Dermatologie pédiatrique

LES PATHOLOGIES DU CUIR CHEVELU DE L’ENFANT

Publié le 26/06/2009
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Les affections du cuir chevelu, pouvant être d’origine congénitale ou acquise, sont fréquentes.

Crédit photo : ©LABREZE C

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LES PATHOLOGIES CONGÉNITALES

Il existe des variations physiologiques de la pousse des cheveux chez le nouveau-né. Dans 90 % des cas, à la naissance, les cheveux sont répartis harmonieusement sur l’ensemble du scalp, mais chez certains nouveau-nés, on peut observer des zones alopéciques dues à un simple retard de pousse ou au contraire à une chute physiologique précoce sur un ou deux territoires. Ces zones alopéciques n’ont pas de signification pathologique, c’est le cas de l’alopécie occipitale qui, finalement, ne serait pas due aux frictions et de l’alopécie en couronne (2).

L’alopécie congénitale circonscrite

Il existe deux causes essentielles à cette pathologie.

L’aplasie cutanée (cf. Fig. 1). Isolée, de petite taille, elle est fréquente et banale. En revanche, si elle est de grande taille et s’associe à d’autres anomalies comme une tuméfaction cutanée, un angiome ou une touffe de cheveux, elle doit faire rechercher une malformation, un dysraphisme sous-jacent et faire réaliser une imagerie.

L’hamartome verruco-sébacé (cf. Fig. 2). Celui-ci se présente sous la forme de petites papules jaunes coalescentes. Au fil du temps, la lésion peut s’épaissir et se compliquer de tumeurs annexielles. Une exérèse précoce, avant l’âge de deux ans, doit être discutée.

On peut voir aussi une alopécie triangulaire apparaissant pendant l’enfance ou l’adolescence. Sans signification pathologique, cette anomalie pilaire se manifeste par une plaque alopécique stable en forme de triangle dont la base est temporo-pariétale.

Les alopécies diffuses congénitales

Elles sont d’origines diverses. Parmi les plus fréquentes, il faut citer :

Le monilethrix, anomalie congénitale donnant des cheveux cassants en chapelet ; l’affection persiste à vie, mais peut s’améliorer à l’adolescence ou à l’âge adulte.
Le syndrome des cheveux anagènes caduques (cf. Fig. 3) qui se manifeste sous la forme de cheveux fins et d’aspects dystrophiques s’arrachant facilement à la traction.

Les anomalies de couleur

La canitie (cheveux blancs) peut être bénigne ; dans ce cas, elle a souvent un caractère familial. Mais elle est parfois le témoin d’une pathologie plus générale comme un albinisme oculo-cutané, ou d’un déficit immunitaire.

Une touffe de cheveux plus foncés est plutôt évocatrice d’une pathologie locale comme la présence d’un nævus congénital. Une couronne de cheveux plus foncés peut également être le marqueur d’un dysraphisme sous-jacent, surtout si elle entoure une zone d’aplasie cutanée (2).

LES PATHOLOGIES ACQUISES

La teigne

La teigne est la cause la plus courante de chute de cheveux chez les enfants de 2 à 10 ans, avec une prévalence de 1,9 % dans les écoles (3). Il s’agit d’affections fongiques bénignes dues à des dermatophytes. Le risque de contagion diffère s’il s’agit de dermatophyte anthropophile (à transmission interhumaine, cf. Fig. 4) et de dermatophyte zoophile (d’animal à l’homme, cf. Fig. 5) ou géophile (par contact direct avec le sol ou par l’intermédiaire d’un animal).

Leur diagnostic est identique : une teigne doit être systématiquement évoquée devant toute plaque alopécique. L’aspect est caractéristique : cheveux coupés courts et présence de lésions squameuses, érythémateuse ou de folliculite. Un prélèvement pour culture au laboratoire est impératif ; il est effectué par frottement du cuir chevelu avec une moquette, une compresse ou un écouvillon. La culture est longue et nécessite trois semaines. En cas de doute ou de diagnostic difficile, il est utile d’adresser les enfants au dermatologue pour la réalisation d’un examen direct à la recherche de filaments mycéliens avec un examen à la lampe de Wood. « Si votre suspicion de teigne est forte, il faut commencer le traitement sans attendre les résultats de la culture », précise le Dr Léauté-Labrèze.

Un traitement par voie générale est toujours nécessaire :

griséofulvine administrée à la posologie de 15 à 20 mg/kg/jour par voie orale pendant six à huit semaines, en une seule prise le matin et avec un corps gras (tartine avec du beurre ou de la margarine) ;

– des résultats d’études récentes plaident en faveur de traitements de plus courte durée, comme la terbinafine pendant quatre semaines ou l’itraconazole pendant deux semaines ou encore le fluconazole ; mais ces produits ne disposent pas encore de l’AMM en France. Actuellement, ils sont surtout prescrits en cas d’intolérance à la griséofulvine. La terbinafine n’est pas très efficace sur les teignes microsporiques.

Ce traitement per os est associé à un traitement local par des crèmes ou des lotions antifongiques (spray imidazolé) et des shampoings antifongiques (kétoconazole ou ciclopirox) éventuellement associés à de la vaseline salicylée pour faire tomber les croûtes. Ce traitement local ne suffit pas pour traiter une teigne mais il réduit le portage et diminue en conséquence la contagion.

La désinfection des peignes, brosses, bonnets est nécessaire, la tondeuse à cheveux qui sert habituellement à tous les enfants de la famille doit être jetée. La désinfection des lieux de vie n’est pas nécessaire (2).

- Le suivi est mensuel jusqu'à la disparition complète, clinique et mycologique : « L’examen clinique ne suffit pas, un prélèvement de contrôle négatif est nécessaire. » Les lésions disparaissent si le traitement est correctement suivi.

- Quelle éviction scolaire prévoir ? Un enfant d’origine française et n’ayant jamais quitté la France a toutes les chances d’avoir une teigne zoophile (Microsporum canis transmis surtout par les chats, ou Trichophyton mentagrophytes surtout transmis par les rongeurs), ce qui signifie qu'il faut s'enquérir de la présence d'animaux au domicile. Dans ce cas, une éviction scolaire est inutile.

En revanche, un enfant d'origine africaine, même s'il n'a jamais voyagé, est susceptible d’avoir contracté une teigne antropophile. Les teignes d'Afrique du Nord sont essentiellement des Trichophytons et donnent des lésions multiples d'aspect suppuré, les teignes d'Afrique centrale ou de l'Ouest sont plutôt microsporiques et donnent de grandes plaques alopéciques squameuses et bien circonscrites (1). Lors d'une étude dans le département des Hauts-de-Seine, les teignes retrouvées chez les enfants étaient majoritairement antropophiles (3).

En cas de suspicion de teigne anthrophile, il existe un risque contagieux. Les recommandations du ministère de la Santé en 2003 préconisent une éviction scolaire, sauf en cas de présentation d'un certificat médical attestant d'une consultation et de la prescription d'un traitement adapté (1). Christine Léauté-Labrèze précise que « normalement, il faut que le prélèvement de contrôle soit revenu négatif pour conclure à une non-contagion, mais en pratique, on estime qu’avec un traitement local bien fait, il n’y a plus de risque de contamination pour l’entourage après huit à dix jours ».

En maternelle ou à la crèche, le risque de transmission est plus grand (estimé à 30 % en crèche). A noter qu’il l’est aussi pour les adultes, les contacts physiques étant fréquents (câlins), alors qu'en primaire les enseignant sont toujours indemnes.

A l'école primaire, les jeux sont plus individuels, les enfants sont séparés pendant les heures de classe aussi le risque de contagion est très faible (1,9 %). L'éviction scolaire est ainsi inutile si l'enfant est traité. Empêcher l'éviction scolaire permet d'éviter un retard scolaire et une stigmatisation possible, le mot teigne étant anxiogène pour les parents comme pour les enseignants.

La contamination est beaucoup plus forte dans le milieu familial que dans le milieu scolaire, de ce fait, il est indispensable d'examiner tous les membres de la famille (ainsi que les amis dormant sous le même toit). L'examen des sujets contacts et leur prise en charge rapide paraît un des points essentiels pour prévenir les cas secondaires. L'examen clinique seul n'est pas suffisant (seulement 13 % des cas secondaires scolaires avaient une clinique évocatrice de teigne) ; aussi, il doit être systématiquement accompagné d'un prélèvement et d'un examen biologique. Les habitudes des familles seront prises en compte (partage des vêtements entre enfants, habitude de coiffure, enfants dormant ensemble…). On pensera aussi à examiner les mains des mères qui se contaminent en coiffant leurs enfants et deviennent ainsi contagieuses (4).

– Une enquête scolaire est nécessaire si plusieurs enfants de la même classe ou de la même école sont atteints, elle sera diligentée par le médecin scolaire.

Le psoriasis

Un psoriasis peut toucher le cuir chevelu de l’enfant : les plaques sont érythémateuses et recouvertes de squames épaisses qui couvrent le cheveu comme les tuiles d’un toit et sont soulevées avec eux quand les cheveux sont mobilisés. Elles peuvent simuler une teigne mais les cheveux sont intacts ce qui permet de bien les différencier. Il n’y a jamais d’alopécie.

La pelade

La pelade est, en dehors des teignes, la cause la plus fréquente d’alopécie acquise de l’enfant mais dans ce cas, le cuir chevelu a un aspect normal avec une peau totalement glabre. Elle se manifeste par des plaques rondes de chute totale des cheveux, mais on peut observer en périphérie des cheveux dystrophiques (cheveux dits en point d’exclamation par amincissement à leur base de la tige pilaire. Typiquement, dans la pelade, il s’agit d’une ou plusieurs plaques de taille variable (1 à 2 cm), mais plusieurs plaques peuvent confluer et former une zone d’alopécie de grande taille (cf. Fig. 7).

Les formes sévères correspondent aux pelades avec début précoce (le pronostic est meilleur chez les adolescents que chez les jeunes enfants et les nourrissons), les formes étendues (pelade décalvante totale et universelle), certaines localisations (la localisation ophiasique, début dans la région occipitale puis extension au dessus des oreilles, a plus de risque de persister). Le sexe masculin et les antécédents familiaux de pelade sont des facteurs de mauvais pronostic.

La lésion déclenchant la pelade est inconnue, mais probablement d’origine immunologique. Les biopsies du cuir chevelu montrent une infiltration lymphocytaire périfolliculaire ainsi qu’un dépôt d’anticorps et de complexes immuns (2).

Si la pelade peut parfois apparaître dans les suites d’un choc affectif, il ne faut pas, pour autant, la considérer comme un marqueur de problème psychologique (5).

L’évolution de la pelade est imprévisible. Son pronostic est globalement bon puisque dans 30 % des cas, les cheveux repoussent dans les six mois et dans 50 % des cas après un an ; seulement 7 % des pelades progressent vers des formes graves de type pelade universelle. Environ 20 % des enfants ont une maladie qui persiste au-delà de dix ou quinze ans, sans aucun signe de repousse. La repousse se fait souvent sous la forme initiale d’un duvet blanc.

Le traitement n’est guère satisfaisant. Dans les formes localisées et chez les jeunes enfants, l’abstention thérapeutique est le plus souvent adoptée si le préjudice esthétique est accepté mais avec un suivi régulier pour que l’enfant et sa famille se sentent soutenus et en confiance. Dans les formes plus importantes, des traitements locaux sont essayés : corticoïdes classe forte, minoxidil 5 %, irritants non spécifiques (gel rubéfiant, attouchements à l’azote). Dans les formes très évolutives, des bolus de corticoïdes sont proposés, mais ils sont peu efficaces sur les formes ophiasiques et ne changent probablement pas le pronostic à long terme. La corticothérapie intralésionnelle est parfois utilisée chez les adolescents, mais avec de grandes précautions compte tenu du risque de toxicité locale et systémique. La puvathérapie n’est pas utilisée chez l’enfant.

Le retentissement psychologique de la pelade est souvent très fort, tant chez les enfants que chez les parents. Il en représente d’ailleurs la seule complication mais qui justifie une véritable prise en charge.

CHUTES DE CHEVEUX D’ORIGINE TRAUMATIQUE

Le tic d’arrachage des cheveux (cf. Fig. 8) est le principal diagnostic différentiel de la pelade. Le critère diagnostic majeur est la découverte de cheveux courts et cassés le long du cuir chevelu avec des moignons de différentes longueurs dans les zones adjacentes. Ces lésions sont dues à l’arrachage répétitif et /ou à l’entortillement des cheveux, fracturant les tiges les plus longues. Dans le tic d’arrachage des cheveux, les plaques d’alopécie ne sont pas complètement nues et les tiges des cheveux sont généralement difficiles à retirer du cuir chevelu (6). Ce tic peut survenir chez des enfants souffrant de trouble obsessionnel compulsif (TOC) ; on parle alors de trichotillomanie (manipulation compulsive des cheveux), mais le plus souvent il est observé chez des enfants ayant soit un comportement normal, soit un état de stress. Ce tic d’arrachage survient en particulier chez les enfants âgés de 2 à 6 ans, avec un pic à 6 ans, ou à l’âge pré-pubertaire (5). Attention, il est souvent nié.

L’alopécie de traction se voit essentiellement chez les filles aux cheveux crépus dont le style de coiffure (tressages serrés) maintient une traction importante sur les tiges des cheveux. Cette traction provoque des fractures de la tige du cheveu (cf. Fig. 9). À long terme, elle peut entraîner une alopécie cicatricielle définitive.

L’ALOPÉCIE DIFFUSE ACQUISE

Une alopécie diffuse acquise doit avant tout faire éliminer une cause iatrogène médicamenteuse(chimiothérapie, radiothérapie). Sinon, le plus souvent, elle est due à un effluvium télogène. L’effluvium télogène s’observe quelques mois après une infection sévère (maladie grave, intervention chirurgicale lourde…). L’affection provoque la transformation d’un nombre anormalement élevé de cheveux anagènes en cheveux télogènes. Ce phénomène est suivi trois à cinq mois plus tard d’une chute abondante, diffuse et synchrone des cheveux. Cette effluve télogène est temporaire et n’entraîne que rarement une chute de plus de 50 % des cheveux. La repousse spontanée est la règle, mais il faut avertir les parents et l’enfant que les cheveux ne poussent que d’environ 1 cm par mois, aussi le retour à l’état antérieur sera long.


Dr Catherine Freydt (médecin généraliste à Chatou, fmc@legeneraliste.fr), sous la direction scientifique du Dr Christine Léauté-Labrèze (unité de Dermatologie pédiatrique. Hôpital Pellegrin-Tripode, Place Amélie Raba-Léon, 33000 Bordeaux).

Source : Le Généraliste: 2494