En février 2010, l’observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) évalue à 1,2 millions les consommateurs réguliers et à 500 0000 les consommateurs quotidiens en France et souligne que pour certains « Fumer du cannabis devient « normal, au double sens d’un acte « non réfléchi », « automatique » et d’une adhésion à la « norme » du groupe social auquel adhère l’individu.» L’initiation se fait en moyenne à 15 ans, moins dans le cadre festif qu’au quotidien, au contact d’autres jeunes. La fin de l’adolescence et la période de prise d’indépendance sont fréquemment des moments de consommation compulsive.
Le cannabis augmente les troubles psychiques, il convient de différencier les troubles non schizophréniques et les troubles schizophréniques.
LES TROUBLES PSYCHIQUES NON SCHIZOPHRENIQUES
Ces effets psychiques dépendent de la dose et de la concentration sanguine maximale et de la sensibilité individuelle. Il s’agit de :
- l’ivresse cannabique. A faible dose, il s’agit d’une euphorie, d’une modification des perceptions du temps, d’une intensification des perceptions; à forte dose, il s’agit d’états de dépersonalisation, de déréalisation, d’illusions visuelles ou auditives ;
- de troubles anxieux avec attaques de panique le plus souvent, ou syndrome de dépersonnalisation correspondant à un trouble anxieux qui sure quelques semaines ;
- des bouffées délirantes aigues avec plus d’association à des troubles du comportement auto ou hétéro-agressifs. Leur résolution sous traitement neuroleptique est rapide. On ne retrouve ni trouble de la personnalité préalable, ni symptôme résiduel ni bizarrerie dysphorique. Ces épisodes ne doivent pas être banalisés, car la vulnérabilité ainsi révélée peut s’exprimer ultérieurement sous la forme d’un trouble chronique (schizophrénie ou trouble bipolaire) (7) ;
- Le syndrome amotivationnel, avec indifférence affective, inhibition, pauvreté intellectuelle et ralentissement de la pensée. Lié aux prises continues et anciennes, ce trouble régresse en quelques semaines d’abstinence (1).
CANNABIS ET SCHIZOPHRENIE
Le cannabis est un facteur de vulnérabilité vis à vis de la schizophrénie. Ce risque est proportionnel à l’augmentation de la consommation, -même sans aller forcément jusqu’à un usage intensif ou une dépendance - et à l’âge de début de consommation inférieur à 15 ans. Plus la consommation est ancienne, plus le risque est élevé.
Un génotype de la schizophrénie est retrouvé chez 10 % de la population mais 10 % seulement de ces porteurs vont développer la maladie. C’est dans ce groupe que l’exposition au cannabis augmenterait le risque. Le Pr Laqueille précise que « le cannabis est un facteur de risque de troubles schizophréniques dans une population spécifique présentant une vulnérabilité préexistante pour ces troubles. Il peut accélérer le cours évolutif, voire décompenser des troubles qui ne se seraient pas manifestés.» Une étude portant sur 45.000 conscrits suédois montre qu’une consommation de cannabis égale ou supérieure à 50 fois par an sur une période de cinq ans entraîne une prévalence de 6 à 6,7% de cas de schizophrénie.
Chez ces sujets, le cannabis va provoquer un début plus précoce de la maladie, l’augmentation du taux de rechutes, une plus grande sévérité des épisodes et une moindre adhésion aux soins (3).
UN PHENOMENE DE CO-MORBIDITE
Les schizophrènes ont une consommation de cannabis environ six fois plus élevée que dans la population générale (4). Divers modèles tentent de rendre compte de cette co-morbidité singulière.
- L’hypothèse de l’automédication : le cannabis est consommé à visée auto-médicatrice par le patient schizophrène pour calmer son angoisse de dépersonnalisation et son anxiété cependant cette consommation accroit l'incidence des rechutes et des hospitalisations.
- L’hypothèse pharmacopsychotique. Le trouble psychotique prédit la consommation de cannabis, la consommation de cannabis prédit la psychose.
- Des facteurs neurobiologiques communs. Les mécanismes cérébraux impliqués dans cette association sont mal connus, mais ils pourraient concerner des dysrégulations des systèmes de transmission cannabinoïde et dopaminergique qui inter agissent de façon significative (1,6).
DEPISTER, PREVENIR
« La consommation du cannabis et ses conséquences est toujours sous estimée par les consommateurs comme par l’entourage. Lorsque les parents s’en rendent compte, la consommation est déjà abusive» insiste Xavier Laqueille. Et il y a une sous-verbalisation de cette consommation ».
Face à un jeune, il faut se souvenir que l’adolescence est une période particulièrement exposée aux substances psychotropes et ne pas hésiter à aborder ce sujet en consultation dans l’optique à la fois d’une information sur les risques de graves troubles psychiques et d’un repérage précoce. Rechercher une consommation chez un jeune présentant un premier épisode psychotique est impératif.
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