Madame L., 54 ans, caissière, en surpoids (IMC: 26,9 kg/m2), amatrice de jardinage, est suivie pour un cancer du sein droit traité 2 ans plus tôt par tumorectomie, curage axillaire, chimiothérapie et radiothérapie. Elle consulte devant une augmentation progressive du volume du bras droit et une gêne sous le regard des clients et de son conjoint. Quelques semaines plus tôt, l’augmentation de volume, modérée, régressait après une nuit de sommeil alors qu’actuellement elle reste stable. Elle est contrariée car le chirurgien ne lui avait pas parlé du « gros bras »…
UN DIAGNOSTIC CLINIQUE
Comme Mme L., 15 à 20% des femmes traitées pour un cancer du sein développeront un lymphœdème qui peut apparaître très précocement après la chirurgie mais parfois des années plus tard, indépendamment d’une récidive locale.
Le diagnostic de lymphœdème est posé devant une différence périmétrique de 2 cm à un endroit quelconque du membre supérieur. L’impression de lourdeur ou de pesanteur est le symptôme le plus fréquent.
S’il existe une douleur, il est impératif de rechercher avant tout une récidive axillaire avec atteinte du plexus brachial mais aussi une thrombose veineuse profonde, une pathologie ostéo-articulaire en particulier de l’épaule, un syndrome du canal carpien ou une neuropathie périphérique (secondaire aux taxanes).
La principale complication est infectieuse avec des érysipèles (20 à 40% des lymphœdèmes), parfois récidivants.
Les principaux facteurs de risque du lymphœdème sont le curage axillaire, la radiothérapie – même si elle n’englobe pas le creux axillaire – et l’obésité (risque x 4). La technique du ganglion sentinelle réduit l’incidence du lymphœdème à 2,5-8%.
D’autres facteurs de risque sont décrits : sédentarité, mastectomie vs tumorectomie, envahissement ganglionnaire…
L’ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE CAPITALE
La description de Mme L. illustre le fait qu’une fois installé, le lymphœdème, en grande partie irréversible, à tendance à s’aggraver en l’absence de traitement. La qualité de vie est altérée : limitation fonctionnelle, obstacle professionnel, altération de l’image corporelle et conséquences psychologiques, sociales et conjugales.
Il est important que Mme L. ne prenne pas de poids voire qu’elle essaie d’atteindre un IMC inférieur à 25 kg/m2. L’activité physique est bénéfique à la fois sur le lymphœdème, la qualité de vie et le risque de rechute et de décès liés au cancer du sein. Sa reprise doit être progressive en fréquence et intensité, encadrée par les capacités de la patiente et guidée par son ressenti, sans restriction.
Il est utile de prévenir les blessures, griffures, coupures, porte d’entrée aux érysipèles : port de gants de jardinage, de dé pour la couture et pour les voyages en avion, porter un manchon de compression.
Les conseils classiques mais empiriques qui étaient donnés aux femmes comme d’éviter les travaux répétitifs, les sports intenses (squash, aviron…) ou le port de charges lourdes ne sont plus d’actualité. La surélévation nocturne du bras n’est pas nécessaire.
Enfin, il n’y a pas de donnée scientifique confirmant l’interdiction de la prise de tension artérielle, les injections ou ponctions veineuses sur le lymphœdème.
UN TRAITEMENT EN DEUX PHASES
La phase intensive a pour objectif la réduction du volume du membre. Les bandages peu élastiques, posés par un kinésithérapeute formé à ces techniques, renouvelés toutes les 24-48 heures pendant 1 à 3 semaines, permettent une diminution moyenne de 30 à 40%. Ils peuvent être précédés d’un drainage lymphatique manuel (DLM).
Une fois le lymphœdème réduit, les mesures du membre supérieur de Mme L. seront prises pour faire réaliser une orthèse de compression (compression élastique ou manchon, idéalement avec main attenante) par un orthésiste ou un pharmacien orthopédiste.
La phase d’entretien vise au maintien au long cours de la réduction du volume, au moyen d’une compression élastique portée du matin au soir, tous les jours, si nécessaire associée à un autobandage nocturne peu élastique, trois fois par semaine. Le manchon devra être remplacé tous les 3 à 4 mois. Les DLM n’ont pas d’effet sur le volume, et ne sont donc pas indispensables mais peuvent être utiles dans cette phase en particulier en cas de lymphœdème du sein associé.
UNE (AUTRE) MALADIE CHRONIQUE
Le suivi régulier de Mme L. par son médecin traitant est nécessaire pour soutenir sa motivation et l’adaptation durable de son mode de vie.
Il est possible de lui conseiller l’Association de patients « Vivre Mieux le Lymphœdème » (AVML).
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