La recertification périodique marque des points

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Publié le 15/01/2018
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Rappelez-vous ! En février 2016, la recertification des médecins était évoquée dans la feuille de route de la Grande conférence de santé du Premier ministre Manuel Valls. Ce chantier délicat a été relancé par Agnès Buzyn au dernier congrès de l’Ordre. La ministre de la Santé a chargé le Pr Serge Uzan, doyen honoraire de la faculté de médecine Pierre et Marie Curie, de proposer « l’architecture » du dispositif, la méthodologie et un calendrier de travail. Son rapport est attendu en septembre 2018.

De quoi parle-t-on ?

Compte tenu de l'évolution rapide des connaissances médicales et des techniques, le diplôme universitaire, seul à faire état de la compétence du médecin à travailler dans sa spécialité, n'est plus suffisant. Et aucune sanction ne pénalise le manquement à l'obligation déontologique de DPC. La garantie au long cours de la qualité et de la sécurité des soins justifie un dispositif de recertification périodique des compétences.

Mais qui dit recertification dit certification préalable. « La réforme du troisième cycle des études médicales introduit un début de certification mais toutes les facultés ne l'ont pas mis en place. Doit-on parler de re-certification ou simplement d'évaluation des compétences ? Il faut se mettre d'accord sur la terminologie », cadre le Pr Pierre-Louis Druais, président du Collège de la médecine générale.

Quelles différences avec le DPC  ?

L'objectif du développement professionnel continu (DPC) est d'améliorer la qualité et la sécurité des soins tout au long de l'exercice en associant formation continue et analyse des pratiques professionnelles. Le médecin doit définir son plan de DPC et s'en justifier tous les trois ans. Mais insuffisamment financé, avec des règles du jeu qui n'ont cessé d'évoluer, le DPC ne permet pas de remplir ses objectifs. « Il est déconnecté du parcours professionnel du médecin et ne permet aucune évolution de carrière », ajoute l'Ordre dans le livre Blanc.

Qui sera concerné ?

À terme, tous les médecins exerçant en France. Mais dans sa lettre de mission, le Pr Serge Uzan doit préciser les publics concernés pour la mise en place, « en fonction le cas échéant de leurs modes d’exercice ou encore de leurs spécialités ». L'Ordre reconnaît que le processus doit être mis en place de façon progressive. « Il doit d'abord concerner les médecins déjà certifiés dans le cadre de la réforme du troisième cycle. Puis nous pourrons l'étendre progressivement (...). Il ne s'agit pas de commencer par les plus âgés », précise le Dr Patrick Bouet, président du CNOM.

Quelles compétences évaluer ?

Compétences intellectuelles ou pratiques, communication, travail en équipe, prévention, coordination… « C'est à chaque discipline de préciser les compétences à acquérir pour exercer la spécialité », indique le Pr Druais. C'est aux conseils nationaux professionnels (CNP) de fixer les objectifs, les outils et les indicateurs (volume de l'activité, répartition de l'activité, participation à des congrès, staffs, satisfaction des patients, taux de sinistralité…) pour valider la démarche. « L'objectif de l'évaluation est de savoir comment le médecin a atteint l'objectif de soins de bonne qualité », déclare le Pr Druais. 

Quelle méthode ?

Autoévaluation, évaluation par les pairs, les deux ? Tout reste ouvert mais il faudra sans doute utiliser un faisceau de preuves. Pour le Pr Druais, le médecin peut avoir « une capacité d'autoévaluation en se basant sur les résultats puis demander un audit de pratiques ou un bilan de compétences à ses pairs ».

L'objectif n'est pas de créer « une nouvelle usine à gaz », a promis Agnès Buzyn. En France, l'accréditation pour les praticiens exerçant une spécialité ou une activité à risques en établissement peut être un modèle à suivre. « En général, le médecin analyse ses pratiques et déclare les événements qu'il juge indésirables. L'expert qui est l'organisme agréé analyse la déclaration du médecin et lui donne des conseils d'amélioration », explique le Dr Bertrand de Rochambeau, coprésident du BLOC.  

Que faire en cas de non recertification ?

L'Ordre propose que la non-certification entraîne une proposition de remise à niveau immédiate. Les syndicats ne veulent pas d'une recertification individuelle sanctionnante. La loi donne déjà le pouvoir à l'Ordre d'engager la procédure d'insuffisance professionnelle (jusqu'à la suspension définitive d'exercice) si le médecin présente un danger pour le malade. En 2017, les conseils régionaux de l'Ordre ont procédé à 9 suspensions totales et 4 partielles d'exercice. La Cour des comptes est plus radicale. Dans son rapport, elle préconise le déconventionnement des médecins non recertifiés.

Honoraires, carrière, assurances…: quels bénéfices ?

L’engagement dans cette démarche qualité aura des effets sur le parcours individuel professionnel. C’est du moins la philosophie de l’Ordre. « Nous demandons clairement aux partenaires conventionnels de se mettre autour de la table pour discuter des avantages, conventionnels ou statutaires, que l’on pourrait procurer aux médecins qui ont recertifié ses compétences », explique le patron de l'institution ordinale.

La recertification pourrait être prise en compte, comme un bonus par les assureurs. Nicolas Gombault, directeur général du Sou Médical (MACSF), reconnaît s'intéresser de près aux critères retenus pour la recertification. « Nous aurons une appréciation du risque personnel mais nous ne pourrons pas ignorer les conclusions de la recertification pour adapter les offres. »

Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin: 9631