Variants du SARS-CoV-2 : le consortium Emergen renforce la surveillance génomique à l'aide des laboratoires privés

Par
Publié le 01/07/2021
Article réservé aux abonnés

Crédit photo : PHANIE

Depuis le 21 juin, les laboratoires privés dotés de capacités de séquençage sont appelés à participer au consortium Emergen de surveillance génomique du SARS-CoV-2. Ce dispositif, créé en janvier dernier, a pour but d'assurer la surveillance de l'épidémie de Covid, ainsi que l'évolution des différents variants.

Si les RT-PCR dites « de criblage » permettent de détecter des variants déjà connus, le séquençage génomique complet reste la seule technique qui permet de les confirmer, de détecter les nouveaux émergents et d'en préciser les mutations qui les caractérisent. 

Née de la collaboration entre l'ANRS - Maladies infectieuses émergentes (ANRS-MIE) et Santé publique France, Emergen a produit, à la date du 28 juin, plus de 79 000 séquences, majoritairement dans le cadre d'enquêtes Flash, désormais hebdomadaires, mais aussi pour l'investigation de clusters, en cas de présentation clinique anormale et/ou d'échec de traitement par anticorps, ou encore pour des patients infectés dans les 14 jours qui suivent leur retour de l'étranger.

La France rattrape son retard

La France est le 5e contributeur aux bases de séquençage internationales (ENA et GISAID), après les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne, le Danemark et la Suède. « L'Angleterre avait beaucoup d'avance sur nous, car ils avaient lancé des plateformes de séquençage dès les années 2010 avec des budgets bien supérieurs aux nôtres », reconnaît le Pr Yazdan Yazdanpanah, directeur de l'ANRS-MIE, qui estime toutefois que la France est en train de rattraper son retard. Depuis janvier 2021, plus 49 000 séquences ont été déposées, contre 2 000 seulement au cours de toute l'année 2020.

Les recommandations européennes de l'ECDC de mai 2021 indiquent que les pays doivent être en capacité de détecter un variant émergent présent chez 1 % des patients infectés. « Nous avons cette capacité au niveau national depuis le début du consortium », explique le Dr Bruno Coignard, directeur du département des maladies infectieuses à Santé publique France. « Au niveau régional, certaines régions sont encore mal couvertes, notamment les territoires d'outre-mer. Nous visons entre 10 000 et 12 000 séquences faites chaque semaine, poursuit-il. Le consortium a pour cela beaucoup investi dans l'amont pour avoir suffisamment de prélèvements ».

Plateformes de séquençage

Quatre plateformes de virologie sont mobilisées : les deux de séquençage à haut débit des centres nationaux de référence (Institut Pasteur et Hospices civils de Lyon) ainsi que celles hospitalo-universitaires de l'hôpital Henri-Mondor de Créteil et de l'IHU Méditerranée Infection à Marseille, ainsi qu'un réseau de 44 laboratoires hospitaliers. À la suite de l'ouverture aux séquenceurs privés, « cinq à six nouveaux laboratoires » ont déjà demandé une connexion aux bases de données nationales selon Emergen.

En pratique, « seuls les échantillons ayant une forte charge virale peuvent être utilisés pour faire du séquençage, précise le Pr Bruno Lina, responsable du CNR de Lyon. S'il a fallu moins de 28 ou 30 cycles de PCR pour amplifier l'ARN viral, alors on peut espérer le séquencer. »

Les variants sont classés en trois catégories, à commencer par les variants préoccupants (VOC) caractérisés par une forte transmissibilité, une gravité accrue, un changement de présentation clinique ou une diminution de l'efficacité des tests diagnostiques, des vaccins ou des molécules thérapeutiques. Viennent ensuite les variants à suivre (VOI) porteurs de mutations connues pour être associées à une modification de la transmissibilité ou de la virulence. La dernière catégorie est celle des variants en cours d'évaluation.

Quatre axes de recherche

À partir des données de surveillance, le consortium va suivre quatre axes de recherche sur les variants : préclinique (volet expérimental, modèles animaux), cohortes, modélisation et eaux usées (suivi). « Les modèles animaux vont nous permettre d'anticiper les effets des différents variants, explique le Pr Yazdanpanah. Les cohortes permettront de répondre aux questions que l'on se pose sur la sévérité et la transmissibilité et la susceptibilité aux vaccins ». L'AP-HP, le CEA, le CNRS et l'Inserm sont les partenaires les plus proéminents impliqués dans les projets de recherche du consortium.

« Nous allons repérer de très nombreux variants et une instance pluridisciplinaire va être mise en place pour prioriser ceux qui ont besoin d'être plus particulièrement étudiés », poursuit Xavier de Lamballerie, responsable de l'unité « Virus émergent » de l'université Aix-Marseille. Concernant les eaux usées, « il s'agit d'un axe très important, car il s'agit d'une source de données qui peut être intégrée à la surveillance », complète le chercheur.

Le suivi réalisé dans le cadre du consortium « permet de suivre l'effet des différents lignages sur l'épidémie, l'évolution du virus sous la pression du système immunitaire, ainsi que le R0 dans certains clusters ou situations inhabituelles », détaille le Pr Lina. « Nous ne sommes qu'au début de cette aventure, ajoute le Pr Yazdanpanah. Nous posons les bases d'un réseau de surveillance génomique national des maladies infectieuses émergentes puis, on l'espère, européen. »


Source : lequotidiendumedecin.fr