Pénurie de blouses blanches, dégradation des conditions de travail, multiplication des départs, risque médico-légal, baisse de la qualité et de la sécurité des soins… La « spirale infernale » décrite par nombre d'hospitaliers – notamment aux urgences ou en pédiatrie ces dernières semaines – frappe aussi les maternités, alerte le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF).
Présidente de cette société savante, la Dr Joëlle Belaisch-Allart s'inquiète ouvertement du « manque d’attractivité du travail en salle de naissance ». Dans un contexte de sous-effectif chronique, la pénibilité du métier conduit de nombreux spécialistes à opter pour « une autre voie », explique-t-elle. Nombre de ses confrères gynécologues-obstétriciens se tournent vers la carcinologie, la gynécologie chirurgicale ou encore l'assistance médicale à la procréation (AMP). Autre phénomène, des sages-femmes hospitalières expriment le besoin croissant de s’installer en libéral. Le manque d'attractivité (pénibilité, sécurité) est plus prégnant dans les maternités avec peu d'activité.
Preuve du malaise croissant, une alerte similaire sur la pénurie médicale vient d'être relayée par le Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France (Syngof), le Syndicat national des pédiatres des établissements hospitaliers (SNPEH) et le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi aux autres spécialités (Snphare). Selon eux, les salles de naissance seraient même devenues de véritables « déserts médicaux ».
Tensions RH marquées dans les petites maternités
Pour y voir plus clair dans ce panorama, la commission démographie du CNGOF a dévoilé les résultats d'un rapport sur la continuité des soins en gynécologie-obstétrique. Remis à François Braun, il documente les « tensions démographiques » – effectifs médicaux insuffisants, nombre de gardes trop élevé, recours régulier à l’intérim – qui se révèlent d'autant plus fortes dans les petites structures. Ainsi, les tensions sur les ressources humaines toucheraient respectivement « 91 % » des maternités de moins de 1 000 accouchements, 48 % de celles de 1 000 à 2 000 naissances, contre seulement 8 % des structures assurant plus de 2 000 naissances. « Ces chiffres confirment une situation d’une particulière gravité », analyse le CNGOF.
Directement liées à la taille et au type des structures – 79 % des maternités de type 1 sont en tension –, ces difficultés coïncident avec l’évolution des modalités d’exercice et notamment la surspécialisation. Déjà, près de 90 % des internes ne veulent travailler que dans les maternités de type 2 ou 3 et non pas celles de type 1, qui n’offrent pas le même niveau de sécurité, constate le Pr Olivier Morel, président de la commission démographie. « Si un accouchement ne se passe pas bien, s’il y a un décès périnatal ou maternel, nous sommes les responsables », explique le chef du pôle gynéco-obstétrique du CHU de Nancy. C’est aussi en raison du risque médico-légal, de l'instabilité des équipes, de la charge de travail et du nombre de gardes chaque mois que cette spécialité présente « un des taux les plus élevés de burn-out » parmi les professions médicales, analyse le CNGOF.
La permanence des soins en question
Les aspirations des jeunes gynécologues-obstétriciens entraînent de nouvelles problématiques d’organisation et de continuité des soins. Selon la commission démographie, la majorité d’entre eux (d'une moyenne d’âge de 45 ans) s'oriente vers une activité à temps partiel. Et seulement 50 % des internes formés dans cette spécialité souhaitent poursuivre une activité de garde quelques années plus tard (tandis que seuls 37 % participent aux astreintes). La contrainte de permanence des soins (notamment le week-end) est souvent jugée incompatible avec une vie de famille (20 % des jeunes sondés), tandis que la rémunération des gardes (250 euros) n'est pas attractive. « Vous connaissez des professionnels qui accepteraient de travailler la nuit à ce prix-là ? », interroge le Pr Morel, qui cite le tarif de 17 euros brut/heure.
Dans ce contexte, la répartition territoriale est déjà « très inégale » et ne correspond pas forcément aux besoins de la population. La nouvelle génération plébiscite les structures « à proximité de grosses universités », la région Rhône-Alpes, le sud de la France ou les bords de mer, observe le praticien nancéen.
Révision du décret périnatalité
Écartant toute forme de coercition, la société savante avance d'autres propositions comme de nouvelles modalités de financement de la PDS (publique et privée), la concentration des sites nécessitant une activité de garde (naissances et urgences gynécologiques), mais avec une réflexion adaptée à chaque territoire, et surtout la construction d'équipes territoriales attractives. Secrétaire général du CNGOF, le Pr Cyril Huissoud prône de son côté une planification de l’offre de soins pour assurer « une visibilité à 10 ou 20 ans de la périnatalité ».
Pour les spécialistes du secteur, la révision des décrets périnatalité de 1998 est une nécessité. Ce cadre a certes permis le développement de « super-maternités » mais, là encore, les ressources humaines ne sont pas à la hauteur. Le CNGOF défend notamment de nouvelles normes réglementaires pour renforcer l'attractivité et mieux dimensionner les équipes. Parmi les objectifs, garantir « un maximum de cinq gardes par mois », « un minimum de sept praticiens », une durée maximale de travail hebdomadaire de 48 heures… Les syndicats de PH concernés (Syngof, SNPEH, Snphare) réclament des « ratios de professionnels de santé médicaux » (sages-femmes, obstétriciens, anesthésistes-réanimateurs, pédiatres) adaptés aux besoins dans les salles de naissance.
Enfin, il serait nécessaire de former davantage d’internes pour atteindre la cible de « 260 par an », en adaptant leur répartition aux capacités de formation. Pour la Dr Joëlle Belaisch-Allart, « l’héroïsme a ses limites dans le temps ».
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