Métabolisme

DIAGNOSTIC DE LA DÉNUTRITION DE L'ENFANT ET DE L'ADULTE

Publié le 28/11/2019
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La dénutrition est un déterminant majeur du développement de certaines maladies et d’accroissement de la morbidité et de la mortalité de nombreuses pathologies. Elle entrave le développement cognitif et physique de l'enfant. Son repérage est donc essentiel. Le diagnostic est uniquement clinique et repose sur la mesure de l’IMC des patients.
Assiette vide

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Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Pour la première fois, la HAS, en lien avec la Fédération française de nutrition (FFN), publie des recommandations de bonne pratique pour définir la dénutrition chez l’enfant. Dans cet avis, elle actualise les critères définissant celle de l’adulte, la précédente version datant de 2003 pour les moins de 70 ans. Les définitions actuelles prennent en compte les arguments des nouvelles recommandations internationales GLIM (Global Leadership Initiative in Malnutrition).

La prise en charge des patients dénutris n’est pas traitée dans ces recommandations. De même que les carences spécifiques en micronutriments associées à certaines situations : végétalisme, alcoolisme chronique, chirurgie bariatrique, malabsorptions, carence martiale… Concernant les adultes âgés de 70 ans et plus, les recommandations HAS de 2007 restent valides et d’actualité.

UN PROBLÈME DE SANTÉ PUBLIQUE

La dénutrition est un problème majeur de santé publique qui concerne plus de 2 millions de personnes en France. Elle fragilise, diminue les défenses naturelles et augmente le risque d’infection. Elle diminue la force musculaire et la mobilité.

La dénutrition est un déterminant majeur du développement de certaines maladies et d’accroissement de la morbidité et de la mortalité de nombreuses pathologies (maladies cardiovasculaires, obésité, diabète de type 2, cancers, maladies infectieuses, complications postopératoires, défaillances chroniques d’organes, maladies neurodégénératives…).

→ La dénutrition modifie également la pharmacocinétique des médicaments et contribue à l’augmentation de leur toxicité, notamment lors des chimiothérapies et des radiothérapies.

Elle entraîne aussi un doublement du nombre de réhospitalisations, et accroît le délai de reprise des activités professionnelles ainsi que la mortalité à long terme après hospitalisation.

→ Cet état est un facteur important de morbidité et de mortalité prématurée de la mère et de l’enfant. La dénutrition, notamment les carences en vitamines et en minéraux, contribue à un tiers environ des décès d’enfants et entrave le développement en bonne santé. Un indicateur clé de la dénutrition chronique est le retard de croissance. Le ralentissement de la croissance se répercute sur le développement du cerveau, entravant l'assimilation des connaissances.

→ L’absence d’identification systématique et précoce d’une dénutrition ainsi qu’au cours du suivi et de sa prise en charge augmente la morbidité, notamment en termes d’infections nosocomiales, de complications post-opératoires, de durée de séjour et donc du coût global des traitements.

→ Par sa fréquence, son impact sur la qualité de vie, l’autonomie, la survie, le recours aux systèmes de soins et les durées de séjour hospitalier, la dénutrition constitue une charge financière majeure pour les collectivités qui ne pourra que croître avec le vieillissement de la population. En Europe, la prévalence de la dénutrition hospitalière est en moyenne de 31 % et varie selon les pathologies en cause, prédominant au cours des maladies chroniques (insuffisance respiratoire et rénale, insuffisance cardiaque, cancer, sida…), chez le patient de réanimation et en gériatrie.

→ L’efficacité de la prise en charge de la dénutrition est démontrée dans de multiples situations cliniques. Mais seul un faible pourcentage de patients dénutris est identifié et reçoit un support nutritionnel.

LA DÉNUTRITION CHEZ L’ENFANT

Depuis avril 2018, de nouvelles courbes d’IMC pour les enfants de moins de 18 ans s’appliquent au diagnostic de la dénutrition. Il s’agit des courbes AFPA-CRESS/Inserm-CompuGroup Médical qui tiennent compte de l’augmentation de la taille moyenne des enfants. Elles figurent dans les nouveaux carnets de santé, classées par âge et sexe. Elles sont disponibles en annexe de la recommandation et sur https://cress-umr1153.fr/index.php/courbes-carnet-de-sante/).

Les éléments diagnostiques

Le diagnostic de dénutrition nécessite la présence d’au moins un critère phénotypique et d’un critère étiologique. Ce diagnostic est un préalable obligatoire avant de juger de sa sévérité. Il repose exclusivement sur des critères non biologiques.

→ Les critères phénotypiques sont les suivants :

Perte de poids ≥ 5 % en 1 mois ou ≥ 10 % en 6 mois ou ≥ 10 % par rapport au poids habituel avant le début de la maladie ;

• IMC < 18,5 sur la courbe IOTF ;

• Stagnation pondérale aboutissant à un poids situé 2 couloirs en dessous du couloir habituel de l’enfant (courbe de poids). Il s’agit du couloir habituel de croissance pondérale de l’enfant ou de référence pour des pathologies spécifiques (trisomie 21, myopathie, etc.) ;

• Réduction de la masse et/ou de la fonction musculaire (lorsque les normes et/ou les outils sont disponibles).

→ Les critères étiologiques sont les suivants :

• Réduction de la prise alimentaire ≥ 50 % pendant plus d’une semaine, ou toute réduction des apports pendant plus de deux semaines par rapport à la consommation alimentaire habituelle quantifiée ou aux besoins protéino-énergétiques estimés ;

• Absorption réduite (malabsorption/maldigestion) ;

• Situation d’agression (hypercatabolisme protéique avec ou sans syndrome inflammatoire), à savoir une pathologie aiguë ou une pathologie chronique évolutive ou une pathologie maligne évolutive.

La sévérité de la dénutrition

→ Les critères de dénutrition modérée sont les suivants :

• Courbe IOTF : 17 < IMC < 18,5 ;

• Perte de poids ≥ 5 % et ≤ 10 % en 1 mois ou ≥ 10 % et ≤ 15 % en 6 mois par rapport au poids habituel avant le début de la maladie ;

• Stagnation pondérale aboutissant à un poids situé entre 2 et 3 couloirs en dessous du couloir habituel.

• L’observation d’un seul de ces critères suffit pour poser le diagnostic de dénutrition modérée.

→ Les critères de dénutrition sévère, dont un seul suffit à la qualifier, sont :

• IMC ≤ 17 sur la courbe IOTF ;

• Perte de poids > 10 % en 1 mois ou > 15 % en 6 mois par rapport au poids habituel avant le début de la maladie ;

• Stagnation pondérale aboutissant à un poids situé au moins 3 couloirs (représentant 3 écarts-types) en dessous du couloir habituel ;

• Infléchissement statural (avec perte d’au moins un couloir par rapport à la taille habituelle)

→ Un seul critère de dénutrition sévère prime sur un ou plusieurs critères de dénutrition modérée.

En pratique

• Peser et mesurer les enfants à chaque consultation.

• Reporter l’IMC sur la courbe de corpulence qui correspond à son âge et son sexe.

• Chez l’enfant, toute rupture de croissance identifiée par la mesure de son IMC est anormale. Ce signe d’alerte nécessite un avis spécialisé pour rechercher une cause de dénutrition (voir critères étiologiques ci-dessus) et engager une prise en charge spécifique. Un amaigrissement chez un enfant est un signe de gravité majeur qui relève d’une hospitalisation.

• Dans le cas particulier de la maigreur constitutionnelle, il faut absolument vérifier que l’enfant se porte bien, qu’il reste dans son couloir de croissance, sur sa courbe de corpulence et qu’aucun critère étiologique n’est identifié.

LA DÉNUTRITION CHEZ L’ADULTE

Les éléments diagnostiques

Ils sont identiques à ceux de l’enfant : au moins un critère phénotypique et un critère étiologique.

→ Critères phénotypiques (1 seul critère suffit) :

• Perte de poids ≥ 5 % en 1 mois ou ≥ 10 % en 6 mois ou perte ≥ 10 % par rapport au poids habituel avant le début de la maladie ;

• IMC < 18,5 kg/m2 ;

• Réduction quantifiée de la masse et/ou de la fonction musculaire ;

→ Critères étiologiques (1 seul critère suffit) :

• Réduction de la prise alimentaire ≥ 50 % pendant plus d’une semaine, ou toute réduction des apports pendant plus de deux semaines par rapport à la consommation habituelle ou aux besoins protéino-énergétiques estimés.

• Pathologie digestive de maldigestion/malabsorption, situation d’agression (hypercatabolisme protéique avec ou sans syndrome inflammatoire), pathologie aiguë ou pathologie chronique ou maligne évolutive.

Sévérité de la dénutrition

→ Dénutrition modérée (1 seul critère suffit)

• 17 < IMC < 18,5 kg/m2 ;

• Perte de poids ≥ 5 % en 1 mois ou ≥ 10 % en 6 mois ou ≥ 10 % par rapport au poids habituel avant le début de la maladie ;

• Mesure de l’albuminémie par immuno-néphélémétrie ou immuno-turbidimétrie > 30 g/L et < 35 g/L.

→ Dénutrition sévère (1 seul critère suffit)

• IMC ≤ 17 kg/m2 ;

• Perte de poids ≥ 10 % en 1 mois ou ≥ 15 % en 6 mois ou ≥ 15 % par rapport au poids habituel avant le début de la maladie ;

• Mesure de l’albuminémie par immuno-néphélémétrie ou immuno-turbidimétrie ≤ 30 g/L.

→ Un seul critère de dénutrition sévère prime sur un ou plusieurs critères de dénutrition modérée.

En pratique

• Il faut peser le patient régulièrement et ne pas se fier à son évaluation, souvent tronquée. Il faut reporter l’information dans son dossier médical partagé.

• La dénutrition chez l’adulte est parfois en lien avec un amaigrissement volontaire.

• Quelle qu’en soit la cause, la vitesse d’amaigrissement est une information majeure car elle témoigne de la fonte musculaire. On perd du muscle avant de perdre de la graisse, la masse graisseuse est plus difficile à éliminer.

• Un patient auquel on préconise une perte de poids en présence ou non d’une comorbidité (type diabète) doit maigrir lentement et accompagner son régime d’une activité physique pour perdre de la masse graisseuse et pas de la masse musculaire.

LES OUTILS DIAGNOSTIQUES

• Le diagnostic de dénutrition est exclusivement clinique. Il repose sur l’association d’un critère phénotypique – l’IMC (indice de masse corporelle) et d’un critère étiologique – la cause de la perte de poids – chez l’enfant comme chez l’adulte. Le poids doit être mesuré à chaque fois et renseigné dans le dossier médical.

• L’albuminémie n’est pas un critère diagnostique : c’est un critère de sévérité de la dénutrition.

• Un indice de masse corporelle normal ou élevé n’exclut pas la possibilité d’une dénutrition (ex : une personne en surpoids ou obèse peut-être dénutrie).

Bibliographie

HAS, Fédération française de nutrition. Diagnostic de la dénutrition de l’enfant et de l’adulte Recommandations pour la pratique clinique. Novembre 2019

 

Synthèse de la recommandation HAS par le Dr Linda Sitruk, avec le Pr Éric Fontaine (service de nutrition, CHU de Grenoble. Membre du groupe de travail de la recommandation HAS).

Source : Le Généraliste: 2890