L’interruption volontaire de grossesse (IVG)est un avortement provoqué, décidé pour des raisons non médicales par la femme elle-même, autorisé jusqu’à 14 SA, par voie médicamenteuse ou instrumentale.
ÉPIDÉMIOLOGIE
► En moyenne deux femmes sur cinq seront concernées par une IVG au cours de leur vie féconde.
► En 2015, 50 % des IVG réalisées en établissements hospitaliers sont des IVG médicamenteuses contre 10 % en 1992. La part des IVG médicamenteuses en ville a ainsi augmenté, passant de 5 % en 2005 à 19 % en 2008 et 24 % en 2012, puis 18 % en 2015.
► Le nombre d’IVG est stable depuis plusieurs décennies en France où la natalité est une des plus hautes d’Europe (indice de fécondité par femme à 1,95 en 2015) malgré un taux de couverture contraceptive également très élevé. C’est ce qu’on appelle le « paradoxe français ». Certes, la diffusion des méthodes efficaces de contraception a permis de diminuer la fréquence des grossesses non programmées (GNP). En revanche lorsqu’elles surviennent, le recours à l’IVG est plus fréquent. La grande majorité des GNP aboutissent à une IVG, soit près de 6 femmes sur 10. L’IVG est une procédure présentant peu de complications majeures (< 1 %) et la mortalité est très rare (0,7 pour 100 000 femmes).
► En cas de grossesse non programmée, les déterminants sociaux du choix de l’IVG sont dépendants de l’âge.
► Chez les moins de 25 ans ils dépendent du niveau d’études, chez les 25-34 ans du nombre d’enfants, et chez les plus de 35 ans de la possibilité de conjuguer maternité et carrière professionnelle. Les femmes se présentant pour une IVG répétées souffrent plus souvent de violences conjugales, sont plus jeunes et plus souvent étudiantes, dans une situation sociale difficile ou dans un couple déclaré comme instable.
► En ce qui concerne la contraception et la prévention des GNP, les professionnels de santé doivent être plus vigilants face aux femmes de moins de 20 ans et de plus de 40 ans, aux femmes à risques médico-sociaux de mésusage de la contraception ou ne consultant pas autant que les autres (obésité) et aux femmes ayant déjà eu un antécédent de GNP.
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LA PLACE DE L’ÉCHOGRAPHIE
En pratique l’échographie est toujours prescrite pour dater la gestation. Y compris pour les femmes certaines de la date de leurs dernières règles et/ou du rapport sexuel à risque.
► La datation de la grossesse en l'absence d’embryon visible repose sur la seule mesure du sac gestationnel. En l’absence d’embryon visible, en cas de grossesse intra-utérine évolutive, le terme est toujours inférieur à 7 SA. La présence d’une vésicule vitelline signe le caractère endo-utérin de la grossesse.
► Dès l’apparition échographique de l’embryon, l’estimation de la datation de la grossesse se fait par la mesure de la longueur cranio-caudale (LCC) ou par la mesure du diamètre bipariétal (BIP) à partir de 11 SA. En cas d’âge gestationnel proche de
14 SA, la réalisation d’une échographie est recommandée pour définir une datation précise.
► L'échographie endovaginale est généralement réservée aux situations de mauvaise visualisation par voie sus-pubienne notamment pour les termes autour de 7 SA.
► En cas d’IVG médicamenteuse, la réalisation systématique d’une échographie post-IVG n’est pas recommandée en routine. Si elle est pratiquée, elle devrait l'être à distance (après 15 jours).
LES MÉDICAMENTS
Les molécules abortives
► La mifépristone (Mifégyne®) est un stéroïde de synthèse qui a une forte action anti progestérone. Elle a une affinité pour les récepteurs à la progestérone 5 fois supérieure à la progestérone elle-même. Elle altère l’endomètre, déclenche une nécrose de la déciduale ce qui a pour conséquence de la séparer du trophoblaste et donc, une expulsion du produit de conception. Elle stimule la sécrétion de prostaglandines et déclenche contractions utérines. Elle ramollit et ouvre le col utérin. Elle fait chuter l’HCG dont la demi-vie est de 30 heures. Le pic plasmatique est atteint 2 heures après l’administration et il décroît de moitié entre 12 et 72 heures. La concentration plasmatique totale durant les 72 premières heures est la même pour 200 (1 cp) et 600 mg (3 cp).
► Le misoprostol (Gymiso®, Mifee®, Cytotec®) est une prostaglandine qui stimule la contractilité utérine. A noter l'arrêt de commercialisation en France du Cytotec à partir de mars 2018.
L’efficacité de la méthode médicamenteuse est supérieure à 95 % lorsque les protocoles sont adaptés en fonction de l’âge gestationnel. L’IVG médicamenteuse réalisée avec la dose de 200 mg de mifépristone associée au misoprostol est efficace à tout âge gestationnel.
► Pour la mifépristone, la dose de 200 mg doit être préférée à celle de 600 mg. Le misoprostol seul est moins efficace qu’une association mifépristone–misoprostol. Pour une efficacité optimale, le délai optimal entre les 2 prises de médicaments doit être de 24 à 48 heures à condition que la dose de misoprostol soit suffisante. Il ne faut pas raccourcir ce délai en dessous de 8 heures.
► Compte tenu de son innocuité et vu le taux de satisfaction des femmes, la prise de mifépristone à domicile doit être facilitée.
Les différentes voies d’administration du misoprostol sont la voie vaginale, orale, sublinguale et jugale - encore appelée buccale- où les comprimés sont mis en place entre les joues et les gencives, et les femmes doivent avaler les fragments résiduels au bout de 30 minutes.
► Avant 7 SA, la mifépristone est administrée à la dose de 400 mg éventuellement renouvelée après 3 heures en l’absence de métrorragies. Mais au-delà de 7 SA (l’IVG médicamenteuse se déroule alors à l’hôpital), les modes d’administration du misoprosto par voie vaginale, sublinguale ou buccale, sont plus efficaces et mieux tolérées que la voie orale qui n’est donc pas recommandée.
► Allaitement, obésité, grossesse gémellaire et utérus cicatriciel ne sont pas des contre-indications à l’IVG médicamenteuse. Il n’existe pas de niveau de preuve pour modifier le protocole d’IVG médicamenteuse dans ces situations.
La prise en charge de la douleur
Les douleurs abdomino-pelviennes induites par les contractions utérines sont fréquentes dans l’IVG médicamenteuse. Dans le cadre d’une prise en charge à domicile, il est important de s’assurer de la bonne compréhension du traitement. Les études internationales montrent que la douleur augmente avec l’âge gestationnel.
► Le paracétamol est insuffisant dans la prise en charge de la douleur dans les IVG. L’ibuprofène est plus efficace que le paracétamol. La dose est de 400 à 600 mg à renouveler si besoin sans dépasser plus de 1 200 mg. La prise systématique d’ibuprofène n’est pas supérieure à la prise à la demande, mais, pour des raisons organisationnelles, il pourrait être donné à titre systématique. Le phloroglucinol n’a pas montré son efficacité et n’est donc pas recommandé. Si le passage au palier 2 est nécessaire, la HAS recommande d’associer l’ibuprofène et le paracétamol avec de la codéine. Les antalgiques de palier 3 n’ont pas été évalués.
► L’antalgie doit être prescrite au moment de la réalisation de l’IVG et les jours qui suivent. Selon une étude, 85 % des patientes ont pris des antalgiques dans les 2 jours qui suivent l’IVG.
Saignements et IVG médicamenteuse
En général, l’hémorragie débute entre 2 et 4 heures après la prise de misoprostol, et elle ne doit pas excéder 2h à 4h. L’expulsion a lieu dans les 4 heures. Les saignements durent en général 3 à 4 jours, mais ils peuvent persister 10 à 13 jours, parfois jusqu’aux règles suivantes.
[[asset:image:11659 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]► Une consultation aux urgences s’impose si la patiente imprègne deux serviettes toutes les heures durant plus de 2 heures. Tout signe d’hypovolémie doit aussi faire consulter (malaise, lipothymie, tachycardie).
Autres effets indésirables
Nausées, vomissements et diarrhée sont directement liés à l’action du misoprostol sur les fibres intestinales. Ils surviennent dans l’heure qui suit la prise. Ils sont moins fréquents quand le misoprostol est administré par voie vaginale. Des troubles de la thermorégulation (fièvre, frissons) sont possibles, de courte durée (1-3 heures) et sont directement liés à la prostaglandine (voir encadré E2).
AFFIRMER L’AVORTEMENT COMPLET
L’histoire médicale permet d’affirmer le succès de l’avortement médicamenteux avec une sensibilité de 99,1 % et une spécificité de 45,5%. Des métrorragies minimes ou une absence de saignement sont fortement prédictifs de l’échec de la méthode. Pour autant, ni l’interrogatoire seul ou combiné à un examen clinique ne permet de déterminer de manière fiable le succès de l’IVG.
► Cinétique de l'HCG : le dosage de l’HCG sérique 15 jours après l’IVG médicamenteuse peut être utilisé pour juger du succès de la méthode. Une baisse supérieure à 80 % du dosage initial d'HCG est en faveur de la réussite de l’IVG.
DÉROULEMENT DE LA PROCÉDURE
Depuis les lois du 4 août 2014 et du 26 juin 2016, la notion de « détresse » a disparu, toute femme a le droit de demander une IVG, quelle que soit sa situation.
Les consultations médicales pré-IVG n’influent pas sur la décision d’interrompre ou non une grossesse et une majorité de femmes est assez sûre de son choix lors de ces consultations.
► Cinq consultations sont théoriquement nécessaires :- la demande d’IVG (1 CS) ;
- la confirmation de la demande (1 CS coté ICS) ;
- la mise en place de la procédure (2 cs coté FHV /FMV) ;
- la visite post IVG médicamenteuse (1cs coté ICS) ;
Mais une simplification est possible.
Première étape : décision d’IVG et information
► Une information complète doit être délivrée à la patiente afin qu’elle choisisse la méthode d’IVG en connaissance de cause : médicamenteuse ou chirurgicale. Un document écrit (dossier Guide Ministère) doit être téléchargé et remis à la patiente.
► Le choix de l’IVG médicamenteuse dépend de l'âge de la grossesse : avant 7 SA, l'IVG médicamenteuse est réalisable en ville. Entre 7 et 14 SA, l’IVG médicamenteuse a lieu à l’hôpital.
► Si le médecin consulté ne pratique par d’IVG lui-même, il doit adresser la patiente à un centre hospitalier qui pratique l’IVG ou à un confrère formé à cette pratique.
► La datation de la grossesse : l’interrogatoire fait préciser la date des dernières règles ; l'examen clinique pratiqué seul ne semble pas pertinent pour préciser l'âge de l'embryon.
Le dosage du taux d’HCG sérique est un moyen peu fiable de datation de la grossesse et ne doit pas être utilisé en vue d'une IVG. Son dosage est en revanche indispensable pour attester de l'efficacité de l'IVG médicamenteuse.
► Prescription d’une échographie pour vérifier le terme de la gestation et pour éliminer une GEU (voir chapitre correspondant).
► Vérifier l'absence de contre-indications médicales. Elles sont rares mais doivent être respectées (allergie aux produits, anémie profonde, troubles de la coagulation, traitement anticoagulant, porphyrie, grossesse extra-utérine confirmée ou suspectée) ainsi que les précautions d’emploi (pathologies graves, traitements corticostéroïdes).
La présence d'un dispositif intra-utérin ne contre-indique pas la méthode (retirer le DIU si les fils sont visibles).
► La proximité du centre référent : un délai de transport supérieur à 1 heure a été retenu par la Haute autorité de Santé pour ne pas recommander l’IVG médicamenteuse.
Il est recommandé de donner aux patientes une information écrite sur l’hôpital de référence le plus proche de leur domicile et où elles peuvent se rendre en cas d’urgence 24 heures sur 24. La présence d’un accompagnateur au domicile le jour de la prise du misoprostol est souhaitable.
► La proposition de consultation psycho sociale est systématique pour toutes les majeures et obligatoire pour les mineures. L’éventuel refus de cet entretien par une patiente majeure doit être consigné dans le dossier.
Deuxième étape : choix de la technique, prise de mifépristone
Idéalement, cette étape se décompose en 2 consultations. Cela permet de s’assurer de la bonne compréhension de la procédure.
► Au décours de cette consultation, le médecin demande la confirmation écrite de la patiente de sa demande d'IVG sur papier libre. Le délai de réflexion de 7 jours a disparu. La procédure maintient cependant un délai de 48 heures entre la consultation psychosociale et la confirmation de l’IVG.
► Envoi des documents au centre référent
► Prescription de la méthode médicamenteuse : délivrance possible de la mifépristone (200 mg).
► Prescription du dosage d'HCG à réaliser le jour de la prise de mifépristone et 15 jours plus tard.
► Vérification de la carte de groupe sanguin ou prescription de 2 déterminations. Si la patiente est rhésus négatif, une prescription de Rhophylac sera à envisager.
► Remise d’un document précisant les coordonnées du médecin et du centre référent à contacter en cas de problèmes et d’une fiche d’autosurveillance (signes devant amener à consulter en urgence).
► Prescription d’antalgiques.
Troisième étape : prise du misoprolol
Possibilités de confier le misoprostol en même temps que la mifépristone. Mais dans l’idéal, la patiente doit revenir en consultation 48h après la prise de mifépristone au cabinet.
► Prescription d’une contraception post-IVG.
► Prescription d’un arrêt de travail n'exédant pas 4 jours calendaires, renouvelable une fois.
► Prescription de la visite post-IVG.
Quatrième étape : la visite post-IVG
► Elle a lieu 15 à 21 jours après la prise de mifépristone
► Objectif : confirmation de l’arrêt et de l’expulsion complète de la grossesse : histoire médicale, Examen gynécologique, vérification du taux de taux de HCG qui doit avoir baissé de 80 %.
► La contraception doit être rediscutée avec la patiente.
LA CONTRACEPTION POST-IVG
L’initiation précoce de la contraception et un choix bien adapté de la méthode contraceptive à la vie de la patiente sont associés à une diminution des GNP. La prise en compte des échecs des précédentes contraceptions est indispensable.
► Les contraceptions réversibles de longue durée d’action (implant et dispositif intra-utérin) apparaissent comme une contraception à positionner en première ligne pour l’adolescente du fait de son efficacité.
► Si la femme souhaite une contraception, elle doit être initiée immédiatement après l’IVG
• L’anneau vaginal devrait être inséré dans la semaine suivant la prise de mifépristone,
• la contraception estro-progestative orale et le patch devraient être débutés le jour même ou le lendemainde la prise des prostaglandines, car la contraception estroprogestative n’influe pas sur l’efficacité abortive de la mifépristone.
• Les pilules microprogestatives devraient être débutées le jour même ou le lendemain de la prise des prostaglandines.
• L’implant peut être inséré à partir du jour de la prise de mifépristone. Cette insertion précoce n’est pas associée à une augmentation du risque d’échec de l’IVG médicamenteuse en cours.
• Un DIU peut être inséré dans les 10 jours suivant la prise de mifépristone après s’être assuré par échographie de l’absence de grossesse intra-utérine. Il n’est pas observé plus d’expulsions, d’infections, de perforations ou de saignements par comparaison à une insertion différée. Le taux de poursuite de la méthode contraceptive est similaire à 6 mois suivant le moment de l’insertion, mais plus de femmes se présentent à la visite post-IVG lorsque la pose a lieu précocement.
► Malgré l’absence de données sur d’éventuelles interférences entre les molécules utilisées lors d’une IVG et celles utilisées pour la contraception d’urgence, il est raisonnable de proposer d’utiliser une contraception d’urgence après une IVG (quel que soit le délai post-IVG) en cas de situation à risque.
LES ASPECTS LÉGAUX
LES OBLIGATIONS DU MÉDECIN
• Le médecin doit justifier d’une formation théorique et d’une pratique régulière et suffisante dans un centre pratiquant des IVG médicamenteuses.Une convention entre un praticien et
• Un établissement de planification doit être signée. Et envoyée à l’ARS, CDO Médecins.
• Cette convention d’un an est renouvelable par tacite reconduction et peut être dénoncée à tout moment par les parties.
• Le médecin effectue chaque année une synthèse qualitative de l’activité d’IVG médicamenteuse réalisé dans le cadre de la convention et l’adresse au médecin inspecteur de l’ARS.
• Le médecin doit spécifiquement signaler cette activité à son assureur (la prime n’augmente pas pour autant).
LÉGISLATION SUR LA DÉLIVRANCES DES MÉDICAMENTS ABORTIFS
• Seul un médecin ayant signé une convention avec un établissement de santé peut s’approvisionner en mifepristone et prostaglandines auprès d’une pharmacie d’officine
• L’ordonnance doit porter : Nom, adresse, numéro d’inscription à l’ordre profesionnel, le nom de l’établissement avec lequel il a passé une convention. Elle doit préciser le nombre de boites de mifepristone et de prostaglandines et porter la mention « usage professionnel ».
• Les demandes d’IVG des mineures sans consentement parental. L’adulte référent est alors une personnes de son choix, qui devra suivre la mineure durant sa démarche. Il n’y a pas d’obligation légale à vérifier l’identité du majeur, ni de demande de signature. Le référent ne se substitue pas au représentant légal.
• Anonymat de l’IVG médicamenteuse. Cet anonymat est impossible en ville en raison du codage CPAM. Une hospitalisation est nécessaire.
• Femme étrangère. La prise en charge peut relever de l’AME. L’IVG se fera plutôt en milieu hospitalier.
Bibliographie
1- Collège national des gynécologues et obstétriciens français. L’interruption volontaire de grossesse. Recommandations pour la pratique clinique. 2016
2- HAS. Interruption volontaire de grossesse par méthode médicamenteuse. Recommandation de bonne pratique. Déc. 2010.
3- Bettahar K, et al. Interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2016.09.033
4- Vigoureux S. Épidémiologie de l’interruption volontaire de grossesse en France. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2016.09.024
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