Le suicide d’un salarié victime d’intoxication reconnu comme accident de travail

Publié le 04/09/2015
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Le tribunal des affaires sociales (Tass) de Saint-Brieuc a reconnu jeudi 3 septembre comme accident du travail le suicide, sur son lieu de travail en 2014, d’un chauffeur de l’entreprise d’aliments pour bétail Nutréa à Plouisy (Côtes-d’Armor), où plusieurs autres salariés avaient été intoxiqués en 2009 et 2010 par des pesticides.

Gwénaël Le Goffic, 41 ans, victime en janvier 2014 d’un accident du travail en déchargeant un aliment médicamenteux pour porcelets qui lui avait occasionné des brûlures aux yeux selon son épouse, s’était pendu le 21 mars suivant, sur son camion. Il avait laissé une lettre d’adieu, écrite au dos de l’étiquette de cet aliment.

Sa veuve, Edith Le Goffic, avait déposé un recours devant le Tass pour contester le refus de prise en charge, par la Mutualité sociale agricole (MSA), de ce suicide en accident du travail. Pour la MSA, le suicide de Gwénaël Le Goffic n’était pas imputable au travail mais lié à une affection chronique dont il souffrait.

L’homme « ayant mis fin à ses jours pendant son temps de travail, sur son lieu de travail et au surplus, au moyen de son outil de travail », le Tass a estimé, dans son jugement, que son suicide constitue un accident du travail au sens de l’article L.411.1 du code de la sécurité sociale.

« Conjonctivite allergique » pour les médecins, « poussière dans l’oeil » pour la direction

Cet article et la jurisprudence « n’exigent pas, pour reconnaître le caractère professionnel d’un accident » qu’il « soit causé exclusivement par la situation de travail », explique le tribunal. Il a insisté sur la situation professionnelle de Gwénaël Le Goffic qui occupait l’un des postes « les plus difficiles de l’usine », notamment en termes d’amplitudes horaires, qui avaient fait l’objet d’un procès-verbal de l’inspection du travail.

Par ailleurs, l’accident du travail dont il avait été victime avant son suicide - « conjonctivite allergique réactionnelle aux produits manipulés » selon des médecins, « poussière dans l’oeil » selon la direction de Nutréa - avait suscité chez lui de l’inquiétude, « démontrée », pour le Tass, par le fait qu’il avait « pris la précaution de rapporter chez lui une étiquette comportant la composition de l’aliment qu’il chargeait (...) et qu’il avait demandé à son épouse de conserver, selon elle, au cas où son problème à l’oeil persisterait ».

Le Tass a condamné la MSA d’Armorique à payer 1 500 euros à Edith Le Goffic. En septembre 2014, deux anciens salariés de la coopérative Nutréa-Triskalia à Plouisy, gravement intoxiqués par des pesticides interdits ou surdosés sur leur lieu de travail, avaient obtenu gain de cause devant le Tass de Saint-Brieuc, qui avait reconnu la "faute inexcusable" de leur ex-employeur.

Avec AFP

Source : lequotidiendumedecin.fr