Dr Caroline Pombourcq (rédactrice, fmc@legeneraliste.fr), sous la responsabilité scientifique du Pr Jean-Michel Vallat (service de neurologie, centre de référence des neuropathies périphériques rares, CHU Dupuytren, 87042 Limoges Cedex)
Mr L. 55 ans, se présente en consultation car il dit avoir, depuis plusieurs mois, « les jambes lourdes » lorsqu’il monte des escaliers, ainsi que des difficultés à se relever d’un siège. Il préciset ressentir également des « fourmillements douloureux » au niveau des mains et des pieds. Il a attendu pour consulter car au début les signes étaient si discrets qu’ils ne le gênaient pas, mais maintenant il trouve que « les choses s’aggravent ». Il est suivi régulièrement par son médecin traitant, n’a aucun antécédent notable autant personnel que familial, et ne prend pas de médicament. Il est en bon état général.
Notions épidémiologiques et intérêt de la prévention
-) Les neuropathies périphériques représentent une des pathologies les plus fréquentes en neurologie (1). Ainsi, tout médecin généraliste peut se trouver confronté à ce type d’atteinte. Il est donc primordial de savoir la reconnaître et d’observer une démarche diagnostique adaptée. Les causes en sont nombreuses et le diagnostic parfois difficile (Tableau 1).
*Bien qu’elles aient depuis longtemps été considérées comme les plus fréquemment rencontrées, les neuropathies alcooliques et diabétiques voient leur fréquence diminuer depuis plusieurs années. En effet, les connaissances évoluent et le rôle de la prévention est majeur dans cette amélioration.
Il n’est donc pas inutile de rappeler que « toute neuropathie chez une personne alcoolique n’est pas forcément une neuropathied’origine alcoolique ».
-)Trois contextes peuvent être individualisés autour des neuropathies :
-les neuropathies acquises (Guillain-Barré,…)
-les neuropathies génétiques (maladie de Charcot-Marie-Tooth,…)
-les neuropathies de cause indéterminée ou idiopathiques.
Pour ces dernières, on est passé d’une fréquence estimée aux environs de 30 % il y a une quinzaine d’années à un chiffre qui se situerait aux alentours de 10 %. Les découvertes et l’amélioration des techniques diagnostiques en ce qui concerne les neuropathies génétiques et acquises en sont les raisons essentielles (3).
Quel(s) diagnostic(s) évoquer chez ce patient ?
La suspicion de neuropathie chez cet homme de 55 ans, comme pour tout patient, se fait sur un faisceau d’arguments et non sur un seul signe clinique.
Les signes cliniques de ce patient se manifestant à l’effort, une origine vasculaire peut être initialement évoquée. Mais l’échodoppler artériel éventuellement réalisé est strictement normal.
D’ailleurs, les paresthésies de Mr L. sont présentes au niveau des 2 mains et des 2 pieds. De plus, l’examen clinique révèle une aréflexie bilatérale qui n’existait pas auparavant (le suivi médical régulier de Mr L. n’avait relevé aucune anomalie de la sorte).
Les premiers signes d’une neuropathie périphérique sont souvent si discrets qu’il est habituel de les méconnaitre. Or en faire le diagnostic précocement est un élément essentiel de la prise en charge des formes curables.
L’examen clinique de Mr L., pour un « œil » averti, aurait pu orienter le diagnostic vers une polyneuropathie ou polyradiculoneuropathie dont la caractéristique essentielle est une atteinte bilatérale et symétrique prédominante au niveau des racines.
Le bilan biologique et l’échodoppler artériel de Mr L. étant normaux, un neurologue peut être consulté afin de prendre le relai ou simplement pour réaliser un électroneuromyogramme des quatre membres.
Cet examen va confirmer une atteinte démyélinisante inflammatoire multifocale prédominant au niveau des racines (ralentissements héterogènes des vitesses de conduction nerveuse sensitive et motrice (pour les troncs des nerfs) et allongements des ondes F [pour les racines]…).
Ces éléments permettent de confirmer que Mr L. est atteint d’une polyradiculoneuropathie inflammatoire démyélinisante chronique que l’on pourrait qualifier de « forme chronique du syndrome de Guillain-Barré », ou encore de « SEP du système nerveux périphérique », puisqu’elle est également due à la présence d’anticorps dirigés contre la myéline qui sont d’ailleurs en général non identifiés .
Il s’agit d’une pathologie dysimmunitaire chronique, certes moins connue que le Guillain-Barré (Tableau 2) mais dont la fréquence est sous-estimée et mérite d’être diagnostiquée de manière précoce puisqu’elle est curable. En effet, différentes modalités thérapeutiques ont été validées par des essais thérapeutiques randomisés : immunoglobulines IV, corticoïdes, ou plasmaphérèses.
Le diagnostic de cette neuropathie peut etre difficile mais l’évolution spontanée étant malheureusement péjorative du fait d’un handicap irréversible en rapport avec des lésions axonales secondaires à l’atteinte myélinique, il est primordial de poser le diagnostic le plus rapidement possible.
Examens et prise en charge d’une neuropathie périphérique
L’interrogatoire constitue un élément important dans la recherche étiologique (Tableau 3).
L’examen clinique général et neurologique permet d’orienter le diagnostic.
Le bilan biologique de 1re intention préconisé par l’HAS (2) et pratiqué si l’étiologie n’est pas évidente, comprend : glycémie à jeun (à la recherche d’un diabète), NFS (anémie, macrocytose, hémopathie maligne), gamma GT, VGM (consommation d’alcool), transaminases (hépatite), créatininémie et débit de filtration glomérulaire estimé par la formule de Gault et Cockroft (insuffisance rénale), protéine C réactive ou VS (syndrome inflammatoire, hémopathie maligne), TSH (hypothyroïdie).
Selon l’HAS, le recours à un neurologue et à un électroneuromyogramme (ENMG) n’est pas systématique si le diagnostic étiologique peut être posé cliniquement. L’avis neurologique et l’ENMG ne seront demandés que s’il y a discordance entre le tableau clinique, l’étiologie supposée et l’évolution.
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