Pouvez-vous préciser quel est le rôle de la commission dans laquelle vous siégez ?
La loi sur l’euthanasie, qui a été passée en 2002, s’est accompagnée de deux autres lois : l’une sur les droits des patients, et l’autre sur les soins palliatifs. Chacune de ces trois lois donnait de nouveaux droits aux citoyens et il fallait vérifier que l’Etat mettait bien en place les structures qui permettent leur application. Trois commissions ont donc été créées, et celle qui concerne l’euthanasie a une particularité : en plus de proposer au législateur de possibles améliorations, elle vérifie que chaque euthanasie pratiquée en Belgique l’a bien été en conformité avec la loi.
Sur quelle base effectuez-vous cette vérification ?
Quand ils pratiquent une euthanasie, les médecins doivent remplir un dossier d’une dizaine de pages qui détaille les conditions dans lesquelles l’euthanasie s’est passée. Chaque membre de la commission étudie ces dossiers, et nous les discutons lors d’une réunion mensuelle. Pour nous assurer de la légalité de l’euthanasie, il arrive que nous devions demander des précisions au médecin, ou que nous devions ouvrir la partie confidentielle du dossier. Cela arrive environ dans 20 à 30 % des cas. Si un manquement grave est constaté, nous transmettons le dossier au Parquet, mais c’est de plus en plus rare.
Quels sont les types de difficulté que vous rencontrez dans l’application de la loi ?
Tout d’abord, il faut dire que la loi étant passée il y a vingt ans, elle est désormais beaucoup mieux connue des médecins. Les jeunes l’ont apprise au cours de leur formation. Mais il arrive tout de même que le dossier ne soit pas assez clair, que le diagnostic, notamment en cas de polypathologie, soit trop flou, que la souffrance du patient, qui doit être décrite de manière précise, soit insuffisamment expliquée, ou encore qu’on n’ait pas assez d’éléments sur le fait que le patient n’a pas subi de pression…
Quels sont les types d’améliorations que vous recommandez au législateur ?
Il s’agit surtout d’évolutions en termes de formation et d’information. Le grand public ne connaît pas assez la loi. Les citoyens croient par exemple trop souvent qu’en remplissant une déclaration anticipée, ils auront automatiquement droit à l’euthanasie le jour venu, alors que ces déclarations concernent les situations de coma. Par ailleurs, on peut améliorer les dossiers transmis par les médecins, qui ne sont pas informatisés. Je signale également que notre commission est insuffisamment financée, et que son mandat a dû être prolongé car nous avons du mal à trouver des candidats pour y siéger.
Et quelles seraient les améliorations à apporter pour les médecins eux-mêmes ?
L’une des difficultés que nous rencontrons est que l’acte d’euthanasie, qui repose essentiellement sur des décisions difficiles prises par le médecin, est insuffisamment financé, en dehors d’un réseau d’experts sur lequel le médecin peut s’appuyer pour obtenir un deuxième avis. Mais l’acte lui-même, et le temps qu’il faut pour être auprès du patient, ne l’est pas. L’application de la loi serait améliorée si davantage de moyens y étaient consacrés.
Comment devient-on membre de la commission ?
Dans mon cas, je suis médecin de soins palliatifs, j’ai été confrontée à des patients qui demandaient l’euthanasie et c’est ce qui m’a conduit à m’intéresser à ce sujet. Ce sont des nominations politiques : nous sommes nommés par le Parlement, et je me suis proposée à la fois en tant que membre d’un parti politique d’inspiration plutôt chrétienne et en tant que médecin actif au sien de la fédération francophone des soins palliatifs.
« En Belgique, la loi est désormais mieux connue des médecins »