AUCUNE PRÉVENTION PRIMAIRE ?
Dans les pays industrialisés, la diverticulose concerne 50 % des plus de 70 ans et 66 % des plus de 85 ans, contre moins de 10 % au sein des populations africaines et orientales. La prévalence augmente chez les migrants pour atteindre celle du pays d’accueil. Le mode de vie occidental a longtemps été suspecté, voire incriminé, dans la physiopathologie de la maladie diverticulaire.
→ Désormais insuffisante, la consommation de fibres alimentaires en France a progressivement diminué au profit des sucres solubles et des protéines animales : entre 15 et 22 g/j, alors que 30 g/j sont recommandés. Si l’augmentation des apports en fibres améliore la constipation, le suivi de plusieurs dizaines de milliers de patients n’a pas mis en évidence d’effet préventif sur la formation de diverticules, ni sur le risque de diverticulite. En conséquence, en prévention primaire des diverticulites, il n’est pas recommandé d’augmenter la consommation de fibres.
→ De même, d’autres larges cohortes n’ont pas retrouvé de bénéfice à l’augmentation de l’activité physique et/ou la diminution de la consommation d’alcool, de tabac ou de boissons caféinées… tout au moins pour la stricte prévention primaire des diverticulites.
→ Enfin, chez les patients porteurs de diverticulose, il n’existe pas de facteur prédictif à la survenue de diverticulite, même si la majorité des patients atteints ont plus de 65 ans.
LA RÉCIDIVE : PRÉDIRE, PRÉVENIR ?
Le risque de récidive de diverticulite après une première poussée concerne environ un tiers des patients à 10 ans.
→ Plusieurs facteurs de risque indépendants de mortalité lors de la récidive sont identifiés : l’âge > 50 ans (RR > 5), le tabagisme (RR = 1,5) et le caractère compliqué de la poussée initiale : abcès (RR = 2), péritonite (RR > 3), fistule (RR > 4). Le sepsis, la perforation et l’occlusion sont des facteurs de risque indépendants de récidive compliquée mais pas de mortalité.
→ Aucun régime alimentaire ne peut être recommandé en prévention secondaire des diverticulites. Certaines idées reçues sont à balayer : même chez les patients porteurs d’une diverticulose, les fruits à coque (noix, noisettes, amandes, pistaches, cacahuètes, etc.), le blé, le maïs (dont le pop-corn) ne doivent pas être limités. Comme en prévention secondaire, l’augmentation de l’apport en fibres alimentaires n’a pas démontré son intérêt, de même que les probiotiques. Des traitements préventifs anti-infectieux (rifaximine) ou anti-inflammatoires (mésalamine) ne sont pas indiqués.
→ Le seul élément de prévention secondaire indiscutable concerne l’utilisation des corticoïdes et des AINS (y compris en automédication), qui doivent être évités chez les patients ayant un antécédent de diverticulite.
PAS DE DIAGNOSTIC SANS TDM
→ La diverticulite est évoquée par l’examen clinique. Cependant, on estime que pour 100 patients « cliniquement suspects de diverticulite », le diagnostic ne sera retenu que chez la moitié d’entre eux à l’issue des explorations [9]. À l’inverse, « seulement » les trois quarts des patients ayant une diverticulite ont une température > 37,5 °C et la moitié une leucocytose > 11 000/mL [10].
→ Les scores cliniques ou clinico-biologiques ont des performances décevantes, y compris chez des patients ayant des antécédents de diverticulite : en associant la défense en fosse iliaque gauche, l’absence de vomissement, et une CRP > 50, la sensibilité est seulement de 36 % pour le diagnostic de diverticulite. De plus, de tels scores ne permettent pas de préciser le degré de sévérité.
→ Le diagnostic de diverticulite et l’évaluation de sa gravité reposent sur la TDM, qui a une sensibilité et une spécificité de l’ordre de 99 %. En l’absence de diverticulite, le scanner permet de poser un diagnostic différentiel dans 70 % des cas : occlusion du grêle, torsion d’appendice épiploïque, appendicite aiguë, pathologie inflammatoire du grêle ou du côlon, pathologie lithiasique urinaire, pathologie tumorale du côlon en perforation inflammatoire…
→ Le scanner :
– Est indispensable au diagnostic de diverticulite sigmoïdienne aiguë, y compris chez les patients avec antécédents de diverticulite connus. Le cas échéant, il doit être répété à chaque poussée.
– Doit être réalisé sous 72 heures en cas de prise en charge ambulatoire.
– L’injection d'un produit de contraste est recommandée en l’absence de contre-indication. Elle est surtout utile à la recherche de complications. Au-delà de son intérêt pour le diagnostic positif, le scanner a une valeur pronostique en recherchant des complications aiguës (perforation, abcès, péritonite) et/ou chroniques (sténose ou fistule).
→ Si le scanner ne peut être obtenu, une échographie abdominale est préconisée. Sa sensibilité et sa spécificité sont de l’ordre de 80-95 %, selon l’opérateur. Elle peut être particulièrement rentable en cas de doute, avec une pathologie utéro-annexielle chez la femme jeune.
ANTIBIO OU PAS ? AMBULATOIRE OU PAS ?
→ Le traitement ambulatoire est recommandé en cas de diverticulite aiguë non compliquée, en l’absence de comorbidité significative et/ou de contexte social défavorable. La faisabilité d’une telle prise en charge est démontrée.
→ Le traitement symptomatique sans antibiotiques des diverticulites non compliquées (confirmées par le scanner) est recommandé en l’absence :
– De signes de gravité, notamment pression artérielle systolique ≤ 100 mm Hg, fréquence respiratoire ≥ 22/mn ou confusion
– D’immunodépression (immunodépression congénitale ou acquise, traitement immunosuppresseur ou immunomodulateur, corticothérapie systémique, cancer évolutif, insuffisance rénale terminale)
– De score ASA > 3 (voir encadré)
– De grossesse.
Dans cette situation, une surveillance clinique est recommandée. En l’absence d’amélioration, une antibiothérapie par voie orale de 7 jours est recommandée : amoxicilline/acide clavulanique, ou, en cas d'allergie prouvée, une fluoroquinolone (lévofloxacine ou ciprofloxacine) + métronidazole.
→ En cas de signes de gravité, grossesse, score ASA > 3 ou immunodépression, une antibiothérapie par voie intraveineuse, identique à celle proposée dans la diverticulite compliquée, est recommandée.
→ En cas de diverticulite compliquée au scanner, une antibiothérapie IV est recommandée, associant amoxicilline/acide clavulanique + gentamicine, ou céfotaxime + métronidazole, ou cefriaxone + métronidazole. En cas d’allergie prouvée, une association lévofloxacine, gentamicine + métronidazole est recommandée. La durée de l’antibiothérapie n’est pas consensuelle. Les abcès diverticulaires doivent être drainés sous contrôle radiologique lorsqu’ils sont accessibles.
→ Dernière habitude à battre en brèche : dans la diverticulite non compliquée, une alimentation non restrictive est recommandée si elle est tolérée. Chez les patients hospitalisés, on a même constaté qu’une alimentation restrictive augmentait la durée du séjour.
E1- SCORE ASA
• Le score ASA (ou Physical status score) a été mis au point 1941 par l’American Society of Anesthesiologists (ASA).
• Il est utilisé en médecine pour exprimer l'état de santé pré-opératoire d'un patient.
• 1 : Patient normal
• 2 : Patient avec anomalie systémique modérée
• 3 : Patient avec anomalie systémique sévère
• 4 : Patient avec anomalie systémique sévère représentant une menace vitale constante
• 5 : Patient moribond dont la survie est improbable sans l'intervention
• 6 : Patient déclaré en état de mort cérébrale dont on prélève les organes pour greffe Référence : www.asahq.org/clinical/physicalstatus.htm
QUE PRÉVOIR AU DÉCOURS ?
Lorsque la diverticulite évolue favorablement sur le plan clinique, la surveillance biologique n’est pas requise ; le suivi scanographique systématique est inutile en l’absence de point d’appel, et ce quel que soit le stade initial de la poussée.
→ Quid des examens endoscopiques ? La coloscopie n’est indiquée qu’au décours d’une diverticulite compliquée. Lorsqu’il s’agit d’une poussée de diverticulite aiguë non compliquée, la coloscopie n’a pas sa place en dehors des indications de dépistage du cancer colorectal. En effet, une méta-analyse de 2014 a analysé les coloscopies systématiques au décours d’une diverticulite chez près de 1 500 patients [6]. Les cancers colorectaux (de l’ordre de 1 %) et les adénomes dysplasiques avaient une fréquence similaire à celle des coloscopies de dépistage chez des patients asymptomatiques. Par contre, en cas de diverticulite compliquée, la probabilité de cancer colorectal serait supérieure à 10 % [7].
QUELLES INDICATIONS CHIRURGICALES ?
11 850 colectomies prophylactiques annuelles dont 25 % se compliqueront, une mortalité hospitalière de 7 %, des réinterventions comportant 6 % de stomie à 1 an : la morbimortalité de la chirurgie dans la maladie diverticulaire est loin d’être négligeable.
Les indications de la chirurgie prophylactique étaient jusqu’à présent basées sur des données épidémiologiques de faible puissance et anciennes. Les dernières recommandations françaises dataient de 2006. Les travaux récents, basés sur de larges cohortes, établissent que les risques encourus par les patients non-opérés sont faibles.
→ Aujourd’hui, la sigmoïdectomie élective est recommandée en cas de fistule, de sténose symptomatique, de persistance des symptômes après la poussée ou de récidives fréquentes impactant la qualité de vie.
La HAS insiste sur le fait que la sigmoïdectomie élective systématique après poussée de diverticulite aiguë n'est pas recommandée si le patient est asymptomatique, s'il n'est pas immunodéprimé ou insuffisant rénal chronique et si les poussées n'impactent pas sa qualité de vie. En particulier, chez le patient asymptomatique, l’âge < 50 ans ne constitue pas une indication de chirurgie prophylactique en soi.
La sigmoïdectomie élective peut être discutée au décours d’une diverticulite aiguë compliquée, (en particulier en cas d’abcès) et chez le patient immunodéprimé ou insuffisant rénal chronique. L’opérabilité du patient (cardiopathie, BPCO, polypathologie…) peut faire récuser la chirurgie. Enfin, au stade aigu, l’intervention de Hartmann (intervention de colostomie terminale) est recommandée seulement dans deux situations : en cas d’instabilité hémodynamique ou chez un patient à haut risque de complications (immunodépression, corticothérapie systémique chronique, cancer évolutif non intestinal, insuffisance rénale terminale, ASA > 3).
Bibliographie
1- Haute Autorité de Santé. Prise en charge médicale et chirurgicale de la diverticulite colique. Recommandations de bonne pratique (23 pages). Novembre 2017. Disponible sur https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2017-12/pr…
2- Haute Autorité de Santé. Prise en charge médicale et chirurgicale de la diverticulite colique. Synthèse de la recommandation de bonne pratique (6 pages). Novembre 2017. Disponible sur https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2017-12/fs…
3- Haute Autorité de Santé. Prise en charge médicale et chirurgicale de la diverticulite colique. Argumentaire (166 pages). Novembre 2017. Disponible sur https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2017-12/pr…
4- Bourreille A, Montravers P, Boyer J, Schmit J-L, Teillet L, Loiseau D. Complications de la diverticulose colique : Recommandations. Gastroenterol Clin Biol 2007 ; 31 : 3S21-3S26. Disponible sur https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2008-08/co…
5- Zins M, Bruel J-M, Pochet P, Regent D, Loiseau D. Complications de la diverticulose colique : Recommandations. Gastroenterol Clin Biol 2007 ; 31 : 3S15-3S19. Disponible sur https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2008-08/co…
6- de Vries HS, Boerma D, Timmer R, van Ramshorst B, Dieleman LA, van Westreenen HL. Routine colonoscopy is not required in uncomplicated diverticulitis : a systematic review. Surg Endosc 2014 ; 28(7):2039-47.
7- Sallinen V, Mentula P, Leppaniemi A. Risk of colon cancer after computed tomography-diagnosed acute diverticulitis : is routine colonoscopy necessary ? Surg Endosc 2014 ; 28(3):961-6
8- Gear JS, Ware A, Fursdon P, Mann JI, Nolan DJ, Brodribb AJ, et al. Symptomless diverticular disease and intake of dietary fibre. Lancet 1979 ; 1 : 511-4
9- Cho KC, Morehouse HT, Alterman DD, Thornhill BA. Sigmoid diverticulitis : diagnostic role of CT : comparison with barium enema studies. Radiology 1990 ; 176 : 111-5
10- Ambrosetti P, Becker C, Terrier F. Colonic diverticulitis : impact of imaging on surgical management : a prospective study of 542 patients. Eur Radiol 2002 ; 12 : 1145-9
11- Ahn SH, Mayo-Smith WW, Murphy BL, Reinert SE, Cronan JJ. Acute nontraumatic abdominal pain in adult patients : abdominal radiography compared with CT evaluation. Radiology 2002 ; 225 : 159-64.
12- Andeweg CS, Wegdam JA, Groenewoud J, van der Wilt GJ, van Goor H, Bleichrodt RP. Toward an evidence-based step-up approach in diagnosing diverticulitis. Scand J Gastroenterol 2014 ; 49(7):775-84.
13- Lameris W, van Randen A, van Es HW, van Heesewijk JP, van Ramshorst B, Bouma WH, et al. Imaging strategies for detection of urgent conditions in patients with acute abdominal pain : diagnostic accuracy study. BMJ 2009 ; 338 : b2431
14- van de Wall BJ, Draaisma WA, van Iersel JJ, van der Kaaij R, Consten EC, Broeders IA. Dietary restrictions for acute diverticulitis : evidence-based or expert opinion ? Int J Colorectal Dis 2013 ; 28(9):1287- 93.
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