Génétique : testing des gènes BRCA, qu'importe le contexte familial ?

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Publié le 13/03/2021
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Crédit photo : SPL/PHANIE

Publiées récemment, les nouvelles recommandations de la Société française de médecine prédictive et personnalisée sur le testing des gènes BRCA étoffent la liste des situations justifiant la recherche de mutation, au-delà du seul contexte familial. Avec de nouvelles indications préventives mais aussi thérapeutiques.

La recherche de mutations de gènes BRCA — associées à de nombreux cancers — doit désormais être réalisée non seulement en prévention (dans un contexte familial ou non) mais aussi après un diagnostic de cancer du sein, de l’ovaire, du pancréas ou encore de la prostate pour orienter le traitement. Telles sont les recommandations européennes de testing parues le mois dernier dans l’European Journal of Cancer et élaborées par la Société française de médecine prédictive et personnalisée (SFMPP).

En France, « la dernière publication à ce sujet datait de plus de 10 ans », déplore le Pr Pascal Pujol, président de la SFMPP et premier auteur des nouvelles recommandations. Et si « plusieurs recommandations sur les tests BRCA étaient disponibles jusqu’alors dans le monde, aucune n’existait au niveau européen », rappelle la SFMPP. Face à ce manque d’harmonisation et compte tenu des avancées récentes, la société savante a élaboré, sur la base d’une revue exhaustive de la littérature, des guidelines qui puissent servir de référence en Europe.

La nouvelle feuille de route intègre pour la première fois des indications thérapeutiques, certains traitements récents comme les inhibiteurs de PARP s’étant montrés efficaces dans les cancers de l’ovaire, du sein, de la prostate et du pancréas en cas de mutation BRCA. En outre, la connaissance du statut BRCA peut aussi orienter le traitement conventionnel. Dans le cancer du sein nouvellement diagnostiqué et le cancer du sein métastatique, le statut BRCA muté peut par exemple conduire à une révision d’une indication chirurgicale ou de radiothérapie, ou encore à modifier un éventuel schéma de chimiothérapie, rappellent les recommandations.

Ainsi le testing peut-il désormais être proposé en cas d’intérêt thérapeutique, et ce, indépendamment de toute histoire familiale de cancer. « On a en effet appris que près d’une femme sur deux souffrant d’un cancer du sein et portant une mutation BRCA ne présente aucun critère familial de testing », plaide le Pr Pujol.

Des préconisations basées sur une probabilité chiffrée de mutation

De même, les préconisations de testing à visée préventive évoluent dans le sens d’une plus grande prise en compte de facteurs de risque individuels. En fait, ces recommandations reposent pour la première fois sur la probabilité chiffrée qu’un patient présente une mutation BRCA en fonction de sa situation personnelle, au-delà du seul risque familial, explique l’oncogénéticien.

L’analyse de la littérature a permis aux auteurs de distinguer trois groupes de patients. Le premier correspond aux patients présentant une indication préventive de testing de grade A, soit ceux ayant une probabilité de mutation BRCA dépassant 7,5 % : femmes ayant déclaré un cancer du sein à moins de 40 ans, femmes souffrant d’un cancer de l’ovaire, d’un cancer triple négatif avant 60 ans ou celles rapportant une histoire familiale avec au moins trois cancers du sein, et les hommes souffrant de cancer du sein. Le second groupe réunit des sujets présentant une indication au testing de grade B, leur probabilité de porter un gène BRCA muté tombant à 5 à 7,5 %. Enfin, le troisième groupe rassemble les individus présentant une probabilité de présenter une mutation BRCA inférieure à 2,5 %, pour lesquels le testing n’est pas recommandé, bien que les auteurs ne l’excluent pas définitivement.

« La question posée par les patientes qui souhaitent réaliser un test alors qu’elles n’appartiennent pas aux groupes à risque élevé soulève (encore) des questions éthiques », explique la SFMPP. « Est-il légitime de refuser l’accès à un test face à une probabilité de présenter une mutation BRCA certes plus faible que ce qu’on retient mais pas nulle, alors que nous savons aujourd’hui qu’une fois sur deux, une personne porteuse de la mutation ne relève pas des indications retenues ? », s’interroge le Pr Pujol, qui appelle à réaliser des études médico-économiques.

Quoi qu’il en soit, ces nouvelles recommandations devraient conduire à la réalisation de 30 000 tests supplémentaires par an pour raisons thérapeutiques, estime Pascal Pujol. « Le risque est toutefois que les généticiens se retrouvent débordés par cette déferlante », juge-t-il. Dans ce cas, prévoit l’oncogénéticien, la prescription pourrait se voir ouverte à d’autres spécialistes, voire aux généralistes, sous couvert de formations spécifiques ou de certification.


Source : lequotidiendumedecin.fr