GONALGIE MÉCANIQUE : BILAN RADIOLOGIQUE STANDARD
Les gonalgies sont un motif très fréquent de consultation des patients d’âge mûr. Après 40 ans, la gonarthrose est l’étiologie principale, en dehors d’un contexte traumatique.
Il importe ainsi d’affirmer le caractère arthrosique de la douleur. La douleur est généralement apparue progressivement, elle est mécanique survenant lors des mouvements (marche, descente ou montée des escaliers) ou de la station debout, elle est calmée par le repos et elle est absente la nuit. « C’est une douleur d’usure.» En cas d’épanchement articulaire, la ponction est obligatoire afin d’analyser le liquide synovial : moins de 1 000 cellules/mm3 = arthrose, plus de 2000 cellules/mm3 = liquide inflammatoire.
Une douleur irradiée au genou, en rapport avec une pathologie de hanche doit être éliminée cliniquement. Un bilan biologique n’est jamais utile en l’absence de suspicion d’une origine inflammatoire de la gonalgie.
Une fois le diagnostic de gonarthrose suspecté par l’interrogatoire et l’examen clinique, un bilan radiologique standard complet est indispensable. Il comporte toujours des clichés bilatéraux des genoux en charge : cliché de face debout, cliché en schuss (de face les genoux fléchis à 30°), clichés de profil et incidences fémoro-patellaires. Les clichés en schuss permettent de bien voir la partie moyenne et postérieure des interlignes fémoro-tibiaux où le pincement de l’interligne articulaire peut être considérablement plus important, ou même être révélé par le cliché en schuss.
GONALGIE MÉCANIQUE : LE MÉNISQUE NE DOIT PAS ÊTRE MIS CAUSE
L’origine méniscale d’une douleur mécanique du genou est souvent évoquée et recherchée après la quarantaine en dehors d’un contexte traumatique. Mais cette recherche méniscale est-elle utile ? La réponse est non, « le ménisque ne doit pas être mis en cause. Les radios standard, qui sont suffisantes au diagnostic de gonarthrose, ne visualisent pas les ménisques » précise Pascal Richette.
On sait aujourd’hui que la dégénérescence méniscale ou méniscose, c’est-à-dire d’origine non traumatique, est extrêmement fréquente en présence ou en l’absence de symptômes. L’imagerie IRM réalisée à titre systématique chez 991 patients, se plaignant ou non du genou, montre que la méniscose est présente chez 19 % des femmes âgées de 50 à 60 ans et qu’elle augmente avec l’âge, tandis que chez les hommes âgés de 70 à 90 ans sa prévalence est de 56 %.
En outre, chez les patients ayant une gonarthrose symptomatique, une méniscose est présente chez 60 % d’entre eux sans aucune corrélation avec la douleur. Par ailleurs, un clivage méniscal horizontal (fissure) est quasiment toujours présent en cas de gonarthrose symptomatique puisque ces lésions sont visibles en IRM dans 91 % des cas.
En d’autres termes « ce n’est pas parce qu’il existe une méniscose que le genou est douloureux.»
IRM INUTILE
La recherche d’une lésion méniscale par IRM est inutile face à une gonarthrose radiologique. La prise en charge est celle d’une gonarthrose que des lésions méniscales y soient associées ou non.
Lorsque la radiographie standard est strictement normale et que la gonalgie persiste depuis au moins 6 mois en dépit d’un traitement bien conduit, l’IRM permet dans ce cas d’analyser au mieux les ménisques, l’os sous-chondral, la synoviale et le cartilage en l’absence de pincement de l’interligne fémoro-tibial. Elle permet notamment d’éliminer une nécrose du condyle débutante, une arthrose préradiologique. Il s’agit dans ce cas d’une affaire de spécialiste, et il faut insister sur le fait que cette situation clinique est très rare..
UNE MENISCOSE SANS ARTHROSE EST EXCEPTIONNELLE
En l’absence de gonarthrose radiologique, lorsqu’une lésion méniscale est considérée comme à l’origine de la douleur, un avis rhumatologique est nécessaire en vue d’un éventuel geste interventionnel, le plus réduit possible sur le ménisque en cause. Cette situation est exceptionnelle. Sur un ménisque déjà fragilisé, des déchirures successives peuvent se produire et se manifester par autant d’épisodes douloureux.
En l’absence de signe manifeste de blocage, l’attitude recommandée est de temporiser et d’éviter un geste invasif en proposant un traitement antalgique et/ou une infiltration. On peut expliquer au patient pour qu’il comprenne mieux l’absence d’intervention, qu’il s’agit « d’une crise fissuraire », un terme inexact sur le plan médical, mais néanmoins pédagogique. Cependant, s’il existe un élément de blocage en lien direct avec la lésion méniscale une méniscectomie partielle, strictement limitée à l’élément mobile qui crée l’obstacle peut être envisagée.
MÉNISCOSE ET MÉNISCECTOMIE AGGRAVENT L’ARTHROSE
On sait aujourd’hui que la méniscose est un facteur de risque de développement d’une gonarthrose ultérieure. La perte des propriétés biomécaniques liée à la dégénérescence méniscale explique probablement cette évolution. On sait également qu’une méniscose est un facteur de risque d’aggravation d’une gonarthrose préexistante. Par ailleurs, une méniscectomie faite en présence d’une gonarthrose représente un risque de progression de cette arthrose. Il a été en effet estimé que les méniscectomies, totales et partielles, augmentaient les pressions de contact de respectivement 235 % et 65 %. Ces données sont des arguments majeurs pour ne pas intervenir sur un ménisque dégénéré.
L’ablation d’un ménisque, partielle ou totale est un geste hautement arthrogène pour le compartiment fémoro-tibial et pour le compartiment fémoro-patellaire.
Comme le résume très clairement Pascal Richette « il ne faut jamais opérer un ménisque dégénératif dans un genou arthrosique.»
LE TRAITEMENT EST CELUI DE LA GONARTHROSE
• Les recommandations de la HAS précisent : en cas de pincement radiographique de l’interligne fémoro-tibial quelle que soit son importance, le traitement d’une lésion méniscale non traumatique dite dégénérative est celui de l’arthrose et de ses facteurs de risque. La méniscectomie arthroscopique n’est pas recommandée.
• Le traitement associe nécessairement médicaments et mesures non médicamenteuses.
• Il soulage la très grande majorité des patients. « C’est l’addition des différentes mesures qui permet d’avoir une efficacité. »
• Le paracétamol est à prescrire en première intention.
• Les AINS présentent des effets secondaires, digestifs, cardiovasculaires, rénaux et cutanés, qui limitent leur utilisation. Ils doivent être utilisés avec prudence en cure courte de 8-10 jours, à la dose la plus faible possible, lors des poussées douloureuses ou en cas d’échec du paracétamol. En cas de forme LP la prise du soir est inutile.
• L’efficacité des AINS topiques est inférieure à celle des AINS per-os.
• Les infiltrations de corticoïdes, 3 à 4 au maximum, sont réservées aux poussées congestives. Leur efficacité antalgique est de durée limitée : 2 à 4 semaines. Il est nécessaire au préalable d’aspirer le liquide synovial pour être sûr de la localisation intra-articulaire de l’aiguille. Les infiltrations de cortisone sont à utiliser avec prudence chez le diabétique, et elles sont déconseillées sous AVK.
• Les infiltrations d’acide hyaluronique sont réservées au spécialiste, leur efficacité est modeste mais rémanente. Des réactions douloureuses paradoxales avec parfois épanchement, rapidement résolutives sous glaçage de l’articulation et prise d’anti-inflammatoires, surviennent dans moins de 5 % des cas.
• Les anti-arthrosiques d’action lente ont un effet antalgique modeste retardé. Ils sont recommandés au long cours par les sociétés savantes de rhumatologie (européennes et américaines) et peuvent diminuer la consommation d’AINS.
• L’échec du traitement médical fait discuter la chirurgie.
La perte de poids et l’exercice physique
Le poids joue un rôle majeur dans le développement de la gonarthrose. Comparativement à un IMC inférieur à 25, un IMC supérieur à 27 multiplie par 3 le risque de gonarthrose.
Il importe d’expliquer à un patient ayant un IMC élevé venant consulter pour une gonarthrose d’un genou, que le risque d’atteinte de l’autre genou est de 50 % à 2 ans. Il est par ailleurs démontré que la perte de poids d’au moins 5 % en 20 mois diminue les douleurs et améliore la fonctionnalité. La chirurgie bariatrique est parfois nécessaire.
En pratique la perte de poids est supérieure et plus durable lorsque les changements des habitudes alimentaires sont associés à l’activité physique qui doit bien sûr être adaptée à la gonarthrose. Les thérapies cognitivo-comportementales sont un atout de réussite pour modifier les comportements alimentaires. L’activité physique doit durer au moins 30 minutes 3 fois par semaine. La pratique de la marche quotidienne est un conseil d’application simple en dehors des périodes trop douloureuses. La marche permet de préserver la souplesse articulaire et la tonicité musculaire. La natation qui supprime les appuis est conseillée de même que le vélo sauf atteinte fémoro-patellaire.
Certains sports à impact comme le tennis, le saut ou la course à pied sont déconseillés uniquement s’ils sont douloureux.
Des chaussures souples, type chaussure de sport sont conseillées car elles absorbent une partie de la pression.
Les genouillères et autres orthèses n’ont pas fait la preuve de leur efficacité, mais les patients qui les portent se sentent rassurés.
Le port d’une canne du côté sain est également un appoint important, mais d’application difficile du fait de son image liée à la vieillesse et au handicap. La gonarthrose peut retentir sur le psychique qui doit être évalué pour venir en aide si besoin.
La kinésithérapie
La Ligue Européenne contre le rhumatisme (EULAR) recommande la rééducation pour son effet antalgique et son amélioration fonctionnelle. Adaptée à l’état douloureux, la rééducation devrait être systématique (renforcement du quadriceps, assouplissement pour favoriser son extension).
Pour maintenir au long cours l’observance de la rééducation, les autoprogrammes à domicile sont fort utiles ponctuées par des séances chez le kinésithérapeute. Les cures thermales ont un effet antalgique démontré.
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