BEAUCOUP DE LECTEURS aiment encore les journaux et les magazines et les plus passionnés sont surtout ceux qui les font. De ce point de vue, une avancée numérique ne donnera pas le plaisir de feuilleter un journal, de choisir un article au détriment des autres, de passer librement de la page trois à la page seize, de communier, en quelque sorte, avec le papier. L’alternative, depuis déjà longtemps, c’est l’écran qui ouvre l’accès à une infinité de textes tant qu’ils resteront gratuits. Une gratuité illusoire car elle ne peut être acquise qu’en ruinant ceux qui produisent les textes et les acheminent jusqu’à nous. On ne soulignera pas assez la crise d’une presse qui, chaque année, perd des lecteurs, alors que l’offre éditoriale ne cesse de croître. Et il faut compter avec un phénomène, l’apparition du lecteur-journaliste ou du lecteur-écrivain, personnage furieusement libre qui ne se contente pas de ce qu’on lui dit et ajoute son commentaire à ce qu’il lit. Il s’ensuit une interactivité jugée salutaire par les plus modernes d’entre nous, mais que contestent les plus sceptiques, sensibles aux dérives d’une liberté d’expression qui permet plus aux gens de se défouler au mépris de la raison et de l’exactitude des faits que de contribuer à la précision d’une information saine.
Messages outranciers.
Le phénomène alarme les pouvoirs publics qui, dans le champ de la création artistique, ont mis en œuvre la loi dite Hadopi (elle limite et contrôle le chargement de disques et de films) ; et qui, dans le domaine des messages électroniques, souhaitent maintenant interdire l’anonymat du messager. Il suffit de naviguer sur la Toile pour constater que l’usage fait par les internautes de leur extraordinaire liberté est très indécent, parfois morbide. C’est une flot de haine et d’imprécations, surtout contre ceux qui bénéficient de la notoriété au niveau de laquelle ces peu honorables correspondants souhaitent se hisser par l’outrance, censée remplacer le talent qu’ils n’ont pas. C’est consternant.
UN ESPOIR POUR LES ÉDITEURS DE PRESSE
Il est vrai en revanche que l’iPad qui, contre un abonnement à un prix raisonnable, permettrait à tout un chacun d’accéder à ce qui se dit en France et ailleurs dans la journée, serait un instrument prodigieux. Mais pas pour tous. Internet a montré que ses adeptes lisent moins qu’ils n’écrivent. Il leur importe surtout de riposter, de donner un avis contraire, d’exister. C’est un défaut dans la mesure où ils n’ont pas la maîtrise du langage nécessaire à l’exercice. Ce serait louable s’ils avaient tous la formation ou plutôt l’éducation requise. Il suffit, pour établir ce constat négatif, de voir comment les employés d’Acadomia, une puissante entreprise de soutien scolaire cotée en Bourse, échangeaient des emails orduriers au sujet de leurs élèves, des parents ou des candidats à un poste de professeur au sein de la firme. Un tel flot de haine, de mépris pour son prochain et d’indécence est probablement dû à la liberté qu’offre le message électronique et au sentiment d’impunité qui l’accompagne.
Il ne s’agit pas ici de sanctifier le travail des journalistes et de le mettre à l’abri de toute critique. Il s’agit seulement de le protéger contre une sorte de crise de nerfs permanente. Aucun métier ne peut être exercé sans une formation préalable. Le journaliste est formé à l’usage de la langue, il vérifie ses informations, il les classe, il sépare les faits du commentaire, sauf dans les articles clairement présentés comme des analyses présentant un point de vue spécifique à l’auteur. L’idée selon laquelle, si l’on dispose d’un clavier et d’un écran, on est automatiquement formé à ce métier est fausse. Internet a créé cette illusion. La science infuse n’existe pas. Pour écrire, il faut réunir plusieurs connaissances, le vocabulaire, la grammaire, le rythme des phrases, l’exactitude des faits présentés, le mouvement même de l’article ou du récit. Cela fait une somme si difficile à acquérir que des erreurs commises par les plus chevronnés d’entre nous se produisent, même si elles ne constituent que des exceptions au regard de l’abondance des textes.
De ce point de vue, l’iPad ne changera rien dès lors que l’appareil reçoit aussi, comme un simple ordinateur, des messages électroniques. La révolution est contenue dans l’infinie multiplicité des messages circulant de l’ordinateur au téléphone et à l’iPad. La régression se situe dans la qualité de ces messages. La création d’un code de bonne conduite pour les échanges de contenus ne nous semble pas inappropriée.
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