Scandale du Centre du don du corps des Saints-Pères : Frédéric Dardel, ancien président de Paris-Descartes, mis en examen

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Publié le 07/06/2021
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Crédit photo : S.Toubon

L'ancien président de l'Université Paris-Descartes, Frédéric Dardel, a été mis en examen ce 4 juin dans l'enquête sur le scandale du Centre du don des corps de la rue des Saints-Pères, ouvrant la voie à la mise en cause d'autres hauts responsables après celles de deux employés et de l'Université elle-même.

Frédéric Dardel, président de l'Université entre 2012 et 2019 avant d'intégrer le ministère de la Recherche en tant que conseiller spécial de Frédérique Vidal, est poursuivi pour « atteinte à l'intégrité d'un cadavre », a appris l'AFP de source proche du dossier, confirmée par une source judiciaire.

Locaux vétustes, dépouilles putréfiées et rongées par les souris, soupçon de marchandisation des corps… Dans un article publié fin novembre 2019, l'hebdomadaire « L'Express » avait dénoncé les « conditions indécentes » de conservation de dépouilles de « milliers de personnes ayant fait don de leur corps à la science ».

Absence de réaction de la hiérarchie, malgré de multiples alertes

Ces révélations avaient conduit la ministre de la Recherche Frédérique Vidal à ordonner la fermeture du « temple de l'anatomie française », fondé en 1953. Elle avait confié une enquête à l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et à l'Inspection générale de l'éducation du sport et de la recherche (IGÉSR), qui avait conclu en juin 2020, à de « graves manquements éthiques ». Les inspecteurs avaient notamment confirmé une « perte de repères (...) tant chez les préparateurs que chez les intervenants » sur les corps et s'interrogeaient sur une « volonté de nuire ou de porter atteinte aux cadavres » de « certains préparateurs ». Ils soulignaient aussi « l'importance et la répétition » des alertes, « à différents niveaux et selon différents vecteurs », et l'absence de réaction malgré la gravité des faits signalés jusqu'en 2018.

Démis de ses fonctions ministérielles en juin 2020, Frédéric Dardel est depuis conseiller du président de l'Inserm, Gilles Bloch. « Sur les sept années qu’aura duré son mandat, Frédéric Dardel n’a été mis en examen en sa qualité de président que sur une période de deux ans », a commenté son avocate, Me Marie-Alix Canu-Bernard. « Pourtant il n’a eu de cesse de solliciter l’octroi de crédits… Notamment pour la réfection du Centre du don des corps, en vain, ce qui démontre comme pour d’autres services publics essentiels l’incurie manifeste de l’État », a-t-elle ajouté.

Une cascade de mises en examen

La mise en examen de Frédéric Dardel n'est pas la première… Ni la dernière. Dans un premier temps, l'information judiciaire ouverte en juillet 2020 s'est orientée sur les employés du centre, les « préparateurs », chargés de la gestion quotidienne des dépouilles avant leur utilisation pour des expérimentations. Au moins deux d'entre eux ont été mis en examen, Maurice A. en décembre et Jean-Rémy H. en avril.

Le premier, employé du centre jusqu'au début des années 2010, a été mis en cause notamment après la découverte à son domicile de « divers ossements » et des bijoux. Le second, décrit comme un personnage controversé dans des mails internes auxquels l'AFP a eu accès, a été la tête de l'équipe des préparateurs au moins jusqu'à début 2018.

Mais l'enquête, comme le demandaient les plus de 170 plaignants, issus des familles des personnes ayant fait don de leur corps, cible désormais des responsables.

L'Université de Paris, nouvelle entité issue de la fusion en janvier 2020 de Paris-Descartes et Paris-Diderot, a ainsi été mise en examen le 15 avril pour « atteinte à l'intégrité d'un cadavre ».

Se pose aujourd'hui la question d'autres mises en examen de hauts responsables. Dans un article paru ce 3 juin, « Paris Match » a révélé l'existence de 13 diapositives qui attesteraient de l'existence du charnier dès 1988, alors que l'enquête se concentre sur des faits commis à partir de 2013. « Tous les présidents d'université qui se sont succédé étaient parfaitement au courant », a réagi Me Frédéric Douchez, avocat de très nombreux plaignants regroupés dans l'association Charnier Descartes, justice et vérité pour les donneurs, saluant une mise en examen « logique ». « La hiérarchie commence enfin à être inquiétée, ce qui est selon nous, la moindre des choses » s'est félicitée l'association, avant de prévenir : « La liste n'est pour le moment pas complète. »

Pour rappel, le Pr Axel Kahn a été président de l'Université Paris-Descartes de 2007 à 2011. Le Pr Guy Vallancien a fondé et dirigé en 2001 l'École européenne de chirurgie, une société anonyme spécialisée dans la formation continue, située dans les locaux du Centre du don du corps, qu'il a par ailleurs dirigé de 2004 à 2014. Une « confusion des rôles » pointée dans le rapport de l'Igas.

Outre son versant judiciaire, le scandale du Centre des Saints-Pères a mis en lumière la nécessité de mieux encadrer le don du corps à la science. Une quête d'harmonisation qui pourrait se concrétiser à travers la loi de bioéthique, examinée à partir de ce 6 juin (hasard du calendrier) pour la troisième fois par l'Assemblée nationale.

 

Avec AFP

Source : lequotidiendumedecin.fr