Vouloir mener une grossesse à terme malgré le diagnostic anténatal d’une maladie potentiellement létale, puis accompagner le nouveau-né jusqu'à son décès. N'est-ce pas le plus grand des paradoxes – le "paradoxe de ces toutes petites vies, coincées entre une naissance et une fin de vie" - que d'associer la période de la maternité et de la naissance à celle de la préparation d'un deuil ? Face à cette réalité que vivent certains parents et à l'émergence de nouvelles demandes de leur part, se pose la question du regard que l'on peut porter sur ces situations tragiques.
LORSQUE LE RÊVE PARENTAL EST ROMPU
-› Attendre un enfant engage la femme et le couple dans un processus de maturation par lequel émerge l'identité de parents. La rupture de ce processus est responsable d'une souffrance globale, "total pain" en anglais, terme qui montre bien la notion d'envahissement de tout l'individu par la douleur. À l'arrêt de l'évolution vers la parentalité, s'ajoute la perte de l'enfant à naître ou juste né. C'est un double deuil qu'il faut surmonter. La question se pose aussi du sens de cette très courte destinée, inscrite dans l'histoire de la famille, et que la mort en maternité a tendance à effacer.
L'interruption médicale de grossesse, souvent considérée comme la moins mauvaise des solutions, est pourtant rejetée par certains couples, qui souhaitent redonner du sens à leur fonction de parents et expriment le besoin d'accompagner cet enfant jusqu'au bout. Se pose alors la question de la poursuite de la grossesse et de l'accompagnement de ces parents, aussi perturbante que soit cette demande.
-› En ce qui concerne les soignants, et compte tenu de la multiplication des intervenants dans ce type de situation, le risque est grand de délivrer des messages contradictoires. D'où la nécessité de mettre en place une procédure collégiale cohérente tant au niveau spatial, entre les différents sites d'intervention, que temporel, de la période anténatale à la période postnatale. Cette cohérence repose entre autres sur la réalisation d'entretiens communs obstétrico-pédiatriques, sur l'élaboration d'un document écrit assurant la continuité de l'information, et sur l'identification d'un référent au sein de l'équipe soignante.
SOINS PALLIATIFS ET NÉONATALOGIE
Les soins palliatifs s'ouvrent à chacun, quel que soit son âge, rappelle la loi Leonetti d'avril 2005. Ils ont pour objectifs de soulager la douleur et l’inconfort, d’améliorer le confort et la qualité de vie et d’éviter les investigations et traitements déraisonnables. Le décès est accepté comme étant l’évolution naturelle de la maladie de l'individu.
S'agissant d'un enfant à naître, les spécificités de cette démarche doivent être expliquées aux parents. L'enfant est un être vivant, et son statut ne se réduit pas à l'énoncé d'un diagnostic de telle ou telle maladie malformative ou létale. Une vie naissante et aussitôt terminée constitue bien un authentique parcours de vie. Ainsi, la poursuite de la grossesse cesse d'être l'attente d'une mort et devient l'accompagnement d'une vie, aussi courte soit-elle. Les parents, en intervenant dans le suivi des soins, comme le font tous les parents d'enfants malades, retrouvent par ailleurs leurs compétences et redeviennent acteurs à part entière.
L'accord des parents quant à la mise en route de soins palliatifs dans ce contexte est incontournable, même si stricto sensu, la loi laisse la prise de décision au médecin en charge du patient.
PISTES DE RÉFLEXION ET PROBLÈMES A RÉSOUDRE
- Les parents qui choisissent une telle démarche sont souvent victimes d'un "blâme social". Par ailleurs, rien ne figure encore dans les textes officiels à ce sujet.
- Dans certains cas, le devenir de l'enfant n'est pas connu et la survie est parfois possible, souvent au prix de séquelles. Cette éventualité est à envisager avec les parents.
- L'ensemble de l'équipe soignante doit recevoir une formation spécifique, non seulement en termes de techniques de soins, mais en terme d'apprentissage du sens qu'il y a à mettre en œuvre des soins palliatifs pour un nouveau-né.
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