FAIRE LE BILAN DE LA PLAIE
Diagnostic étiologique
Avant tout geste sur une plaie chronique, il est primordial d'en rechercher la cause : un écho-Doppler pulsé artériel et veineux est indispensable dans tous les cas, l'atteinte vasculaire constituant non seulement une étiologie fréquente mais aussi un facteur aggravant.
Certains types d'ulcères sont particulièrement difficiles à cicatriser comme les ulcères artériels, ceux liés à la polyarthrite rhumatoide, aux syndromes myéloprolifératifs avec leurs ulcères d'aspect télangiectasique, au diabète, responsable de plaies évoluant rapidement vers une ostéite et chez qui on demandera toujours des clichés osseux.
Toute plaie particulièrement bourgeonnante doit être biopsiée à la recherche d'une origine tumorale – carcinome baso- ou spinocellulaire, mélanome ulcéré – ; il peut s'agir aussi d'une angiodermite nécrotique dans le cadre d'une hypertension artérielle ou d'embols de cristaux de cholestérol, d'une vascularite…
Approche globale du terrain
La prise en charge de la plaie ne peut se concevoir sans celle du diabète, de l'état nutritionnel, de la mise à jour des vaccinations antitétaniques.
Certains éléments sont connus pour favoriser les retards de cicatrisation avec, à côté du diabète et de la dénutrition, l'obésité, le tabagisme, l'âge, les neuropathies et certains traitements.
L'examen clinique de la plaie
Il se fait après un nettoyage des mains, avec desgants non stériles, en utilisant une règle et une canule à usage unique ou stérile. On précise la localisation, la taille, la profondeur, la mise à nu ou non de l'os ; certaines fiches standardisées facilitent la transmission entre les soignants, en reprenant tous les éléments : nécrose sèche ou humide, bourgeonnement, épidermisation, importance de l'exsudat, caractère hémorragique, odeur ainsi que les signes fonctionnels ou les éléments pronostiques comme l'état de la peau périlésionnelle, les facteurs infectieux, la mise à nu des tendons ou de l’os.
Evaluation du stade de la plaie
La cicatrisation cutanée normale passe par plusieurs phases se chevauchant dans le temps :
– la phase vasculaire et inflammatoire dure deux à quatre jours avec libération par les plaquettes de facteurs de croissance et intervention des polynucléaires et des macrophages ; c'est essentiellement à cette étape qu'intervient la détersion de la plaie ;
– la phase de réparation tissulaire est plus longue, de dix à quinze jours. Elle aboutit à la formation d'un tissu de granulation et de néovaisseaux ;
– après l'épidermisation qui assure la fermeture de la plaie, le remodelage va durer environ deux mois, période pendant laquelle la peau est plus fine, avec un tissu de collagène plus dense et néanmoins fragile.
LES PREMIERS GESTES : LAVER ET DETERGER
Tous les soins se font avec des gants qui n'ont pas besoin d'être stériles.
Les kits comprenant pansements, ciseaux, compresses sont disponibles au même prix que les éléments pris séparément et bien plus pratiques (Mediset®, Tetraset®, Disposet®, Ami Soin®).
On apprendra au patient à humidifier son pansement sous la douche afin de le retirer plus facilement, à laver la plaie à l'eau et au savon avant le passage de l'infirmière qui pourra ainsi concentrer toute son activité sur les soins spécifiques.
Le lavage de la plaie à l'eau et au savon est un préalable indispensable. Il doit être suivi d'un rinçage soigneux ; la plaie doit être préalablement humidifiée et ramollie pour enlever les zones de nécrose. La détersion à la curette, au bistouri ou aux ciseaux peut nécessiter une anesthésie locale et/ou des antalgiques par voie générale ; lorsque les berges de la plaie sont sur-élevées, on pratique des scarifications qui apportent des facteurs plaquettaires et remettent la plaie à niveau (ne pas essuyer le sang qui sourd pour garder les facteurs plaquettaires). En phase bourgeonnante, un nettoyage en douceur, voire limité au pourtour de la plaie, suffit.
AIDER LA CICATRISATION
La cicatrisation en milieu humide est privilégiée depuis 1962, avec une incidence d’infections moindre et une cicatrisation meilleure sous occlusion et en milieu humide.
Compte tenu de l'offre exponentielle de pansements, le choix du pansement le plus adapté n'est pas toujours facile. Le rapport de la Haute Autorité de santé daté d'octobre 2007 a « débroussaillé le terrain » en classant les pansements en fonction de leur composition. Cependant, tous les pansements ne sont pas référencés dans ces classes car certains sont différents et originaux et la littérature étant de médiocre qualité, « l’amélioration du service rendu » est difficile à apprécier. La Haute Autorité de santé insiste donc sur l’importance de mener des études de qualité évaluant l'efficacité des pansements avec les mêmes méthodes que celles utilisées pour les médicaments, même si les pansements sont des « dispositifs médicaux » et non des médicaments.
En pratique, le choix du pansement dépend essentiellement du stade de la plaie, de son aspect suintant ou sec, de la présence ou non d'une infection, plus que de son étiologie. Les plus anciens, les hydrocolloïdes, ont l'avantage de couvrir tout le processus de cicatrisation, de la détersion à l'épidermisation ; ils contiennent de la colle susceptible de provoquer des intolérances et sont difficiles à utiliser sur des peaux fragiles et celles de certains diabétiques.
En phase de détersion, on utilisera les alginates (plaie suintante) ou les hydrogels ; le tulle gras peut être utilisé en cas de peau sèche. Le pansement sera changé lorsqu'il est saturé et ce jusqu'à l'apparition d'un tissu de bourgeonnements. Les zones de nécrose noire et sèche seront ramollies et détergées manuellement, voire chirurgicalement.
En phase bourgeonnante, les soins doivent être faits avec douceur en respectant les berges de la plaie. La fréquence des pansements devra trouver un équilibre afin d'être le moins traumatique possible tout en évitant la macération. On prescrira des interfaces ou des hydrocellulaires, voire des alginates. Un bourgeonnement excessif pourra être traité par un corticoïde local. Au cours de ces deux phases, on peut être amené à s'orienter plutôt vers des pansements au charbon actif en cas de plaies malodorantes ou vers les alginates en cas de tendance hémorragique.
En phase d'épidermisation, les soins peuvent être faits par le patient ou son entourage. La plaie ne nécessite plus que le lavage au savon, une hydratation de la peau et sera protégée du soleil. Elle sera recouverte par des interfaces.
RESPECTER LA FLORE BACTERIENNE EN EVITANT LES SURINFECTIONS
Il faut distinguer contamination (présence de bactéries qui ne se multiplient pas et ne modifient donc pas la cicatrisation), colonisation (les bactéries se multiplient sans réaction de l'hôte et sans dommage tissulaire) et infection avec réaction de l'hôte locale ou générale.
Une plaie chronique est toujours colonisée, mais la question de la charge bactérienne est en fait assez subtile puisqu'un faible taux de bactéries accélère la cicatrisation, tandis qu'en nombre élevé elles provoquent une inflammation excessive qui freine la cicatrisation en provoquant une rupture de la balance protéases/antiprotéases : une réaction inflammatoire importante augmente la sécrétion de protéases pour favoriser la détersion mais altère parallèlement les facteurs de croissance tissulaires indispensables à la cicatrisation.
Cette notion est à l'origine des nouveaux pansements qui modifient cette balance au sein du lit de la plaie.
Le diagnostic d'une surinfection est clinique : retard de cicatrisation, rougeur, suintement, saignement ou au contraire plaie atone et décolorée, modifications de couleur, odeur caractéristique du pyocyanique à distinguer de l'odeur inhérente à certains pansements, hypodermite, érysipèle.
Le prélèvement n’a d'intérêt que pour rechercher un streptocoque souvent pathogène ou un bacille multirésistant (souvent un staphylocoque) généralement contracté en milieu hospitalier mais qui accompagne le malade à son domicile. On n'omettra pas de palper la zone malade à la recherche d’une crépitation neigeuse, en particulier chez les diabétiques.
Les antiseptiques sont déconseillés car souvent caustiques mais ils se révèlent parfois utiles, par exemple chez les diabétiques, pour réduire la charge bactérienne, à condition de ne pas utiliser de solutions alcooliques et uniquement pour de courtes durées ; les antibiotiques locaux sont contre-indiqués car ils génèrent des résistances. L'antibiothérapie générale peut parfois être justifiée par une infection patente. Le nettoyage mécanique excisera les tissus nécrosés et infectés.
Étude et pratique
HTA : quelle PA cible chez les patients à haut risque cardiovasculaire ?
Mise au point
Troubles psychiatriques : quand évoquer une maladie neurodégénérative ?
Étude et pratique
Complications de FA, l’insuffisance cardiaque plus fréquente que l’AVC
Cas clinique
L’ictus amnésique idiopathique