Monsieur K, 55 ans, se plaignait de douleurs abdominales atypiques isolées que le médecin généraliste a traité de manière symptomatique. Plusieurs mois plus tard, M. K consulte un « spécialiste » qui conclut à un problème psychosomatique compte tenu du profil psychologique du patient, de ses examens clinique, biologique et échographique normaux. M. K revient consulter son médecin généraliste : « j'ai mal au ventre et personne ne trouve rien ». Le correspondant gastro-entérologue demande « à tout hasard » des marqueurs tumoraux qui révèlent un adénocarcinome du pancréas. Le patient revient et il s'agit de lui annoncer son cancer. Sa première question surprend le médecin : « ce n’est pas un cancer au moins ? »
COMMENT ANALYSER CETTE OBSERVATION ?
Il s'agit d'un patient qui, après avoir alterné des consultations au hasard et des périodes de désintérêt pour ses problèmes revient chez son médecin généraliste. De son côté, celui-ci n'est probablement pas très à l'aise : il comptait bien revoir le patient après le premier « essai » thérapeutique mais celui-ci n'est pas revenu et il est possible que la notion de « perte de chance » lui vienne à l'esprit même si le pronostic de l'adénocarcinome est de toute façon assez mauvais le plus souvent. Le gastro-entérologue a probablement lui-même été un peu évasif quant au diagnostic, à moins que le patient n'aie pas voulu l' « entendre » mais sa première question: « c'est pas un cancer au moins » est un signe de dénégation typique.
DÉTECTER UNE ÉVENTUELLE DÉTRESSE CHEZ CE PATIENT
« Ce n’est pas un cancer au moins ? » est déjà un signe de détresse. Cela revient à « dites moi que ce n'est pas ... ». Mais M. K réalise que c’est probablement un cancer. Que sait-il du cancer en général ? Et en particulier, connaît-il une ou plusieurs personnes atteintes du cancer ? Sont-elles proches ? Les a t il soignées lui même ? Sont-elles en vie ou si elles sont décédées comment s'est passée la fin de vie ? La détresse du patient peut être parlée et écoutée d'une part pour « faire soupape » (extérioriser fait diminuer la pression d'une angoisse montante) et d'autre part de fournir les éléments sur lesquels les projets pourront être bâtis. S'il n'en sait rien, qu'en imagine t-il (ce qui parfois est plus angoissant encore) ?
VEILLER À « PARLER UTILE »
En effet, ce sont les mots du patient qui indiqueront au médecin les pistes à suivre pour le préparer au passage vers la maladie chronique et ici le cancer. « Parler utile » pour le médecin, c'est informer si c'est ce que le patient demande, c'est soutenir si le patient s'effondre, c'est expliquer si le patient ne comprend pas, c'est rassurer quand c'est possible où là ou s'est possible; dans tous les cas, c'est répondre au patient au plus près de ses préoccupations exprimées même si d'autres restent dans l'ombre. Cela est rarement utile d’évoquer le pronostic et surtout il ne faut quasiment jamais donner des chiffres de survie. Que l’on fera tout notre possible pour que les éventuelles douleurs soient soulagées au maximum peut rassurer M. K ; mais cette réassurance fonctionne que si l'on comprend le patient c’est-à-dire étymologiquement si on le prend avec ses pensées, convictions, peurs, croyances... On ne peut le soutenir que si on a connaissance de sa personne.
REPÉRER LES « AIDANTS » NATURELS
Connaître le patient c'est aussi savoir avec qui il vit, avec qui il parle, qui il voit. C'est savoir à quoi il passera ses journées quand il sera en arrêt de travail. A t-il un conjoint ? Ses rapports avec lui ou elle seront-ils modifiés par la maladie ? Qui de sa famille ou de ses amis deviendra confident(e) puis « personne de confiance ? Quel sera l'autre interlocuteur du médecin désigné par le patient comme celui ou celle « à qui on peut tout dire » ? Ce repérage est utile à toutes les situations chroniques, si ce n'est pour toutes les consultations mais particulièrement quand la prise en charge s'avère difficile. Planter le décor dès le début de la rencontre avec le patient permet de construire la relation et d'échafauder les plans sur des bases solides.
BÂTIR UN PROJET THÉRAPEUTIQUE SOLIDE
Une fois la relation de confiance bien établie, on peut aborder plus sereinement les projets à imaginer ensemble. Il s’agit alors d’établir des propositions concrètes de soins, « Voilà ce qu’on va faire… », contacter les services hospitaliers (le cancérologue par exemple mais aussi les « paramédicales » en lien avec le projet thérapeutique), et éventuellement « déjà » les réseaux de soins palliatifs à domicile, dès lors que la situation socio-psychologico-médicale complexe présage des difficultés ultérieures). La notion d’équipe est primordiale : aucun soignant ne peut seul s’occuper d’un patient cancéreux par définition en « longue durée de soins ».
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