Incidence des événements cardiovasculaires chez les patients diabétiques de type 2 dans une cohorte de 1,9 million personnes.
Shah AD, Langenberg C. Rapsomaniki E et al. Type 2 diabetes and incidence of cardiovascular diseases: a cohort study in 1·9 million people. Lancet Diabetes Endocrinol 2015;3:105-13.
CONTEXTE
La corrélation épidémiologique entre diabète de type 2 (DT2) et complications cardiovasculaires est bien connue (1). Cependant, l’incidence respective de ces différentes complications est mal établie.
OBJECTIF
Etudier la corrélation statistique entre DT2 et 12 manifestations initiales de pathologies cardiovasculaires.
METHODE
Etude de cohorte regroupant 4 bases de données : celle de la clinical practice research datalink pour la médecine générale (diagnostics, données biologiques et prescriptions médicamenteuses), celle des motifs d’hospitalisation en soins secondaires, le registre national des infarctus du myocarde et celui des décès.
Les patients intégrés dans la cohorte entre le 1er janvier 1998 et le 25 mars 2010 étaient âgés d’au moins 30 ans et étaient indemnes de maladies CV à l’inclusion. Les patients ayant développé un DT2 durant le suivi de cohorte ont été considérés comme non diabétiques à l’inclusion.
L’analyse statistique a été faite à l’aide d’un modèle de Cox multivarié et ajusté sur de nombreux facteurs de confusion appropriés pour calculer le risque relatif (RR) de 12 manifestations initiales de pathologies CV et son intervalle de confiance à 95 %.
RESULTATS
La cohorte comprenait 1 921 260 sujets dont 34 198 (1,8 %) diabétiques de type 2 suivis pendant une médiane de 5,5 ans.
Ces derniers étaient âgés en moyenne de 62 ans et 70 % recevaient des médicaments antidiabétiques, 57 % des antihypertenseurs et 36 % une statine.
La moitié d’entre eux avait une HbA1c < 7,5 %.
> Au cours du suivi, il y a eu 6 137 premiers événements CV chez les diabétiques (17,94 %).
Les manifestations les plus fréquentes ont été l’artérite des membres inférieurs (AOMI) : 16,2% et l’insuffisance cardiaque : 14,1%.
> Comparativement aux non diabétiques et dans l’ordre décroissant de l’incidence des complications:
- RR pour l’AOMI = 2,98 ; IC 95% = 2,76-3,22 ;
- RR pour l’AVC ischémique = 1,72 ; IC95 % = 1,52-1,95 ;
- RR pour l’insuffisance cardiaque (IC) = 1,56 ; IC95 % = 1,45-1,69 et
- RR pour l’infarctus non fatal = 1,54 ; IC95 % = 1,42-1,67.
- à l’inverse et curieusement, le RR pour l’anévrysme de l’aorte abdominale était de 0,46 et de 0,48 pour l’hémorragie sub-arachnoïdienne.
- pour la mortalité totale, le RR ajusté était de 1,35, IC95 % = 1,31-1,39.
COMMENTAIRES
Seuls les pays anglo-saxons ou scandinaves, qui disposent de bases de données gigantesques et interconnectées, peuvent publier un tel travail, dont le design méthodo-biostatistique est digne d’intérêt.
Sa principale faiblesse est d’avoir pioché des données dans des bases non spécifiquement construites pour cette cohorte, ce qui ne garantit pas formellement la qualité des informations recueillies (données manquantes, validation de l’information).
> Le lecteur de ces lignes peut avoir l’impression que cette étude n’apporte rien de nouveau dans le monde du DT2, et pourtant elle fournit 3 informations très intéressantes.
- La première est que l’incidence des événements CV en 5,5 ans chez des patients jeunes (62 ans) « sub-optimalement » traités et (partiellement) contrôlés est élevée : 18%.
- La deuxième est que pour la 1re fois une étude de cohorte s’est intéressée à 12 sous-types de complications macrovasculaires dans le DT2 et démontre que l’incidence de l’AOMI et de l’IC est particulièrement élévée, y compris chez les patients dont l’HbA1c est < 6,5 %.
- La dernière réside dans la comparaison de ces résultats avec les critères de jugement des essais randomisés portant sur l’effet des médicaments antidiabétiques dans la prévention des complications macrovasculaires.
Il est très rare que l’IC appartienne au critère principal de jugement composite de ces essais alors que c’est une des causes les plus fréquentes de complication. Il y a même un essai récent qui a démontré qu’un antidiabétique augmentait significativement les hospitalisations pour insuffisance cardiaque (2).
Les résultats de cette étude de cohorte devraient donc inciter les concepteurs d’essais randomisés sur les médicaments antidiabétiques à inclure l’insuffisance cardiaque dans leurs critères d’évaluation.
> En pratique, pour repérer les complications cardiovasculaires asymptomatiques des patients DT2, palper les pouls périphériques et mesurer la fréquence cardiaque est aussi judicieux (et moins onéreux) qu’un ECG, une épreuve d’effort ou un coroscanner (3) qui n’ont jamais démontré leur capacité à réduire la morbimortalité.
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