Mme D, 82 ans, hypertendue traitée par une association diurétique thiazidique + IEC, présente une diarrhée depuis 36 heures, à début brutal, associée à des douleurs abdominales et une hyperthermie à 38,2 °C. La veille, elle a vomi à 4 reprises. Ce jour, elle se plaint de quelques nausées, sans vomissements, d'une anorexie et d’une asthénie. L'abdomen est souple. La PA est à 115/80 mmHg (140/85 mmHg lors du dernier renouvellement), le pouls est à 100/min. On note la présence d'une oligurie. Son mari, âgé de 85 ans, a présenté les mêmes symptômes la semaine précédente.
QUE RECHERCHER À LA CLINIQUE ?
› En dépit du contexte épidémique viral, l'interrogatoire doit rechercher la prise récente d'antibiotiques (possible infection à Clostridium difficile avec risque de colite pseudo-membraneuse) ainsi que la prise d'aliments potentiellement suspects (1). La probabilité d'une toxi-infection alimentaire est ici peu probable en raison du délai ayant séparé les deux épisodes gastro-entéritiques de la famille. Les caractéristiques de la diarrhée doivent aussi être précisées. Ici, la patiente présente plutôt un syndrome d'allure cholériforme. Le diagnostic le plus probable est celui de gastro-entérite aiguë virale.
› Rechercher des signes de gravité : déshydratation sévère (collapsus, marbrures cutanées, troubles de la conscience), syndrome pseudo-occlusif, sepsis sévère, qui nécessitent une hospitalisation. « Chez le sujet âgé, les signes de déshydratation sont peu évidents et le tableau clinique trompeur, souligne le Pr Jouanny. La recherche du pli cutané est peu informative et la sensation de soif volontiers absente. Dans ce contexte, les signes les plus contributifs sont la baisse de la PA, la tachycardie, l'oligurie et la sécheresse des muqueuses. » La perte de poids soudaine consécutive à la déshydratation doit aussi être évaluée. Le tableau clinique de Mme D – abaissement de la PA et tachycardie avec maintien d'un état hémodynamique satisfaisant, oligurie, bouche sèche – oriente vers un tableau de déshydratation modérée.
FAUT-IL EXPLORER ?
› Non, la coproculture n'est indiquée d'emblée qu'en présence de signes de gravité ou de syndrome dysentérique, ainsi qu'en cas de toxi-infection alimentaire collective, d'immunodépression et de voyage récent en zone tropicale (1).
› Un bilan électrolytique et acidobasique, une évaluation de la fonction rénale pourrait se justifier. Mme D ne présentant aucun critère de gravité, aucun examen sanguin n'est nécessaire à ce stade.
QUEL TRAITEMENT PROPOSER ?
› En l'absence de signes de gravité, la prise en charge d'une diarrhée infectieuse d'origine virale est la réhydratation, afin de compenser les pertes hydroélectrolytiques. La réhydratation est débutée per os grâce à l'absorption abondante de boissons, en fractionnant éventuellement les prises si les nausées persistent. Les bouillons permettent d'apporter du sodium, mais il faut proposer également des boissons sucrées, l'absorption de glucose au niveau des entérocytes facilitant celle de l'eau et du sodium. « Il faut insister sur la nécessité de la réhydratation. Trop de personnes âgées pensent encore que la prise de boissons risque d'accentuer la diarrhée. »
› S'agissant du régime alimentaire, « une courte diète de 24-36 heures peut être recommandée, sauf en cas de dénutrition préalable. Il est préférable d'éviter le lait, qui a tendance à majorer la diarrhée. En pratique, on conseille aux patients de ne manger que s'ils ont faim. » La consommation de carottes et de riz, volontiers préconisée permet d'épaissir les selles.
› Le traitement médicamenteux symptomatique peut comporter un régulateur du transit intestinal (lopéramide) sauf en cas de syndrome dysentérique ou de suspicion de diarrhée infectieuse invasive (risque d'iléus avec dilatation colique et risque de perforation, stase avec risque de pullulation microbienne). Les antisécrétoires (racécadotril) permettent de diminuer l'hypersécrétion intestinale d'eau et d'électrolytes et la diosmectite renforce la barrière muqueuse intestinale. « Un anti-émétique peut être nécessaire en cas de vomissements prolongés . » Les antibactériens intestinaux ne sont plus utilisés en première intention.
› Par ailleurs, « il est prudent de suspendre durant 48 h le traitement anti-hypertenseur de Mme D, en raison de la baisse tensionnelle, du risque de troubles ioniques liés aux effets conjugués des diurétiques thiazidiques et des IEC sur ce terrain déshydraté, et du risque de nécrose tubulaire rénale (par baisse de débit rénal sous IEC). » Son HTA étant habituellement bien contrôlée par sa bithérapie, il est peu probable que l'arrêt concomitant du diurétique et de l'IEC induise une poussée hypertensive sévère. Si l'on ne souhaite pas suspendre la totalité du traitement antihypertenseur, il faut au moins arrêter le diurétique. En revanche, la patiente doit être revue après 48 heures, afin de juger de l'efficacité du traitement symptomatique, du contrôle de sa PA et son état d'hydratation. Cette surveillance à J+2 s’impose aussi car « il n'est pas rare chez une personne âgée fragile que la survenue d'un épisode initialement bénin déclenche une cascade d'événements conduisant à une décompensation. »
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