AFIN DE DÉTERMINER l’ampleur et l’évolution des cas de néonaticides qui surviennent dans les premières 24 heures de vie, les chercheurs Anne Tursz et Jon Cook (INSERM 988, CERMES 3) se sont appuyés sur les données judiciaires de 26 tribunaux dans trois régions comportant plus d’un tiers des naissances du territoire français entre 1996 et 2000 : la Bretagne, l’Île-de-France, le Nord-Pas-de-Calais. Par recoupement avec les statistiques officielles de mortalité établies grâce au codage des causes de décès (Classification internationale des maladies), les chercheurs ont établi que, sur cette période de cinq ans, les données judiciaires faisaient apparaître 5,4 fois plus de néonaticides que dans les statistiques officielles, soit 2,1 néonaticides pour 100 000 naissances contre0,39.
Anne Tursz et son équipe ont également dressé le profil des mères formellement identifiées comme étant à l’origine du décès (dans 9 cas de néonaticides sur 27, la mère n’a jamais été retrouvée), notamment grâce au contenu des expertises psychiatriques et médico-psychologiques. En moyenne âgées de 26 ans, les mères néonaticides vivaient, pour la moitié d’entre elles, avec le père de l’enfant et un-tiers avait au moins trois enfants. Les deux-tiers avaient une activité professionnelle (avec une catégorie socioprofessionnelle semblable à celle des femmes de la population générale). Sans avoir de maladies mentales caractérisées, ces femmes « avaient peu confiance, présentaient une certaine immaturité, des carences affectives, une forte dépendance à l’autre, voire une peur extrême de l’abandon ». Si leur discernement n’a jamais été altéré, contrairement aux cas de déni de grossesse (aucun n’a d’ailleurs été constaté), toutes les grossesses ont été cachées à la famille et aux amis et la plupart des femmes ont accouché seule et en secret. Aucune naissance n’a été déclarée à la Sécurité sociale ni suivie médicalement. Autre constatation : la contraception n’était pas utilisée sans toutefois que cela soit dû à un manque de connaissances, une utilisation irrégulière ou un refus de principe.
Mieux cibler la prévention.
La pédiatre Anne Tursz considère qu’« identifier le profil de ces mères permettra de mieux cibler à l’avenir les femmes vulnérables afin de leur proposer des solutions adaptées. Les données recueillies suggèrent que l’action préventive exclusivement tournée vers les jeunes, les pauvres, les femmes seules, sans emploi ou avec un déni de grossesse, comme on le voit dans les médias, n’est pas appropriée ». Les auteurs soulignent enfin l’importance de développer une collecte de données sur les causes de décès des nourrissons au niveau national, de manière prospective et en réalisant des études cas/témoins. Selon eux, une telle approche permettrait de développer une action préventive ciblée, grâce à l’identification scientifiquement solide de facteurs de risque maternels.
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