Les salariés des cliniques et Ehpad privés devront s’armer de patience. Et ce, même s’ils attendent depuis près de deux ans les revalorisations prévues par l’avenant 33, un accord signé en juin 2023 relatif à la rémunération des emplois dans les établissements de santé et médico-sociaux privés. Lassée que l’ensemble du secteur privé lucratif se mette dans les clous, la CFDT a assigné près de 300 cliniques et Ehpad afin d’appliquer cet accord salarial. Une première audience s’est tenue ce mardi 27 mai au tribunal judiciaire de Paris : elle signe le coup d’envoi d’une procédure qui pourrait durer 12 à 15 mois, alors que les augmentations de salaires prévues par l’avenant 33 auraient dû s’appliquer depuis le 1er janvier 2024.
Coïncidence ou pas, la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) a appelé, ce même jour, les partenaires sociaux à ouvrir de nouvelles négociations en vue d’aboutir à un accord de classifications et de rémunérations, « dans l’esprit de l’avenant 33 et tenant compte des enveloppes d’accompagnement financier annoncées par le gouvernement ». Et pour cause : si le privé lucratif rechigne autant à appliquer les revalorisations prévues par l’accord salarial signé en 2023, c’est parce qu’il n’a pas obtenu les financements publics espérés. Alors que la FHP exigeait 140 millions d’euros par an pour mettre en œuvre l’avenant, le secteur sanitaire privé n’a obtenu que 80 millions d’euros. C’est donc dans le cadre de cette enveloppe plus resserrée que la fédération représentant les cliniques privées lucratives souhaite négocier un nouvel accord.
Mais la proposition est loin d’être bien accueillie par la CFDT : « On a négocié en 2023, a rappelé la secrétaire nationale de la CFDT Santé-Sociaux, Ève Rescanières, à l'occasion de la manifestation devant le tribunal. Je n'ai pas mandat pour revenir en arrière [sur l'application de l'accord depuis cette date, NDLR] ni pour appliquer autre chose. C'est une question de dignité et de reconnaissance pour nous, de respect du dialogue social et de la parole engagée. »
Pour rappel, dans l'accord de 2023, l'avenant 33 à la convention collective de la branche doit notamment supprimer les derniers échelons en dessous du Smic et revaloriser des rémunérations qui sont en général plus basses dans les cliniques privées qu'à l'hôpital public. Cet accord ne concerne que les salariés des cliniques (et Ehpad), et 10 % des médecins seulement, la grande majorité exerçant en libéral.
Selon Ève Rescanières, l’accord prévoit ainsi qu'une infirmière débutante soit embauchée à un salaire brut annuel de 30 000 euros, alors que pour l'instant, l'accord de branche en vigueur ne prévoit qu'une rémunération équivalente au Smic (21 600 euros brut). Les estimations sur le nombre de salariés concernés varient entre 250 000 et 295 000 d’après, respectivement, les chiffres avancés par la FHP et la CFDT.
Les partenaires sociaux dans le flou
En proposant de renégocier l’avenant 33, la FHP espère ainsi annuler la rétroactivité au 1er janvier 2024, date à laquelle les mesures prévues par l’accord signé en juin 2023 auraient dû s’appliquer. « S'il n'y a pas de rétroactivité, qu'est-ce qu'on fait de l'argent qui a été alloué au titre de la campagne 2024 ? Parce qu'il y a quand même un certain nombre de millions qui ont été alloués (…). Il faudra bien que les entreprises, que les employeurs, viennent justifier de ce qu'ils ont reçu au titre de 2024. Est-ce que c'est sur un compte d'attente ? Est-ce qu'ils l'ont dédié à d'autres dépenses ? », s’interroge Me Emmanuel Stene, l’avocat de la CFDT.
Une autre procédure lancée par la CFDT est en cours devant le Conseil d'État pour obtenir l'extension de l'accord par le gouvernement. Une telle extension garantirait l'application à l'ensemble des établissements du secteur, et non pas seulement ceux qui adhèrent aux organisations patronales signataires.
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