Manque de lits, sous-effectif chronique voire pénurie d'urgentistes, fonctionnement en mode dégradé, épuisement des équipes qui restent… En raison de la situation critique au sein des hôpitaux publics du Vaucluse, les chefs de pôle de six services d’urgence (Avignon, Orange, Valréas, Vaison-la-Romaine, Apt et Carpentras) ont démissionné ce lundi de leurs fonctions administratives. Une décision symbolique mais très forte, nouvelle expression de la colère et de la lassitude dans le contexte actuel de tensions sur les ressources humaines aux urgences dans tout le pays.
Malgré les mises en garde de la communauté médicale, les tutelles sont « restées sourdes et ont poursuivi la mise à l’os humaine et financière de nos établissements », écrivent les démissionnaires dans un courrier adressé notamment à l’agence régionale de santé (ARS) PACA.
À cela s'est ajouté un autre signal de gravité de la situation, à savoir un préavis de « grève illimitée » déposé chez les urgentistes du département, par la CFDT Santé Sociaux, à compter de mardi. En cause toujours, la pénurie d’urgentistes qui augmente la charge de travail de ceux qui restent, alors que l'activité estivale reste forte dans ce département.
Immobilisme
Des années de « politique budgétaire jusqu’au-boutiste ont conduit l’hôpital public à un désastre sanitaire », accusent les chefs de pôle qui dénoncent l'« immobilisme effarant des administrations nationales, responsable de l’effondrement actuel du système de notre santé ».
Quant aux 41 recommandations de la mission Braun, reprises par le gouvernement et déclinées en ce moment, elles seraient « à l’image d’une institution dont l’inertie n’est en rien compatible avec l’urgence de la situation et le drame annoncé vers lequel nous nous dirigeons », fustigent les démissionnaires. Selon eux en effet, à cause du manque de personnel soignant, il n’est tout simplement plus possible de faire fonctionner leurs services « sans compromettre la sécurité des patients, la qualité des soins et la santé des équipes ».
Contacté par « Le Quotidien », le Dr Ludovic Sauvage, responsable de l'unité des urgences adultes de l’hôpital d’Avignon, explique que les médecins démissionnaires « ne participeront plus aux réunions et à la gestion des plannings, qu’ils ne répondront plus aux différentes demandes de l’ARS, sur l’écriture de protocoles par exemple ». S’il n’est pas lui-même démissionnaire, il est solidaire du mouvement, fatigué de « manquer de lits, d’avoir des plannings vides, de ne pas trouver de solutions ».
L'intérim ne suffit plus
Dans les services d'urgences du Vaucluse, « on tournera en août avec 40 % à 60 % d’effectifs médicaux », précise l’urgentiste qui souligne que le planning d’août affiche « 27 plages de 12 heures vacantes ». L’activité, elle, ne cesse d’augmenter : 220 passages sur 24 heures, contre environ 170 en 2020.
Jusqu’à présent, l’hôpital d’Avignon faisait appel à l’intérim médical pour compenser le manque de médecins. Mais, à l’approche de l’été, la situation serait devenue « ingérable », explique encore le Dr Sauvage. Les praticiens intérimaires n’auraient plus envie de rejoindre « un gros service en suractivité, ils préfèrent travailler dans les services où c’est plus "tranquille" », croit savoir le médecin. D’autre part, un grand nombre de médecins généralistes libéraux et d’intérimaires partent eux-mêmes en congés durant la période estivale, si bien que le point de rupture risque d'être atteint.
Filtrage renforcé à l'entrée
Jusqu’à présent, les services d’urgence du secteur restaient ouverts tout au long de l’été. Mais cette année, les CH de Cavaillon, Apt ou Carpentras ont déjà fermé leurs urgences la nuit ou le week-end. C'est aussi le cas à Arles ou Manosque, un peu plus loin. Ces fermetures temporaires « se répercutent sur les autres services d’urgences du Vaucluse », observe le Dr Sauvage qui précise que son service est contraint de « filtrer au maximum les entrées ».
Quand on lui parle des mesures gouvernementales pour tenir le choc cet été, le médecin demeure sceptique. La régulation médicale du Samu/SAS ? En raison du manque de personnel, « un seul PH fait de la régulation, et non deux ». Quant aux généralistes qui viennent « aider à la régulation », ils disent aux patients « d’aller aux urgences quand il n’y a pas solutions en ville »...
Si rien n'est fait pour recruter et restaurer l'attractivité des carrières médicales, redoute-t-il, « la crise des urgences va, à terme, toucher tous les étages des services hospitaliers car la pénibilité du travail augmente ». La médecine de ville ne sera pas épargnée. C’est « tout le système de santé qui est en train de s’écrouler ».
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