le plus souvent d’un report ou d’une annulation de rendez‑vous, de la fermeture des cabinets médicaux et/ou du caractère non urgent des soins.
Un pilote pour la feuille de route
Ce même jour, Daniel Lenoir, inspecteur général des affaires sociales et agronome de formation, ancien directeur de la Mutualité sociale agricole et d'une agence régionale de santé, a été nommé pour un an coordinateur national de la feuille de route « Prévention du mal-être et accompagnement des populations agricoles en difficulté », dévoilé en novembre dernier.
Placé auprès de Julien Denormandie, ministre de l'Agriculture, il doit assurer sa gouvernance, tandis que des comités départementaux dédiés au mal-être agricole verront le jour dans chaque département. La dernière étude Agrican de la MSA relevait un risque majoré de suicide (+14 % chez les hommes et +46 % chez les femmes), en particulier chez les chefs d'exploitation agricole (risque deux fois plus important que chez les salariés).
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