Dialogue médico-judiciaire

Les juges invitent les médecins experts à s’engager

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Publié le 08/02/2018
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« Donnez-vous la responsabilité de trancher ! » Magistrat près la cour d’appel de Montpellier, Philippe Gaillard a enjoint, lors des 14es Rencontres des Magistrats, avocats, médecins experts, organisées début février à la faculté de médecine de Montpellier, les praticiens experts auprès des tribunaux à apporter une réponse claire aux justiciables.

« Le juge n’a pas les compétences techniques d’un médecin. Le rapport d’expertise doit être sans équivoque. Il est périlleux de laisser une place au doute dans un rapport car une analyse mitigée peut conduire à une annulation de l’expertise et donc rallonger le temps de la justice », a-t-il précisé.
« Le dialogue entre juge et médecin doit être transparent », a pour sa part développé Gilles Sainati, vice-président du tribunal de grande instance de Perpignan, chargé du contrôle des expertises. « Si un médecin se rend compte qu’il doit expertiser un patient qui a été traité dans son service, bien qu’il ne l’ait pas approché lui-même auparavant, il faut qu’il prévienne le juge chargé du contrôle des expertises. C’est lui qui dira s’il y a ou non un risque de remise en cause de l’expert. Plus tôt les difficultés sont anticipées, mieux la procédure se déroule », justifie-t-il.

Débats autour du secret médical

En introduction des débats, le Dr Patrick Jammet, chirurgien ORL au CHU de Montpellier et expert près la cour d’appel de Montpellier, a rappelé notamment l’importance de « rendre un pré-rapport favorisant le respect d’un débat contradictoire. »
L’après-midi de réflexion a aussi été l’occasion de joutes verbales. Présente, Me Catherine Swarc a plaidé pour que les avocats puissent assister à l’expertise médicale. Or, la présence d’une des parties impose, par respect du débat contradictoire, que l’avocat de la partie adverse puisse être présent. Expert, le Pr Francis Navarro, chirurgien digestif, s’est inscrit en faux face à la robe noire et lui a répondu : « Par respect du secret médical, mais aussi de l’intimité de la victime, je ne partage absolument pas votre position ! »
Convenant que de nombreux médecins experts n’apprécient pas d’être interrogés dans le cadre d’un procès public en cours d’assises – qui juge les crimes tels que des viols, des meurtres, assassinats, et tentatives -, Tristan Gervais de Lafond, premier président de la Cour d’appel de Montpellier a toutefois invité les médecins à s’engager : « On n’a pas assez de médecins experts. Cela contribue au fait que la justice ne soit pas rendue dans un délai raisonnable. »

De notre correspondant Guillaume Mollaret

Source : Le Quotidien du médecin: 9638