Nous sommes appelés au domicile de René, 79 ans, qui a de grosses difficultés à la marche. Ce patient, ancien militaire de la marine, se fait remarquer depuis des années pour ses frasques dans certains bars où sa consommation d’alcool est assez importante. Il est par ailleurs très épicurien, appréciant les tables bien fournies.
René présente depuis plus de 20 ans des crises de goutte, qu’il ignore complètement et refuse de traiter.
Il faut savoir que ce patient est assez impénitent et refuse toute prise en charge médicale pour une obésité morbide.
Sur un plan clinique, nous remarquons :
– la présence sur certains orteils de tuméfactions ayant un caractère inflammatoire, et qui sont en fait des tophi goutteux,
– des douleurs avec une importante ankylose, surtout au niveau de l’extrémité du premier orteil des deux pieds.
Un bilan radiographique (IRM du pied) est effectué, permettant d’objectiver une arthropathie très destructrice prédominant sur les interphalangiennes du premier orteil.
René présente donc des problèmes articulaires en rapport avec une goutte chronique.
L’ARTHROSE SECONDAIRE
Elle est la conséquence d’un mécanisme étiologique défini qui, au fil du temps, peut être générateur d’arthrose.
Plusieurs pathologies sont jugées responsables d’une arthrose secondaire :
• les traumatismes articulaires répétés à l’origine d’entorses, de fractures,
• certains modes de vie avec alcool, tabac, mais aussi certaines maladies chroniques comme le diabète et l’HTA peuvent être responsables d’une ostéonécrose qui est inductrice d’arthrose,
• les pathologies inflammatoires rhumatologiques sont également à l’origine de synovites parfois destructrices (cas de la polyarthrite rhumatoïde),
• les maladies microcristallines sont secondaires à des anomalies métaboliques responsables de dépôts de cristaux au niveau articulaire (cas de la chondrocalcinose et de la goutte) et favorisent, en cas de chronicité, le développement d’une arthrose,
• les maladies de surcharge (cuivre, fer, acide homogentisique que l’on rencontre dans l’ochronose) sont parfois à l’origine d’une arthrose secondaire.
GOUTTE ET ARTHROPATHIE
En préambule
La goutte est une inflammation articulaire due à des dépôts de cristaux d’acide urique. Sa prévalence est en constante augmentation. Divers facteurs induisent cette pathologie. Parmi eux, nous retrouvons : les facteurs alimentaires avec l’obésité qui est le problème des sociétés développées, l’HTA, certaines thérapeutiques (comme des diurétiques) et enfin le vieillissement de la population.
En France, le nombre de personnes ayant cette pathologie était évalué à environ 0,9 % en 2013.
Arthropathie et goutte chronique
Cette forme de goutte est observée le plus souvent chez des sujets ayant refusé tout traitement ou ayant reçu de manière très épisodique des traitements pour cette pathologie.
Le plus souvent, les patients ayant cette arthropathie sont âgés, de sexe masculin, et ces manifestations cliniques nécessitent au moins 10 ans d’évolution d’une maladie microcristalline (excepté les patients ayant eu une transplantation et recevant de la ciclosporine, pour lesquels l’arthropathie peut survenir plus précocement).
Cliniquement, on retrouve un enraidissement articulaire, mais aussi des douleurs mécaniques, et bien entendu des formations (les tophi) au niveau des articulations.
L’arthropathie siège le plus souvent au niveau des métatarso- ou métacarpophalangiennes, au niveau des interphalangiennes, au niveau des genoux.
L’imagerie permet de retrouver des géodes de grande taille avec latéralement un aspect d’encoche, des ostéophytes marginaux et des pincements articulaires. Les parties molles sont souvent déformées et augmentées de volume du fait de cristaux d’acide urique. L’échographie a un intérêt car elle montre un aspect en « tempête de neige » au niveau du liquide synovial, et une image en « double contour » au niveau du cartilage qui signe l’existence de tophi.
Une association avec une insuffisance rénale secondaire est importante, tardive, et elle est le témoin d’une goutte tophacée.
Dr Pierre Francès (médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer), Adam Merikhi (interne en médecine générale à Montpellier), Marie-Dorothée Noire, Emma Philipon (externes à Angers)
BIBLIOGRAPHIE
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