Près de 35 % de cas supplémentaires dans le monde entre 2017 et 2018 ! Après des années de recul, la planète assiste depuis deux ans à une résurgence sans précédent du virus de la rougeole. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recensait, à la mi-janvier, près de 229 000 malades signalés dans le monde pour 2018, contre environ 170 000 en 2017. En Europe, le nombre de cas notifiés est passé de 5 300 en 2016 à 26 000 en 2017 et à 83 000 en 2018. L’Ukraine comptabilisait à elle seule 53 000 cas en 2018.
En parallèle, le nombre de décès explose : la rougeole a tué 136 000 personnes en 2018, selon l’OMS. « C’est une catastrophe », commente le Dr Paul-Henri Consigny, directeur du centre médical de l’Institut Pasteur. « Quand nous voyons les cas signalés augmenter de 50 %, nous savons que nous nous dirigeons dans la mauvaise direction », déplorait mi-février Katherine O’Brien, directrice du département Vaccination et produits biologiques à l’OMS.
« La situation est préoccupante car elle n’est absolument pas sous contrôle », précise, au « Quotidien », le Dr Paul-Henri Consigny. « Ce que nous montrent les bulletins épidémiologiques, c’est la persistance de la circulation du virus, ajoute le Dr Daniel Lévy-Brühl, épidémiologiste à Santé publique France. Et tant que la maladie ne sera pas éradiquée au niveau mondial, elle continuera de circuler et nous verrons des cas importés ».
Circulation virale
Les États-Unis en ont fait les frais ces derniers mois. Selon le Center for disease control, l’épidémie de rougeole qui frappe actuellement 15 États a été importée par des touristes européens et israéliens. Ces derniers étaient issus de la communauté juive ultra-orthodoxes (haredi). Vivant isolés des institutions publiques, les haredis ont une couverture vaccinale bien plus faible que le reste de la population (lire article " les moyens de lutte d'Israël"). En Israël, ils ont été les premiers et les plus lourdement touchés par l’épidémie de rougeole lorsqu’elle a été importée dans le pays… par des touristes !
En fait, le seul moyen de stopper la circulation du virus et de contrôler l’épidémie mondiale est de faire en sorte que les pays atteignent le niveau d’immunisation nécessaire pour protéger la population, autrement dit 95 %. Cela nécessite de jouer sur de multiples tableaux. La défiance envers le vaccin contre la rougeole est une des premières causes de la flambée épidémique des pays développés. Elle se fonde sur l’adhésion à une « théorie » - construite de toutes pièces - selon laquelle le ROR provoquerait des cas d’autisme (lire article p. XX), sur des convictions religieuses (en Indonésie, une fatwa a été lancée contre le vaccin rougeole-rubéole contenant du porc) ou un idéal politique (refus des institutions publiques ou de l’« hégémonie » des laboratoires pharmaceutiques).
Politique de lutte
Dans ces pays, la politique de lutte actuelle passe par l’obligation vaccinale, comme en France depuis le 1er janvier 2018, des campagnes de communication incluant des responsables religieux, comme en Ukraine ou en Israël, ou encore la nécessité de fournir un certificat de vaccination avant l’inscription à l’école ou à l’université.
Dans les pays en développement, en revanche, l’épidémie est plus souvent liée à la faillite du système de santé et à l’incapacité à fournir le vaccin à la population. À Madagascar, près de 83 000 personnes ont été touchées par la rougeole entre septembre 2018 et février 2019. Or la couverture vaccinale des enfants n’a atteint que 58 % en 2017, selon l’OMS. Depuis janvier 2019, une campagne ciblée de vaccination est menée afin de protéger plus de deux millions d’enfants de 6 mois à 9 ans. D’un coût de 11,2 millions de dollars, elle est financée par l’État malgache et l’OMS.