Effets à 15 ans d’une intervention sur le mode de vie ou de la metformine sur la prévention du diabète de type 2 et de ses complications microvasculaires
Diabetes Prevention Program Research Group. Long-term effects of lifestyle intervention or metformin on diabetes development and microvascular complications over 15-year follow-up : the Diabetes Prevention Program Outcomes Study Lancet 2105 ;3:866-75.
CONTEXTE
Dans un premier essai randomisé versus placebo d’une durée de 3 ans publié en 2002 (DPP), ces auteurs étatsuniens avaient démontré qu’une intervention éducative individuelle et intensive sur le mode de vie (EMdV) ou la metformine (1 700 mg/j) réduisait significativement (58 % pour l’EMdV et 31 % pour la metformine) l’incidence du diabète de type 2 (DT2) chez des patients à très haut risque de le devenir1. À la fin de cet essai, et avec leur consentement, 88 % des 3 149 survivants de DPP ont été suivis pendant 12 années supplémentaires.
OBJECTIF
Démontrer qu’une EMdV (moins intensive) ou 1 700 mg/j de metformine réduisait l’incidence du DT2 ET des complications microvasculaires versus placebo, 15 ans après l’inclusion dans DPP.
MÉTHODE
Essai randomisé comparatif randomisé en ouvert ayant suivi tous les volontaires inclus dans DPP qu’ils soient devenus diabétiques ou non. Ceux initialement randomisés dans le groupe EMdV ont continué à suivre ce programme 2 fois par an (au lieu de 6) : conseils diététiques visant 7 % de perte de poids et 150 minutes d’activité physique substantielle par semaine. Ceux du groupe metformine ont continué à en recevoir (associée à la même EMdV 2 fois par an), et ceux alloués initialement au groupe placebo ont reçu l’EMdV 2 fois par an.
Le critère de jugement principal était la survenue d’un DT2 défini par une glycémie à jeun > 1,26 g/L et post 75 g de glucose per os > 1,98 g/L à 2 reprises à 6 semaines d’intervalle. Le co-critère de jugement principal était l’incidence agrégée des complications microvasculaires (néphropathies, rétinopathies et neuropathies). L’analyse statistique a été faite en intention de traiter à 15 ans selon le groupe alloué par la randomisation initiale dans DPP.
RÉSULTATS
2 776 patients ont été inclus dans ce suivi : 935 patients randomisés dans le groupe placebo, 926 dans le groupe metformine et 915 alloués au groupe EMdV. Leurs caractéristiques n’étaient pas différentes de celles des patients sortis d’essai (85 % à leur demande).
> En 15 ans, l’incidence cumulative du DT2 a été de 62 % dans le groupe placebo, 56 % dans le groupe metformine et 55 % dans le groupe EMdV : Hazard Ratio (HR) EMdV vs placebo = 0,73 ; IC95 % = 0,65-0,83 ; HR metformine vs placebo = 0,82 ; IC95 % = 0,72-0,93. Ces différences diminuaient avec le temps. Sur ce critère, il n’y a pas eu de différence significative entre le groupe EMdV et le groupe metformine (p = 0,09).
> Malgré les différences observées sur l’incidence du DT2, il n’y a pas eu de différence sur les complications microvasculaires agrégées, sauf chez les femmes en faveur du groupe EMdV vs placebo et vs metformine (p = 0,02).
COMMENTAIRES
Cet essai unique, original et très bien mené concernait la prévention du DT2 chez des patients à très haut risque de le devenir qui, à l’inclusion dans DPP (1996-2001), étaient âgés de 50 ans, avaient une glycémie à jeun = 1,06 g/L, une hyperglycémie provoquée = 1,64 g/L, étaient obèses (IMC 34 kg/m2), et pesaient en moyenne 94 kg. Il montre que l’EMdV et la metformine sont plus efficaces que le placebo pour prévenir le DT2, et qu’il n’y a pas de différence entre les 2 interventions.
> Dans une analyse à 10 ans2, les mêmes auteurs avaient démontré une réduction significative de 34 % (vs 58 % dans DPP) de l’incidence du DT2 dans le groupe EMdV, et de 18 % (vs 31 %) dans le groupe metformine vs placebo, soit une efficacité moindre qu’à la fin de DPP. L’explication principale était que l’importante diminution du poids observée dans le groupe EMdV et plus discrète dans le groupe metformine vs placebo à 1 an dans DPP n’a pas persisté rejoignant in fine le poids moyen du groupe placebo à 3 ans.
> A 15 ans, la différence significative entre les groupes intervention (EMdV ou metformine) vs placebo a persisté mais en s’amenuisant. Cependant, cette importante réduction de l’incidence du DT2 ne s’est pas accompagnée d’une réduction significative des complications microvasculaires du DT2 dans ces 2 groupes. Ce résultat est probablement lié à une durée de suivi trop courte chez ces patients non diabétiques à l’inclusion.
Comment utiliser ces résultats en pratique ?
Chez les patients non DT2, mais à très haut risque de le devenir, l’éducation thérapeutique intensive est plus efficace que le placebo, et non différente de 1 700 mg/j de metformine pour réduire la survenue d’un DT2. Cependant, pour le patient, l’observance au jour le jour de l’EMdV est probablement plus aléatoire que celle de 1 700 mg/j de metformine. À l’inverse, elle expose à moins d’effets indésirables médicamenteux. C’est une situation clinique typique de décision partagée en médecine générale : à bénéfice équivalent, préférez-vous (ou êtes-vous prêt(e) à) modifier votre mode de vie (diététique quotidienne + exercice physique régulier) ou prendre 2 comprimés par jour d’un médicament ?
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