LE QUOTIDIEN : Le décès de Naomi Musenga en décembre 2017 interroge sur la qualité du travail de l'assistante de régulation médicale (ARM) qui a pris son appel, suspendue la semaine dernière. Quel est votre sentiment ?
Dr FRANÇOIS BRAUN : Il s'agit d'un événement absolument terrible. On ne peut qu’être glacé à l'écoute de l'enregistrement de la conversation entre Naomi Musenga et l'opératrice du SAMU, quelques heures avant son décès à l'hôpital. Ce drame révèle une série de dysfonctionnements à plusieurs niveaux – pompiers, SAMU et établissement. Il pose la question du pourquoi et surtout du comment. Nous attendons des réponses concrètes de la part des inspecteurs de l'IGAS, chargée par la ministre de la Santé d'une enquête administrative.
Après la diffusion de l'enregistrement de l'appel de Naomi Musenga au SAMU, plusieurs opérateurs de régulation ont dit être menacés et calomniés. Quelle est votre analyse ?
Il s'agit clairement d'une réaction à chaud à un événement dramatique. Il faut le rappeler : dans 99,9 % des cas, la régulation médicale des patients fonctionne bien. C'est pour cela qu'il est difficile de parler de dysfonctionnement global du système ! En revanche, le manque de moyens et les disparités en termes de formation des ARM sont une réalité. Il faut agir à ce niveau.
L'opératrice du SAMU du Bas-Rhin était en poste depuis quatre ans. Elle a été ambulancière pendant vingt ans. Est-ce la bonne formation ?
Aujourd'hui, entre 2 000 et 2 500 ARM travaillent en France. Ce sont d'anciens agents administratifs ou sanitaires, comme des aides-soignantes. Leur expérience est diverse. La question de leur formation est donc cruciale. Elle est au cœur de la réflexion que SAMU-Urgences de France mène avec le Conseil de l'urgence hospitalière (CNUH), la Société française de médecine d'urgence (SFMU) et l'Association des médecins urgentistes de France (AMUF). Nous ferons des propositions communes à la ministre de la Santé début juillet. Une chose est certaine : il faut réorganiser très rapidement et de façon homogène la formation des ARM dans le cadre d'un diplôme national unique, qui comporte nécessairement des stages dans les services d'urgences. La régulation médicale étant un acte de soins, l'ARM doit devenir un métier de santé.
Agnès Buzyn veut former les praticiens à l'écoute et à l'empathie. Est-ce une solution pour la régulation médicale des appels d'urgence ?
L'empathie fait déjà partie du référentiel de SAMU-Urgences de France sur la régulation médicale [voir encadré, NDLR]. La formation à l'empathie est une bonne idée si elle est appliquée à tous les niveaux et pas uniquement dans les plateformes d'appel. Les 9 000 urgentistes qui font de la régulation médicale pourraient ainsi en bénéficier dans le cadre de leurs études.
Un projet de numéro unique d'urgences est à l'étude. Bonne ou mauvaise idée ?
On en parle en tout cas depuis 30 ans, et pour cause : il existe en France 13 numéros d'urgences... On ne peut être que d'accord avec l'idée de réduire la voilure. Toute la question est de savoir comment. À SAMU-Urgences de France, nous militons en faveur d'un numéro unique de santé en partenariat avec les médecins généralistes libéraux et d'un autre numéro unique pour les secours et la sécurité. Nous souhaitons que chaque appel arrive directement sur la plateforme du numéro unique de santé afin de réduire le nombre de transferts. C'est le principe du téléphone arabe : la multiplication des acteurs est source d'interprétation du message médical et, de facto, de confusion.
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