Avec 71 000 nouveaux cas en 2009, le cancer de la prostate est le premier chez l'homme en terme d'incidence. C'est la deuxième cause de décès par cancer chez l'homme derrière le cancer du poumon, mais la mortalité liée au cancer prostatique diminue actuellement de 7 % par an. Au moment du diagnostic, le pourcentage de formes localisées est d'environ 90 %.
On distingue les formes localisées, sans franchissement de la capsule et correspondant aux stades T1 et T2 de la classification clinique TNM, les formes localement avancées avec extension au-delà de la capsule (stade T3 et T4), et les formes métastatiques. Les formes localisées sont elles-mêmes classées selon leur niveau de risque évolutif, basé sur la classification de D'Amico, ce niveau de risque influant sur le choix des modalités thérapeutiques.
LA PRISE EN CHARGE DES CANCERS LOCALISES
Dans tous les cas, les modalités de prise en charge doivent tenir compte non seulement de la maladie prostatique proprement dite, mais aussi de l'espérance de vie du patient et de ses comorbidités. Une espérance de vie d'au moins 10 ans est un élément important pour proposer un traitement curatif en cas de cancer localisé de la prostate. L'existence d'éventuels troubles mictionnels doit aussi être considérée. "In fine, une fois tous les critères passés en revue, plusieurs options thérapeutiques sont généralement possibles, et le choix du patient doit alors être pris en compte", souligne le Pr Flam.
Les cancers à faible risque évolutif
Ces cancers regroupent les tumeurs non palpables au TR et non visibles en imagerie (stade T1c), ainsi que celles atteignant la moitié d'un lobe ou moins (T2a), avec un taux de PSA inférieur à 10 et un score de Gleason faible (≤6). Ces trois conditions doivent être réunies pour parler de faible risque. Par ailleurs, le nombre de carottes biopsiques envahies doit être limité : 1 à 2 maximum sur une série d'au moins 10 prélèvements. Selon les dernières recommandations de l'Association française d'urologie (AFU 2010 ; réf 3), quatre modalités thérapeutiques peuvent être proposées à ces patients : la prostatectomie totale, la radiothérapie externe, la curiethérapie et l’option de la surveillance active.
-› La surveillance active consiste à ne pas traiter immédiatement ces cancers mais à les suivre étroitement, sans traitement mais tout en restant dans la fenêtre de curabilité en cas d’évolution. Le rationnel de cette modalité thérapeutique découle des résultats des études autopsiques, selon lesquelles 40 % des hommes de 60 ans présentent des microfoyers cancéreux au niveau de la prostate, dont la plupart n'avaient pas vocation à se développer. Stricto sensu, l'AFU indique qu'aucune étude ne permet de recommander la surveillance active en option préférentielle avec un recul suffisant en cas de tumeur T1c ou T2a à faible risque. "Mais dès lors que l'on pense avoir détecté chez un patient un foyer de cancer non significatif, il est possible de surseoir au traitement curatif et de proposer une surveillance active". De fait, dans une étude rétrospective européenne portant sur 183 patients ayant un cancer de bas risque (PSA ≤10 ; PSAD <0.2 ; stade cT1c-T2 ; 1-2 carottes positive ; Gleason ≤6), et placés sous surveillance pendant une durée moyenne de 6,6 ans, il n’y a eu aucun décès par cancer de la prostate. À 10 ans, la survie globale a été de 77 % et la survie spécifique de 100 %.
La surveillance est basée sur le contrôle du PSA tous les 3 à 6 mois, du TR tous les 6 à 12 mois, et sur la répétition des biopsies tous les 6 à 18 mois. La surveillance est arrêtée lorsque le temps de doublement du PSA est inférieur à 3 ans ou bien lorsque le score de Gleason se modifie, ou encore lorsque le nombre de carottes biopsiques positives augmente.
-› Les cancers de la prostate de risque faible représentent l’indication de choix pour la curiethérapie, à condition que le volume prostatique soit inférieur à 50 cc et sous réserve de l’absence de troubles mictionnels préexistants et d’antécédent de résection trans-urétrale de la prostate. "La curiethérapie est une excellente alternative à la prostatectomie totale, avec des résultats identiques sur le plan carcinologique, puisque la survie sans progression à 10 ans est de 97 %. En outre, les effets secondaires de la curiethérapie sont notablement réduits par rapport à ceux de la chirurgie : pas d'incontinence urinaire, faible pourcentage de troubles de l'érection (10 %), limitation des troubles mictionnels post-thérapeutiques aux 6 premiers mois suivant la mise en place du radio-élément. En revanche, il est indispensable avant de proposer la curiethérapie de s'assurer que l'on est bien en présence d'une tumeur localisée à bas risque."
En pratique, des grains d'iode 125 sont implantés de façon permanente dans le tissu prostatique sous contrôle échographique endorectal, soit sous anesthésie générale, soit sous rachianesthésie.
-› La prostatectomie totale (ablation de la prostate et des vésicules séminales) est le traitement de référence des tumeurs localisées de la prostate chez l’homme avec une espérance de vie supérieure à 10 ans. Chez les patients plus âgés, ou du fait de la présence de comorbidités, d'autres alternatives thérapeutiques entrent en concurrence avec la chirurgie. "La voie d'abord classique à ciel ouvert reste la technique de choix. Ses résultats sur le contrôle de la maladie sont en effet meilleurs que ceux obtenus par voie cœlioscopique ou par chirurgie robot-assistée, avec un risque moindre d'incontinence urinaire et de troubles de l'érection, et finalement une meilleure satisfaction du patient." Lorsque le cancer est localisé et ne franchit pas la capsule, les bandelettes vasculonerveuses sont préservées, ce qui facilite la récupération des érections spontanées (taux d'érections d'environ 60 % après préservation bilatérale). Cependant, le risque de troubles de l'érection après prostatectomie totale tient autant à l'âge du patient, à celui de sa partenaire, à la qualité de la fonction sexuelle avant l'intervention et à la présence de comorbidités qu'à l'intervention chirurgicale elle-même. Par ailleurs, la récupération d'une continence urinaire normale varie entre 48 et 93 % à un an selon les séries.
La survie sans récidive biologique varie entre 85 et 95 % après prostatectomie totale en cas de cancer à faible risque. "Le pourcentage de récidive, même faible, témoigne de la difficulté qu'il y a à estimer correctement le stade de développement de la tumeur initiale. Le risque de récidive est parfois sous-estimé, car on ne dispose pas de critère absolument fiable pour distinguer les foyers cancéreux potentiellement évolutifs des autres. Ce risque est incompressible, quel que soit le traitement retenu : prostatectomie ou radiothérapie. Le choix de la chirurgie permet toutefois d'effectuer une radiothérapie de rattrapage en cas de récidive, l'inverse étant beaucoup plus difficile."
Pour l'AFU, le curage ganglionnaire ilio-obturateur bilatéral est optionnel pour ces tumeurs localisées à faible risque. "Cependant, si une prostatectomie est réalisée dans ce contexte, il est intéressant de prélever les ganglions en vue de la stadification précise de la tumeur".
-› La radiothérapie externe prostatique, alternative à la chirurgie, utilise soit une technique conformationnelle tridimensionnelle (irradiation adaptée à la forme de la prostate), soit une technique avec modulation d’intensité (variation de l’intensité des faisceaux en cours d’irradiation). Ces deux modalités permettent d'augmenter la dose délivrée à la tumeur (vs la radiothérapie conventionnelle à dose équivalente) tout en diminuant l'irradiation des tissus voisins. La dose doit être supérieure à 76 Gy. La survie sans récidive biologique à 10 ans est supérieure à 90 %. En pratique, 35 séances sont réalisées, à raison de 5 séances par semaine pendant 7 semaines.
Les contre-indications sont l'existence d'une irradiation pelvienne antérieure ou d'une maladie inflammatoire rectale active. Les troubles obstructifs urinaires ne constituent pas une contre-indication en soi, mais augmentent le risque de rétention urinaire au cours du traitement et le risque de complications ultérieures.
Au décours de la radiothérapie externe, les troubles dysuriques précoces sont fréquents. À long terme, des impériosités sont possibles. Sans oublier les risques de cystite et de rectite radiques.
-› L'HIFU et la cryothérapie sont en cours d'évaluation.
En cas de risque intermédiaire ou élevé
-› Les cancers localisés à risque intermédiaire sont ceux présentant au moins l’une des caractéristiques suivantes : PSA compris entre 10 et 20 ng/ml ou score de Gleason à 7 ou stade clinique estimé T2b (tumeur envahissant un seul lobe de la prostate sur plus de la moitié du lobe). C'est un groupe hétérogène sur le plan pronostique, et les traitements standards validés sont les suivants : prostatectomie totale avec curage ganglionnaire étendu (curage ilio-obturateur + curage iliaque interne et iliaque externe bilatéral jusqu’à la bifurcation iliaque), radiothérapie externe conformationnelle avec une dose supérieure à 70 Gy, radiothérapie externe avec une hormonothérapie courte (6 mois) par agonistes de la LH-RH (voir encadré 3 sur l'hormonothérapie).
-› Pour les tumeurs à risque élevé (PSA › 20 ou Gleason ≥ 8 ou stade clinique T2c [atteinte des 2 lobes]), le bilan – IRM pelvienne et prostatique, scintigraphie osseuse - doit d'abord confirmer l'absence d'extension au-delà de la capsule. Le traitement de référence est l'hormono-radiothérapie, l'hormonothérapie pouvant être courte (6 mois) ou longue (3 ans). Une prostatectomie totale avec curage ganglionnaire étendu peut aussi être proposée, le contrôle local dans ces formes à haut risque étant encore parfois obtenu après chirurgie.
LORSQUE LA CAPSULE EST FRANCHIE
-› Ces tumeurs correspondent aux cancers localement avancés, de stades T3 (extension au-delà de la capsule avec atteinte possible des vésicules séminales) et T4 (atteinte d'autres structures que les vésicules séminales, tels que sphincter interne, rectum, releveurs de l'anus, paroi pelvienne). Le traitement de référence est là aussi l'hormonoradiothérapie. La chirurgie est possible dans certains cas, emportant alors les bandelettes vasculonerveuses. Une radiothérapie adjuvante peut parfois être proposée, surtout si l'analyse histopathologique révèle des marges positives. "Cette séquence chirurgie initiale + radiothérapie adjuvante n'est pas un standard en cancérologie prostatique, comme elle l'est dans d'autres localisations cancéreuses. La radiothérapie a en effet une très bonne efficacité sur le tissu prostatique, ce qui en fait un traitement de première intention. Par ailleurs, la chirurgie a toutes les chances d'être insuffisante en cas de cancer localement avancé, ce qui oblige à recourir à la radiothérapie adjuvante, avec pour conséquence de cumuler les effets secondaires des deux types de traitement. Ce schéma thérapeutique est donc plutôt retenu lorsqu'une extension imprévue est découverte lors de l'intervention, ou lorsque le PSA n’est pas à un taux indétectable au décours de l'acte chirurgical." Cependant, une étude (SWOG 8 794) a démontré que la radiothérapie adjuvante permet effectivement une amélioration de la survie sans métastase et de la survie globale chez les patients opérés ayant un cancer de stade pT3.
À noter que radiothérapie "adjuvante" n'est pas synonyme de radiothérapie "de rattrapage". Celle-ci consiste à irradier la loge prostatique chez les patients ayant présenté une récidive biologique après prostatectomie totale, mise en évidence au cours du suivi par l'élévation du PSA. La radiothérapie de rattrapage permet de rattraper en moyenne 30 % des patients. Les résultats de la radiothérapie "complémentaire" (qui comprend la radiothérapie de sauvetage d’une part et la radiothérapie adjuvante d’autre part) sont meilleurs si le traitement est initié alors que le taux de PSA est < 1ng/ml.
-› En cas d'atteinte ganglionnaire (N1), la suppression androgénique par agonistes ou antagonistes de la LHRH, voire par castration chirurgicale constitue le traitement de 1ère intention. Le choix du traitement local dépend du contexte individuel. La chimiothérapie cytotoxique – docetaxel, mitoxantrone – a sa place dans les stades métastatiques. Les biphosphonates – acide zolédronique en IV toutes les 3-4 semaines – ont une action symptomatique sur les complications osseuses et les douleurs.
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