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Dossier

DPC : dernière tentative de sauvetage

Publié le 25/11/2016
DPC : dernière tentative de sauvetage

BOUEE
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Caisses vides, formations à finalité incertaine, gouvernance contestée... Depuis plusieurs années, le dispositif du Développement Personnel Continu semble être à l’agonie. La loi santé a prévu de revoir le système en profondeur. Et, depuis cet été, une nouvelle agence a pris la main avec une nouvelle feuille de route. Alors, simple changement d'intitulé ou bouleversement en profondeur ? La nouvelle Agence (ANDPC) affiche, en tout cas, une volonté de réforme : peut-être l’ultime sauvetage pour un dispositif en perdition...

Enième rebondissement... Depuis sa création dans la loi HPST, le Développement Professionnel Continu (DPC) est un serpent de mer. Gros problèmes de financement, trop grande hétérogénéité dans les formations, soucis de gouvernance... Le fonctionnement de tout le système semblait être au point mort. La loi santé a donc prévu de réformer le DPC pour lui offrir un second souffle. Cet été a vu la naissance de l’Agence nationale du DPC qui, non contente de changer les instances et leur nom, veut recentrer le dispositif sur son esprit de départ tout en se donnant les moyens financiers d’y arriver. Une vrai gageure !

Il faut dire que, dès le commencement entre le projet d’origine et celui qui verra le jour, certaines idées se sont perdues en route. Le concept était de faire évoluer les formations en proposant une dynamique alliant évaluation et formation, avec un dispositif qui soit le même pour tout le monde, libéraux, hospitaliers, etc. Le DPC était aussi imaginé comme un levier de transformation du système, la possibilité de s’appuyer sur une décision politique et des moyens financiers pour améliorer et modifier les pratiques. À cela s’ajoutait un levier local pour que les ARS aient leur mot à dire sur les programmes et surtout leur financement, particulièrement chez les professionnels de santé libéraux.

L’objectif était aussi de créer les collèges et de leur donner un rôle clé dans tout ça : une instance transsyndicale et société savante chargée de contrôler la qualité et la nature des programmes de formation. Mettre un peu d’université dans la formation libérale en quelque sorte. Cette volonté politique s’assortissait d’un désir d’expurger l’industrie pharmaceutique de la formation des professionnels et de prendre ses distances avec les centrales syndicales, mais aussi de rendre le tout obligatoire avec un enregistrement prévu par le conseil de l’Ordre avec une restitution annuelle.

Finalement, le débat parlementaire et celui avec les syndicats et la Cnam modifieront l’esprit du texte pour donner un dispositif que certains qualifieront d’a minima, Xavier Bertrand se chargeant de détricoter encore un peu plus le projet de son prédécesseur, Roselyne Bachelot. La notion d’« évaluation-formation-évaluation » reste certes affichée, mais celle d’obligation annoncée demeure très légère. Les sanctions en cas de manquements ont souvent été évoquées, mais jamais mises en place, une absence de formation pouvant au pire constituer une circonstance aggravante devant l’Ordre en cas de manquement professionnel. Pis, le système n’a jamais semblé en mesure de rendre effectives les ambitions affichées au point de devenir une véritable usine à gaz. Cette année encore, par exemple, à la mi-août, les enveloppes budgétaires de plusieurs professions, dont les médecins libéraux, étaient épuisées, laissant sur le carreau les professionnels de santé.

Un suivi électronique des actions suivies par les médecins

La réforme de 2016 affiche donc une volonté de changer cela. Dans un premier temps, en mettant en place une nouvelle gouvernance : exit l’OG-DPC, place à l’Agence nationale du DPC. Le nouvel organigramme veut remettre les professionnels de santé au cœur du système, s’assurer de leur implication en leur donnant plus de poids dans l’évaluation des actions de DPC et la gestion de leur enveloppe budgétaire.
Au-delà des professionnels directement impliqués dans les instances du DPC, pour tous les autres les choses devraient changer également. L’obligation de formation a toujours été à l’ordre du jour, mais depuis le début de l’année elle est désormais triennale. En outre, de nouveaux outils vont permettre de suivre plus précisément les parcours des soignants. Ils devront justifier de leurs actions de DPC en les inscrivant dans un portfolio consultable en ligne pour l’instant intitulé « document de traçabilité électronique ». Personnel et unique, ce dossier est en discussion depuis avril dernier et a accouché d'une maquette : il reste encore à définir les modes d’échanges de données avec les autorités de contrôle.

La maquette, le projet de développement et le calendrier de mise en œuvre devaient d'ailleurs être présentés au cours du premier Haut Conseil du DPC en fin de semaine. Pour les professionnels, il faudra se rendre sur le site « www.mondpc.fr » pour accéder à ce portfolio et le compléter. L’ANDPC annonce d’ores et déjà qu’il devrait être effectif d’ici à avril 2017 et qu’une campagne d’information à destination des intéressés sera mise en place.

Renouer avec la qualité

Mais, avant de contrôler les professionnels, l’ANDPC veut aussi contrôler l’offre de DPC. Depuis des années, les qualité et contenu de certaines formations proposées sont remis en question. « Il y a des milliers d’associations qui font des milliers de programmes, c’est donc compliqué à gérer », explique le Dr Joël Cogneau, directeur scientifique de l’Institut de recherche en médecine générale (IRMG), agréé pour le DPC. « Auparavant, à partir du moment où un organisme était agréé, il faisait un peu ce qu’il voulait, ce qui a conduit à des dérives incroyables. L’OG-DPC n’avait pas les moyens de contrôler ça », explique-t-il. Désormais, l’ANDPC regardera les programmes dans le détail. Dans un premier temps, chaque organisme doit se réinscrire auprès de l’ANDPC, puis des évaluations seront effectuées à partir de critères qui sont encore en cours d’élaboration.

« Nous ne sommes pas opposés à plus de contrôle, affirme le Dr Cogneau, mais s’il est fait par la profession et non par des administratifs. » Demande a priori entendue puisque, si l’Agence fait office de premier rideau en vérifiant que les organismes répondent bien aux orientations prioritaires et aux conditions légales d’exercice, ce sont les commissions scientifiques indépendantes qui auront pour mission d’évaluer 10 000 actions de DPC dès l’année prochaine. Les CSI seront aussi impliquées dans les contrôles a posteriori qui, eux aussi, vont être renforcés. Des contrôles sur site vont désormais être pratiqués, des études de satisfaction permettront aussi de vérifier l’adéquation entre ce qui est affiché et les conditions réelles de la formation sur le terrain. Qui dit vérification dit aussi sanctions. Si les actions de DPC ne répondront pas aux exigences de qualité, elles pourront aller du retrait de l’action ou désenregistrement.

Trouver une solution pour financer

Remodeler l’offre de DPC et quelques règles du jeu pour les professionnels est sans doute souhaitable pour la survie du dispositif, mais un problème de fonds se pose dans ce dossier. Sans refonte du modèle économique, point de salut pour le DPC. Depuis deux ans, le budget est insuffisant pour couvrir les demandes de formation des médecins. En 2016, mi-août, l’enveloppe des praticiens libéraux était épuisée, empêchant en théorie toutes nouvelles inscriptions. L’Agence a donc engagé un travail sur les forfaits. Pour un médecin libéral, le forfait annuel est de 3 700 euros, il permet l’indemnisation du praticien et le paiement des organismes de formation. Pour ces derniers, cette année a été mise en place la notion de forfait dégressif pour moduler à la baisse le prix du forfait au coût de revient. L’ANDPC annonce que cela a d’ores et déjà permis de « capitaliser plus de 8 millions d’euros pour l’année en cours ».

Les enveloppes allouées à chaque profession pour 2017 seront annoncées sous peu. L’Agence veut recentrer l’offre de DPC avec de nouvelles orientations nationales prioritaires. Par ailleurs, elle espère se donner un peu de lest au niveau financier en passant d’une obligation annuelle à triennale. En attendant, pour remédier à des caisses vides, on a recours à des listes d’attente. Par exemple, même si le budget 2016 des médecins libéraux est épuisé, ceux qui n’ont pas suivi d’action de DPC cette année peuvent être sur liste d’attente et profiter d’annulations de sessions ou de désinscriptions. « Ce dispositif a déjà permis de prendre en charge plus de 1 600 professionnels », annonce l’ANDPC. À défaut de s’appuyer sur des plans de secours, il faut espérer que la réforme du DPC lui permette de repartir sur des bases plus pérennes...

Dossier réalisé par Amandine Le Blanc