Gustave S… 76 ans consulte car il pense avoir une bronchite. Il est essoufflé à la marche, tousse le matin et se plaint d’être fatigué depuis quelques jours. Il a remarqué que ses chevilles sont enflées le soir par la marque persistante de ses chaussettes. Il est apyrétique. Gustave fume 10 cigarettes par jour. Antécédents : HTA traitée par calcium bloqueur et diurétique. Souffle systolique faible au foyer mitral non exploré à ce jour. Consommation alcoolique : 5 verres de vin par jour. Poids 85 kg pour 175 cm (BMI = 27,7).
QUELS SONT LES DIAGNOSTICS POSSIBLES ?
L’existence d’une dyspnée est soit un symptôme d’origine cardiaque soit un symptôme d’origine pulmonaire. Le tabagisme, la toux matinale et la dyspnée évoquent une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), mais la mesure du souffle effectuée au cabinet par débimètre de pointe est normale pour l’âge et la toux matinale n’est pas productive.
La mesure tensionnelle montre que l’HTA n’est pas contrôlée : 160/100 mmHg, la fréquence cardiaque est légèrement accélérée à 87 /mn. La présence d’un œdème périmalléolaire, l’existence de râles crépitants inspiratoires et expiratoires à l’auscultation prédominant aux bases, ainsi que l’asthénie orientent vers une insuffisance cardiaque congestive à l’origine de la dyspnée.
-) Ce diagnostic doit être confirmé et affiné par un avis spécialisé, une échographie et le dosage du BNP ou du NTproBNP.
COMMENT CONFIRMER LE DIAGNOSTIC ?
Le diagnostic clinique d’insuffisance cardiaque n’est pas facile après 75 ans, d’autant que la classification NYHA évaluant son degré de sévérité est peu adaptée à cette classe d’âge (1). Un avis spécialisé est nécessaire pour affirmer le diagnostic et préciser l’étiologie par un bilan. L’ECG est peu contributif, mais sa normalité élimine le diagnostic. La radiographie thoracique un intérêt limité. L’échocardiographie, examen de référence est systématique (2,3). Elle affirme le diagnostic, apprécie la fonction ventriculaire gauche, mesure les dimensions du ventricule droit et gauche, distingue une IC systolique d’une IC à fonction systolique conservée (fraction d’éjection supérieure à 45 %, appelée IC diastolique), confirme et évalue une valvulopathie, détermine la cause de l’IC, recherche des complications, optimise le traitement et envisage le pronostic. Ici la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVGS) est diminuée à 35 % et le ventricule gauche est dilaté, la fuite mitrale est de moyenne importance. Une coronarographie, réalisée dans le cadre du bilan étiologique, ne révèle pas d’anomalies. Le dosage du BNP (peptide natriurétique) est utile au diagnostic notamment en raison de sa forte valeur prédictive négative (3), au suivi et au pronostic de l’insuffisance cardiaque. Ici le dosage du BNP, qui est de 600 pg/ml, confirme l’orientation clinique. Finalement, le diagnostic de cardiomyopathie dilatée sur un terrain d’HTA associé à une intoxication œnolique pour Gustave S.
COMMENT INTERPRÉTER LE DOSAGE DU BNP OU DU NTPproBNP ?
Les peptides natriurétiques sont dosables sous deux formes le BNP et le NTproBNP. La valeur seuil du NTproBNP est plus élevée que celle du BNP. Une insuffisance cardiaque décompensée est éliminée dans 95 % des cas lorsque le BNP < 100pg/ml et le NTproBNP < 300pg/ml. L’insuffisance cardiaque décompensée est très probable lorsque le BNP › 400pg/ml ou le NTproBNP › 2000 pg/ml. Un avis spécialisé peut être nécessaire pour évaluer le résultat d’un dosage situé entre ces deux valeurs (4). Par ailleurs, l'importance du taux aide à mieux apprécier la sévérité de l'insuffisance cardiaque, notamment au cours du suivi.
QUEL TRAITEMENT INSTITUER ET QUEL SUIVI ?
-) L’objectif du traitement initié par le cardiologue est de supprimer la dyspnée, normaliser la pression artérielle et améliorer la qualité de vie. Son but principal est la réduction de la morbi-mortalité (5,6). Trois types de médicaments sont indispensables : les diurétiques en cas de symptômes congestifs, les IEC (ou ARA2 en cas d'intolérance aux IEC) et les bêta-bloquants.
-) Le traitement de base de l'insuffisance cardiaque à FEVG altérée reposent sur les IEC et les bêta-bloqueurs (bisoprolol, carvédilol, métoprolol, nébivolol) qui sont progressivement augmentés jusqu’à la posologie maximale tolérée.Chez les patients restant mal équilibrés seront ajoutés un antialdostérone ou un ARA2. Quelle que soit la FEVG, les diurétiques de l’anse (furosémide, bumétanide) sont nécessaires et la dose doit être adaptée au cas par cas à l'importance des signes congestifs et à la fonction rénale. La digoxine n'a plus beaucoup d'intérêt en dehors de l'AC/FA.
-) Un séjour en centre de réadaptation cardiaque est recommandé chez les patients les plus sévères avec FEVG altérée, pour améliorer les symptômes et la capacité fonctionnelle à l’effort. Dans un certain nombre de cas, un pace-maker multisite et/ou un défibrillateur automatique seront implantés.
-) La surveillance doit être très régulière et nécessite des examens biologiques réguliers incluant systématiquement un ionogramme avec créatininémie et parfois le dosage des peptides natriurétiques pour mieux réapprécier la sévérité du patient.
-) Les vaccinations antigrippale et antipneumococcique sont indispensables, ainsi que l’arrêt du tabac.
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