« LA SYNTHÈSE des rapports médico-légaux permet de conclure que Benjamin Orset est décédé d’une toxi-infection alimentaire, liée à l’absorption d’un repas pris quelques heures avant sa mort, soit la veille au soir le 21 janvier, au restaurant Quick Cap Sud à Avignon. » Après quatre semaines d’enquête, le procureur de la République d’Avignon, Catherine Champrenault, met explicitement en cause l’enseigne de restauration rapide dans la survenue du décès de l’adolescent de 14 ans qui, fin janvier, y avait dîné avec ses parents et sa sœur, avant de présenter dans la nuit, tout comme son père, des vomissements et de violents maux de tête. Le lendemain dans la matinée, les pompiers appelés au domicile de la famille à Orpède (Vaucluse) n’ont pu que constater le décès.
Les premières investigations révèlent très vite que le père et le fils avaient commandé le même hamburger, contrairement aux deux autres membres de la famille. La fermeture de l’établissement est demandée dès le 22 janvier, des prélèvements et une enquête épidémiologique sont réalisés. L’autopsie met en évidence la présence d’un staphylocoque doré dans le liquide gastrique, ce qui oriente vers une toxi-intoxication alimentaire sans que la responsabilité du repas pris la veille ne soit démontrée. « On ne peut exclure totalement un lien avec des absorptions plus anciennes », expliquait Catherine Champrenault le 28 janvier dernier.
À la demande de Quick, qui, de son côté, a mandaté un laboratoire indépendant agréé pour effectuer des analyses sur des échantillons prélevés dans le restaurant d’Avignon, le Dr Bertrand Issartel précisait même sur le site de l’entreprisse : « Au vu des résultats de ces premières analyses et après information sur les procédures qualités suivies, il n’y a pas d’éléments permettant de retenir à ce jour une contamination suite à un dysfonctionnement local dans le restaurant d’Avignon. » L’infectiologue confirmait qu’on était bien en présence d’une TIAC, avec au moins deux cas, mais jugeait que l’absence d’autres cas déclarés après un repas dans ce restaurant très fréquenté, rendait « très improbable, sur un plan épidémiologique, sa responsabilité dans la survenue de cette toxi-infection supposée ». Selon la préfecture, aucun autre client de l’établissement n’a signalé de troubles alimentaires.
Violations délibérées.
Cet avis plutôt rassurant est aujourd’hui mis à mal. Une information contre X pour homicide involontaire a été ouverte par le parquet d’Avignon. Les analyses ont en effet permis de mettre en évidence la présence de staphylocoques dorés dans le liquide gastrique de la victime et sur cinq des huit employés ayant travaillé le 21 janvier dans l’établissement, « ainsi que sur le sol carrelé du stand d’emballage des denrées alimentaires », a indiqué le procureur. La même entérotoxine a été retrouvée dans le liquide gastrique de l’adolescent décédé, chez deux employés et dans les prélèvements effectués dans les locaux. Par ailleurs, toutes les autres hypothèses étudiées par le juge d’instruction ont été exclues : repas pris à la maison, élevage d’animaux par la famille ou déjeuner à la cantine scolaire.
Enfin, des problèmes d’hygiène avaient, selon le procureur, déjà été constatés : « Le fait que ce restaurant ait été contrôlé fin 2008, date à laquelle déjà plusieurs anomalies avaient été relevées par la direction des services vétérinaires, anomalies qui se sont aggravées d’après le rapport de la direction départementale des populations du 25 janvier 2011, permet de retenir des indices graves ou concordants de violations manifestement délibérées d’obligations réglementaires de sécurité ».
Les responsabilités pénales restent désormais à déterminer. Le restaurant a de nouveau ouvert ses portes la semaine dernière, l’enseigne ayant repris le restaurant en exploitation directe, après accord avec le franchisé, à qui elle a racheté les murs et le fonds de commerce. La direction du groupe qui doit faire face à une baisse de fréquentation parle désormais de « dysfonctionnement local, limité au seul restaurant d’Avignon Cap Sud, et non une défaillance des produits fournis par Quick ».
Des TIAC fréquentes parfois graves.
Sur le plan médical, les toxi-infections alimentaires collectives sont fréquentes en France. Selon le dernier bilan de la déclaration obligatoire, 1 124 foyers ont été déclarés en 2008, affectant 12 549 personnes, dont 5 décès, parmi lesquels 2 sont dus à Staphylococcus aureus. Les agents responsables les plus fréquemment incriminés ou suspectés étaient l’entérotoxine staphylococcique (32 % des foyers pour lesquels un agent a été identifié ou suspecté) et les salmonelles (25 % des foyers où un agent a été identifié ou suspecté mais 50 % des foyers où l’agent a été identifié). Si la proportion de foyers recensés en restauration scolaire diminue (de 10 %) depuis 2005, celles des foyers survenant en restauration commerciale augmente depuis 2003. Dans un bilan 2006-2008, Gilles Delmas de l’Institut de veille sanitaire (InVS) note que « les TIAC survenues en restauration collective sont surtout causées par S. aureus ». La consommation de plats cuisinés est souvent en cause. Il souligne aussi qu’entre 2006-2008, le taux d’hospitalisation en raison d’une TIAC est en diminution par rapport à la période 2003-2005, de même que le taux de létalité. Parmi les 15 décès notifiés entre 2006 et 2008, 6 sont survenus au décours d’infection à S. aureus, 2 au décours d’infections à Salmonella et les deux autres au décours d’une infection à Bacillus cereus et à Clostridium perfringens.
Fréquentes, les TIAC liés aux staphylocoques guérissent généralement en un ou deux jours. Mais le tableau clinique peut être bien plus sévère, « jusqu’au choc septique », souligne le Pr François Bricaire, chef de service des maladies infectieuses et tropicales à la Pitié-Salpêtrière. La gravité des symptômes, qui apparaissent généralement 2 à 4 heures après le repas contaminé « dépend du germe lui-même avec une capacité de virulence d’autant plus forte que la quantité consommée est importante, c’est l’effet inoculum. Elle dépend aussi de la réceptivité de l’individu, plus ou moins sensible à l’agressivité du germe », précise le Pr Bricaire. Dans le cas d’Avignon, il semble que la victime ait été « en excellente santé », ne souffrant « d’aucune maladie », selon le procureur. Quant à savoir pourquoi seulement deux personnes ont été touchées, les investigations épidémiologiques devront le déterminer.
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