Li L, Geragthy C, Metha Z, Rothwell PM, on behalf of the Oxford Vascular Study. Age-specific risks, severity, time course, and outcome of bleeding on long-term antiplatelet treatment after vascular events: a population-based cohort study
Lancet http://dx.doi.org/10.1016/S0140-6736(17)30770-5
CONTEXTE
Chez les patients ayant souffert d’un évènement CV ischémique, les recommandations préconisent la prise d’aspirine à vie (1). Elles sont basées sur des essais ayant majoritairement inclus des patients âgés de moins de 75 ans. L’aspirine augmente le risque d’hémorragie digestive, en particulier chez les sujets âgés (2), même si ce risque est partiellement prévenu par les IPP qui sont utilisés dans 30% des cas dans cette situation.
OBJECTIFS
Evaluer le risque, la sévérité, la nature des saignements et leurs conséquences cliniques corrélés aux antithrombotiques, et particulièrement à l’aspirine, chez des patients de prévention secondaire traités au long cours.
METHODE
tude prospective d’une cohorte de patients consécutifs ayant souffert d’un premier évènement CV ischémique (AIT ou AVC ou infarctus du myocarde) et traités au long cours par un antithrombotique (principalement l’aspirine) avec ou sans traitement préventif des saignements digestifs par IPP. Les critères de jugement étaient le lieu anatomique de l’hémorragie, la sévérité classée en significative non grave, sévère, menaçant la vie et fatale et ses conséquences (décès ou handicap prolongé) au cours du temps. L’analyse statistique a été stratifiée sur l’âge
(< ou ≥ 75 ans). Une régression de Cox a été utilisée pour prédire l’ensemble des hémorragies sévères et celles de l’appareil digestif. Enfin, les résultats des patients < 75 ans ont été indirectement comparés à ceux observés dans les essais randomisés des antithrombotiques.
RESULTATS
3 166 patients (dont 50% ≥ 75 ans) ont été inclus et suivis en face à face entre 2002 et 2012. Au cours du suivi, il y a eu 405 événements hémorragiques (218 digestifs, 45 intracrâniens et 142 autres). Il n’y avait pas de corrélation entre les hémorragies significatives non graves et l’âge. En revanche, pour tous les types d’hémorragies sévères, le risque relatif (RR) pour les patients ≥ 75 vs < 75 ans était de 3,10 ; IC95% = 2,27-4,24, et celui d’hémorragie fatale était de 5,53 ; IC95% = 2,65-11,54. Pour les hémorragies digestives le RR d’hémorragie fatale ou avec handicap prolongé était de 10,26 ; IC95% = 4,37-24,13. Pour les hémorragies intracérébrales fatales, le sur-risque absolu était de 9,15 ; IC95% = 6,67-12,24 pour 1 000 patients/année. Le nombre de patients à traiter avec un IPP pendant 5 ans pour éviter une hémorragie digestive fatale ou avec handicap prolongé était de 338 avant 65 ans et de 25 pour les patients ≥ 85 ans. Enfin, le risque d’hémorragie sévère des patients < 75 ans dans cette cohorte était similaire à celui observé dans les essais randomisés.
COMMENTAIRES
Même si une étude de cohorte (y compris prospective) n’a pas le niveau de preuve d’un essai randomisé, les risques relatifs d’hémorragie fatale ou avec handicap prolongé observés dans ce travail sont tellement importants qu’il y a de fortes chances que les antithrombotiques - en particulier l’aspirine chez les ≥ 75 ans - soient plus délétères que bénéfiques. Par exemple, les antithrombotiques réduisent le risque de récidive d’AVC d’environ 20% dans les essais randomisés (2), mais le risque d’hémorragie sévère est multiplié par 3 dans cette étude en vraie vie, majoritairement conduite en médecine générale.Comme toutes les cohortes, cette étude a des limites. Par exemple, elle n’a pas tenu compte de l’éventuelle consommation d’AINS en automédication, les hémorragies banales n’ont pas été décomptées, il n’y a pas vraiment de définition validée et reconnue de la sévérité des saignements (4), même si les auteurs en ont choisi une. Enfin, le calcul sur l’effet préventif des IPP sur les hémorragies digestives n'a pas tenu compte de l’âge et de la durée de traitement. Au total, cette étude de cohorte relativise le dogme de l’aspirine à vie après un événement CV ischémique chez les patients ≥ 75 ans.
En pratique, la décision de commencer ou poursuivre un traitement par aspirine chez ces patients en prévention secondaire doit, comme toujours, tenir compte de la balance bénéfice/risque de la prescription. Si le bénéfice de l’aspirine pour prévenir les récidives est bien documenté, le risque à 10 ans d’hémorragie digestive à cet âge est de 2,5%. L’association à un IPP le réduirait de 70 à 90% (5).
Bibliographie
1- Kernan WN, Ovbiagele B, Black HR, et al. Guidelines for the prevention of stroke in patients with stroke and transient ischemic attack: a guideline for healthcare professionals from the American Heart Association/American Stroke Association. Stroke 2014;45:2160-236.
2- Baigent C, Blackwell L, Collins R, et al. Aspirin in the primary and secondary prevention of vascular disease: collaborative meta-analysis of individual participant data from randomized trials. Lancet 2009;373:1849-60.
3- Ducrocq G, Wallace JS, Baron G, et al. Risk score to predict serious bleeding in stable outpatients with or at risk of atherothrombosis. Eur Heart J 2010;31:1257-65.
4- Steinhubl SR, Kastrati A, Berger PB. Variation in the definitions of bleeding in clinical trials of patients with acute coronary syndromes and undergoing percutaneous coronary interventions and its impact on the apparent safety of antithrombotic drugs. Am Heart J 2007;154:3-11.
5- Mo C, Sun G, Lu ML, et al. Proton pump inhibitors in prevention of low-dose aspirin-associated upper gastrointestinal injuries. World J Gastroenterol 2015;21:5382-92.
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