LE CHEF DE L’ÉTAT tenait absolument à corriger la mauvaise impression que la France, lente à admettre les changements dans le monde arabe, laisse aux peuples insurgés. Du coup, la diplomatie française a avancé d’un pas de géant. Ce qui n’a pas fait que des heureux. Pour commencer, Alain Juppé, qui avait réclamé son autonomie vis-à-vis des conseillers de l’Élysée, constate que le président n’a pas pris le temps de l’informer de sa décision. Peut-être même n’a-t-il envisagé de reconnaître le CNT que pendant la conversation avec ses délégués. M. Sarkozy ne pouvait ignorer qu’après leur discussion ils annonceraient une nouvelle qui est toute à leur avantage.
Plus vite que les autres.
M. Juppé serre les dents, pas les Européens, surtout les Allemands, indignés de la manière dont M. Sarkozy prend des décisions qui engagent l’Union. Car il est impossible qu’un État-membre reconnaisse seul l’opposition libyenne. On comptera, hélas, quelques vanités froissées par l’incorrigible Sarkozy qui, derechef, met la diplomatie au service de la politique intérieure. Son message : nous avons tardé à réagir aux événements de Tunisie et d’Égypte. Désormais, nous irons plus vite que tous les autres. Heureusement, un sommet était prévu à Bruxelles pour le lendemain 11 mars et, comme Angela Merkel finit toujours, après le prodigieux agacement que Sarkozy lui inspire, par se raccommoder avec lui, les dirigeants européens (notamment la ministre des Affaires étrangères, Catherine Ashton, doublée à vive allure par Speedy Gonzales) ont suivi partiellement la route tracée par le président français.
Non sans élever quelques objections de taille. Le président de la République n’était pas encore arrivé à Bruxelles qu’il proposait de bombarder des cibles sélectionnées en Libye. Voilà qui va encore plus que l’idée de « no fly zone » ou zone d’exclusion aérienne qui, elle-même exige une logistique considérable et une prise de risque. Ce qui nous conduit directement sur le terrain : Kadhafi n’a pas baissé les bras. Contrairement à ce qui s’est passé en Tunisie et en Égypte, l’armée libyenne n’a pas déserté en masse. En tout cas, elle a repris Ras Lanouf, nœud pétrolier, et ses pilotes, peut-être sous la menace, bombardent les positions des insurgés en y faisant un nombre élevé de morts et de blessés. La crise libyenne est bel et bien une guerre civile et le risque est grand que Kadhafi reprenne le contrôle de la Cyrénaïque où on n’ose imaginer comment il exercera sa vengeance.
SARKOZY VEUT RATTRAPER LE TEMPS PERDU PAR LA DIPLOMATIE FRANCAISE
Deux hypothèses.
La menace qui pèse sur le peuple libyen peut inspirer aux Européens deux attitudes opposées : soit ils jugent intolérable qu’un tyran sanguinaire reconquiert le pouvoir qu’il a perdu et ils engagent une expédition (aérienne ou terrestre) contre lui. Soit ils estiment que les insurgés n’ont pas fait la preuve de leur capacité à se débarrasser du régime et ils abandonnent la Libye à la loi du plus fort. Ce qui serait humainement indéfendable. Une fois de plus, il e démontré que, depuis la Tunisie, il est impossible de pratiquer une politique extérieure qui ne tienne pas compte des droits de l’homme. En ce sens, Nicolas Sarkozy aurait donc raison de s’être précipité pour reconnaître le CNT. Une autre hypothèse est que, en créant un choc moral, il voulait entraîner le reste de l’Union dans une aventure militaire, toujours très difficile à décider. C’est le genre de tactique auquel il nous a habitués. Mais c’est aussi une façon de procéder qui crée des responsabilités ultérieures. On ne va pas éliminer Kadhafi avec un seul obus. L’expédition militaire sera plus une affaire de l’OTAN qu’une affaire de l’UE. Il faudra ensuite un mandat en bonne et due forme de l’ONU. Alors seulement pourra-t-on attaquer. Ce sera bien tard. Et on préfère que les insurgés finissent par l’emporter contre Kadhafi, ce qui laissera intact leur acquis révolutionnaires et nous évitera à nous, les Français et les Européens, des pertes cruelles.
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