Après le CEA, des start-up investissent le créneau en France

Par
Publié le 03/04/2018
Article réservé aux abonnés

Alors que le CEA est précurseur en France dans le développement d'exosquelette, notamment à visée industrielle, des start-up se lancent à leur tour dans l'aventure à plein régime, telles que Wandercraft avec leur exosquelette Atalante ou encore Japet avec Atlas, un exosquelette unique pour la rééducation des lombalgies.

Face à ces nouveaux venus, le CEA n'est pas en reste avec un projet inédit et ambitieux : permettre aux tétraplégiques de retrouver une mobilité des 4 membres en actionnant un exosquelette par la pensée. Le CEA-list, qui travaille depuis les années 2000 au développement d'un exosquelette 4 membres - un modèle ayant été présenté au SIGGRAPH 2013 (exosquelette EMY) -, impulse une nouvelle dimension à son exosquelette grâce à une collaboration avec le CEA de Clinatec (Grenoble) : une commande cérébrale.

Depuis 2009, l'équipe de Grenoble coordonnée par le Pr Alim-Louis Benabid, connu pour avoir mis au point la stimulation cérébrale dans la maladie de Parkinson, travaille à la mise au point d'une interface cerveau-machines à l'aide d'électrodes implantées dans le cerveau. L'équipe a prévu de communiquer courant du mois de mai de l'avancée de leurs travaux.

Wandercraft et l'exosquelette Atalante

Côté start-up, la société Wandercraft fondée par trois jeunes polytechniciens, Nicolas Simon, Alexandre Boulanger et Mathieu Masselin, fait beaucoup parler d'elle avec Atalante, leur exosquelette de marche.

Atalante veut se distinguer de ses concurrents par une marche plus autonome et plus réaliste, notamment via une commande intuitive. L’exosquelette est développé dans un premier temps à visée d’assistance pour les paraplégiques et à terme pour la rééducation.

L’un des tout premiers sans béquilles, cet exosquelette équipé de 12 mini-moteurs se veut moins fatigant avec la possibilité de séances de 3 à 4 heures, même si le poids atteint encore les 50 kg nécessaires pour porter l’intégralité du corps humain.

« On pense qu’avec une marche plus réaliste, la récupération sera meilleure, explique Mathieu Masselin. On travaille sur le mouvement entier et l’aspect coordonné de la marche, avec une attention particulière pour l’impact du pied sur le sol et l’attaque par le talon ».

Avec une approche très mathématique, l’équipe travaille sur deux aspects de la commande : « Comment la personne donne des ordres et comment l’exosquelette les transforme au plan articulaire », explique le jeune polytechnicien à peine trentenaire. « Le travail sur la commande de Wandercraft est très intéressant », analyse le Dr Agnès Roby-Brami.

Pour le premier aspect, un accéléromètre détecte la configuration dans laquelle se trouve le sujet et la transforme en ordre. « Le fait de se pencher en avant a été choisi pour donner l’ordre d’avancer, explique Mathieu Masselin. On a voulu que ce soit le plus intuitif et spontané possible. » Pour le second, « nous avons choisi une approche mathématique très puissante bâtie autour du premier pas comme primitif du mouvement et qui consiste à ajuster ensuite en fonction de ce qui se passe. Cette théorie née aux États-Unis continue à être développée. Le paramétrage est personnalisé sur la taille, la longueur des jambes ou le poids du sujet, ce qui rajoute de la complexité. C’est avant tout un modèle de robotique dynamique, les algorithmes tournent en permanence. »

Le système est en développement constant. « Il y a à peine 1 an, les gens marchaient très mal, reconnaît Mathieu Masselin. Aujourd’hui, la marche est continue avec des pas robustes malgré des perturbations. Les algorithmes vont continuer de s’améliorer dans les années à venir. Notre premier exosquelette n’a pas intégré l’effort contrôlé, mais on y réfléchit. »

Le marquage CE est attendu pour novembre 2018, - dans un premier temps pour une fonction d’assistance -, en vue d’une commercialisation fin 2018. Le prix non communiqué peut être estimé à quelques centaines de milliers d’euros. « Le système pourra être mis à jour régulièrement pour les algorithmes, rassure Mathieu Masselin. Le hardware évolue plus lentement ». Une étude clinique sur 2 ans chez 40 paraplégiques vient de débuter dans le centre de Ponsat (Auvergne) pour évaluer les bénéfices en termes de traitement et de confort. « On vise une complémentarité d’effets sur l’autonomie et la santé, explique Mathieu Masselin. On espère éviter une dégradation de l’état de santé générale chez les paraplégiques avec des séances sur 3-4 semaines. »

Atlas, premier exosquelette pour les lombalgies

La société Japet créée par les lillois Antoine Noël et Damien Bratic a développé le premier exosquelette du tronc pour les lombalgies chroniques. Ce dispositif d’aide à la rééducation appelé Atlas a pour objectif de soulager la douleur et faciliter l’activité physique en décomprimant la colonne vertébrale. Équipé de 4 petits moteurs, l’exosquelette pesant 1,2 kg transfère le poids sur les hanches « sur le modèle d’un sac de randonnée », explique Antoine Noël.

Les deux ingénieurs cofondateurs, qui travaillent sur le projet depuis seulement 3 ans et ½, expliquent la rapidité du développement par leur séjour en Chine. « Tout s’est accéléré là-bas, explique Antoine Noël. On a pu faire beaucoup de versions différentes à faible coût, tester ce qui marche et ce qui ne marche pas et tirer les leçons de nos essais et nos erreurs. »

Après une expérience positive en 2017 chez une patiente, Japet attend le feu vert de l’ANSM pour lancer un essai clinique destiné à mesurer la douleur chez 30 patients après 7 jours de rééducation avec Atlas à raison d’une séance de 30-40 minutes/jour. La start-up espère obtenir cet été le marquage CE du dispositif et lancer la commercialisation dans la foulée auprès des professionnels. Avec un prix autour de quelques dizaines de milliers d’euros, la société envisage un modèle locatif à terme pour un usage par les particuliers.

 

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin: 9653