Fréquents, source de gêne fonctionnelle et parfois de fuites urinaires ou fécales, ou de difficultés à uriner ou aller à la selle, les prolapsus génitaux peuvent être difficiles à traiter notamment chez les femmes âgées dont le tissu est fragile. Il est donc nécessaire de bien en poser les indications chirurgicales. La prise en charge thérapeutique dépend de multiples facteurs dont le terrain et les maladies associées.
ELEMENTS D’ANATOMIE
La statique pelvienne féminine est sous la dépendance d’un système d’amarrage complexe dont l’intégrité est nécessaire au maintien de l’équilibre fonctionnel du périnée (1).
Le prolapsus génital correspond à une saillie, permanente ou à l’effort, dans la lumière vaginale, à l’orifice vulvaire ou hors de celui-ci, de tout ou partie des parois vaginales. Ces dernières pouvant être plus ou moins doublées de la vessie, du rectum et des culs-de-sac péritonéaux adjacents, ainsi que du fond vaginal solidaire du col utérin. (2)
Leur apparition est la conséquence d’un affaiblissement des structures pelvi-périnéales de maintien et de soutien.
Différents organes peuvent être mis en cause de façon individuelle ou associée:
- la colpocèle antérieure est la saillie de la paroi antérieure du vagin pouvant être accompagné d’une cystocèle (saillie d’une partie de la vessie),
- l’hystérocèle se caractérise par une descente de l’utérus,
- la colpocèle postérieure est la saillie de la partie postérieure et basse du vagin plus ou moins du rectum (rectocèle),
- l’élytrocèle est caractérisée par la saillie d’une partie du douglas,
- l’urétrocèle correspond à la protrusion dans le vagin d’un segment urétral.
FACTEURS FAVORISANTS
La survenue d’un prolapsus est complexe et multifactorielle.
-› Les facteurs favorisants du prolapsus génital peuvent être constitutionnels. Ils sont
alors congénitaux : anomalie osseuse modifiant la courbe axiale du pelvis, hypoplasie musculaire (2), pathologie du tissu conjonctif (maladie d’Ehlers-Denlos…) (1), …
-› Les facteurs favorisants peuvent être acquis, résultant de plusieurs
paramètres : une hyperpression abdominale, une altération neuromusculaire du plancher pelvien, une dégradation des mécanismes de cohésion et de suspension des organes et une modification de ces organes eux-mêmes dans leur situation ou leur morphologie (1).
= Ils surviennent à la suite d’efforts répétés (port de charges lourdes…), d’une chirurgie (hystérectomie, chirurgie de cancer du rectum…),…(2)
= L’obésité mais aussi la prise de poids en elle-même sont des facteurs de risque de prolapsus génital et surtout d’incontinence urinaire d’effort (1).
= La pratique intensive du sport peut être source d’hyperpression abdominale chronique et donc de prolapsus (1). Sont surtout en cause les sports responsables d’à-coups de pression violents comme le trampoline, la gymnastique au sol, le tennis, le basket, la musculation avec lever de poids, l’athlétisme…
= Certaines pathologies associées peuvent être responsables de prolapsus comme les troubles défécatoires (constipation), les maladies broncho-pulmonaires engendrant des efforts de toux importants, les atteintes neuromusculaires…(1).
= Le traumatisme obstétrical est un élément important de survenue d’un prolapsus. Le rôle du premier accouchement est essentiel même si on sait que les accouchements suivants peuvent majorer les dégâts et que la parité est un facteur de risque majeur. L’extraction instrumentale et le poids du bébé sont également primordiaux. (1)
Indépendamment du traumatisme obstétrical, la grossesse est un facteur favorisant mais qui ne justifie en aucun cas une césarienne prophylactique (1).
Le degré de récupération dans le post-partum dépend de l’importance du traumatisme périnéal (les épisiotomies et déchirures sont des éléments péjoratifs).
L’âge est un facteur favorisant l’apparition d’un prolapsus. L’involution post-ménopausique est l’une des causes principales (2). L’avancée en âge induit un vieillissement cellulaire, une carence hormonale (surtout oestrogénique), mais aussi une altération vasculaire et une dégénérescence nerveuse. Le tonus et l’élasticité musculaire sont largement diminués surtout au niveau du plancher pelvien (1). Les effets de la carence hormonale peuvent être compensés par la prescription d’œstrogènes de substitution par voie locale ou systémique.
CLASSIFICATION
On décrit classiquement 3 degrés d’importance du prolapsus, valables pour chaque étage (antérieur, médian, postérieur) :
- stade I : le col reste intra-vaginal,
- stade II : il atteint la vulve mais ne la dépasse pas et peut être visible,
- stade III : il s’extériorise en dehors de la vulve : vous pouvez le voir ou le sentir…
Plusieurs prolapsus de stade différent peuvent survenir simultanément.
EXAMENS COMPLEMENTAIRES
= L’échographie est largement utilisée. Elle permet l’étude des reins, de la miction et la recherche d’un résidu post-mictionnel.
= Défécographie, urographie intraveineuse, colpocystogramme sont des examens complémentaires utilisés en fonction de la symptomatologie.
= Les épreuves hémodynamiques sont fonction de l’existence ou non de fuites urinaires (cystomanométrie, sphinctérométrie, débitmétrie).
= L’IRM semble intéressante et prometteuse, mais n’est pas utile en pratique clinique.
TECHNIQUES CHIRURGICALES
-› La cystocèle isolée est la situation la plus fréquemment rencontrée. Schématiquement
3 interventions peuvent être envisagées : la promontofixation de la paroi vaginale antérieure, la colpopérinéorraphie antérieure sans matériel prothétique et la colpopérinéorraphie avec matériel prothétique (3). En dehors de certains cas particuliers, l’analyse de la littérature et le consensus d’expert recommandent la promontofixation de la paroi vaginale antérieure. Cependant, la supériorité de cette intervention par rapport aux réparations menées par abord vaginale n’est pas certaine ni indiscutable (3).
La voie d’abord retenue peut être coelioscopique ou chirurgicale conventionnelle. Le bénéfice de la cœlioscopie porte surtout sur la durée d’hospitalisation et la douleur post-opératoire immédiate (3).
L’intervention doit être réalisée avec du matériel synthétique non résorbable.
S’il n’y a pas de prolapsus associé, aucun autre geste n’est systématique lors de cette intervention.
Certaines situations doivent faire discuter l’intérêt de la voie vaginale par rapport à la promontofixation (facteurs de comorbidités importants (âge, terrain,…), cystocèle récidivée à distance d’une promontofixation, colpocèle antérieure de stade supérieur à 3) (3).
-› En cas d’hystéroptose isolée, 2 options thérapeutiques existent : soit une intervention
de promontofixation utérine, soit une intervention par voie vaginale avec sacrospinofixation utérine. Dans les 2 cas, un geste d’hystérectomie associé peu être envisagé (3).
-› Le traitement d’un rectocèle isolée n’est effectué que chez les patientes
symptomatiques et non corrigées par une prise en charge médico-rééducative bien conduite. L’intervention de réparation pratiquée sera non prothétique ou prothétique. La méthode prothétique pouvant être effectuée par voie vaginale ou par voie abdominale (3).
-› En cas de combinaison de plusieurs prolapsus (la plus fréquente étant l’association
d’une hystéroptose et d’une colpocèle antérieure), le traitement de référence est la réalisation d’une promontofixation de la paroi vaginale antérieure et de l’utérus. Le recours à la voie vaginale dans cette situation suppose nécessairement l’utilisation d’un matériel prothétique de renfort de la paroi vaginale antérieure. L’intérêt de la voie abdominale par rapport à la voie vaginale sera débattu en fonction des facteurs de comorbidité, de l’existence d’une récidive du prolapsus, du stade de la colpocèle antérieure.
En cas de prolapsus atteignant les 3 étages, les données actuelles de littérature indiquent que le traitement de référence est la promontofixation avec fixation d’une bandelette antérieure et postérieure ou l’association d’une promontofixation avec bandelette antérieure et réalisation d’un temps vaginal non prothétique de correction du défect de la paroi antérieure du rectum (3).
INDICATIONS CHIRURGICALES
Avant d’opérer un prolapsus, il convient de prendre en compte différents facteurs.
-› Il est ainsi nécessaire d’apprécier la gêne fonctionnelle (dont l’évaluation peut se faire grâce à différentes échelles quantifiant les symptômes et le retentissement sur la vie quotidienne), le désir ultérieur de grossesse (surtout pour la femme jeune) et l’envie de conserver ou de retrouver des rapports sexuels normaux. Il faut mesurer l’importance des lésions objectivées et des éventuels troubles urinaires ou digestifs. L’âge et l’état général de la personne atteinte doivent être évalués tout sachant que si le prolapsus génital ne met pas en jeu le pronostic vital il a malgré tout comme caractéristique de s’aggraver avec l’âge. Et l’intervention chirurgicale est d’autant plus délicate que l’état général de la patiente est mauvais.
Le traitement des prolapsus génito-urinaire est avant tout fonctionnel. Il n’y a pas d’indication à un traitement chirurgical quelque soit le stade du prolapsus s’il n’est pas symptomatique, sauf pour les prolapsus dits « compliqués » (dilatation du haut appareil urinaire, rétention vésicale incomplète, troubles trophiques locaux) (3).
Ainsi, le prolapsus minime de la femme jeune ou trop âgé ne sera pas opéré s’il n’est pas accompagné des troubles fonctionnels.
Les prolapsus importants de la femme jeune et de celle plus âgée si l’état général le permet seront quand à eux opérés.
L’hésitation et la discussion de l’intervention chirurgicale se fait dans le cas de prolapsus modéré coexistant avec des plaintes fonctionnelles dont on n’est pas certain de l’organicité (2).
-› La chirurgie permet de corriger les dégradations anatomiques en remontant l’organe prolabé et en le soutenant. Elle évite de créer ou favoriser de nouvelles ptoses d’organes ou de nouveaux troubles fonctionnels. Le but est également de permettre une miction, une défécation, voire même une activité sexuelle normales, ou encore une grossesse (4).
Cette chirurgie est souvent plus fonctionnelle qu’anatomique puisque parfois il faut corriger certains signes fonctionnels masqués invalidants aux dépens de signes patents moins gênants. (4). Elle nécessite une analyse précise des défects des 3 étages du plancher pelvien (urinaire, gynécologique et digestif) (5).
La formation et l’expérience du chirurgien sont également un élément important dans le choix du type de chirurgie envisagée (4).
LE TRAITEMENT MEDICAL : ALTERNATIVE OU COMPLEMENT ?
Même si le traitement de choix des prolapsus est chirurgical (6), le traitement médical est une alternative à la chirurgie. Il peut être envisagé soit en raison du caractère modéré de l’anomalie anatomique ou des symptômes, soit en raison de l’âge et/ou de la comorbidité de la patiente (6).
Cette prise en charge médicale est basée sur 3 possibilités : la rééducation, la pose d’un pessaire et l’utilisation d’œstrogènes à tropisme vaginal et cervical (Trophogil®, Colpotrophine®…) ou substitutifs de la ménopause.
Ces méthodes peuvent permettre également de différer l’intervention.
-› Ainsi, la rééducation uro-gynécologique fait souvent disparaître la gêne fonctionnelle
et permet de retarder l’intervention, surtout lorsque le prolapsus est peu important. Son rôle serait d’augmenter la force musculaire et la contraction volontaire du périnée en réponse à une augmentation de la pression abdominale (6). Elle est basée sur la prise de conscience du plancher pelvien, sa tonification et l’apprentissage du verrouillage périnéal à l’effort.
De plus, en cas de chirurgie, elle peut être en préopératoire un gage de solidité du périnée et en post-opératoire l’assurance d’une prévention des récidives.
-› Le pessaire est probablement le plus ancien traitement des troubles de la statique
pelvienne. Il fût largement utilisé à une époque ou la chirurgie n’existait pas ou peu. Puis il a perdu de son intérêt, considéré uniquement utile chez les patientes inopérables aux comorbidités importantes. Cependant, un certain nombre de publications récentes ont remis en avant son utilisation (6). Il peut ainsi être proposé avant la chirurgie, y compris chez les femmes jeunes, en raison de son efficacité relative et de son innocuité. Les pessaires cubes sont à privilégier car ils peuvent être retirés plus facilement par la patiente, autorisant les rapports sexuels et diminuant le risque de complications locales (infections, érosions, enclavement). En cas de contre-indication chirurgicale ou anesthésique, ou tout simplement de refus de la chirurgie, le pessaire sera la seule option thérapeutique envisageable. La tolérance du pessaire est améliorée grâce à la prescription concomitante d’un traitement oestrogénique local (6)
-› Les œstrogènes améliorent la trophicité des muqueuses et peuvent agir sur les troubles
fonctionnels (dyspareunie, cystalgie…). De plus, ils constituent une excellente préparation à l’intervention chirurgicale (2). Malgré leur utilisation fréquente, associé ou non à des progestatifs, leur efficacité sur la régression des troubles statiques chez la femme reste empirique (6).
-› Sans oublier, les conseils d’hygiène de vie qui tiennent une place importante dans l’amélioration des symptômes en rapport avec le prolapsus, voire la limitation de son aggravation. Ils sont basés sur la lutte contre l’obésité, la constipation, le port de charges lourdes, la toux et les sports à haute sollicitation périnéale (6).
PREVENTION
Le défaut d’éducation périnéale fait partie des facteurs favorisant la survenue du prolapsus.
Ainsi, la pratique intensive et précoce des abdominaux en post-partum sans travail préalable des muscles du plancher pelvien constitue un risque de prolapsus génital chez la femme. De même, l’existence d’un déséquilibre des activités sportives et physiques avec absence de renforcement périnéal peut être source de fuites urinaires et prolapsus.
La prévention passe donc par l’apprentissage et la prise de conscience dès le plus jeune de l’importance du périnée et de son rôle capital dans l’incontinence urinaires et les prolapsus génitaux. (1)
D’une façon identique, la prise en charge des facteurs favorisants, quelque soit leur stade d’évolution, ne doit pas être négligée. Ainsi, un surpoids, une constipation ancienne, ou tout autre élément pouvant provoquer l’apparition d’un prolapsus seront traités de façon adaptée.
CONCLUSION
En premier lieu, rappelons que la prise en compte des facteurs favorisants du prolapsus a un rôle primordial dans la prévention, mais aussi le traitement.
Il faut savoir qu’aujourd’hui, en cas de traitement chirurgical, la voie coelioscopique avec promontofixation est privilégiée. On conserve le traitement par voie vaginale en cas de contre-indication à la cœlioscopie ou d’antécédents chirurgicaux abdominopelviens importants.
Mais n’oublions pas, avant tout, que le choix du traitement, chirurgical ou non, implique de se souvenir de ce vieil adage « primum non nocere ». Et ce, même si on sait que pour tout type de chirurgie du prolapsus, les taux de mortalité et de morbidité sont faibles (7).
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