Le Pr Yves Ville, chef du service d'obstétrique de l'hôpital Necker à Paris (AP-HP), a présenté la semaine dernière à l'Académie de médecine un rapport sur la « planification d'une politique en matière de périnalité en France », qui a fait grand bruit. Il propose de fermer les micro-maternités « qui vont, de toute façon, finir par lâcher prise ».
LE QUOTIDIEN : Pourquoi l'Académie nationale de médecine a-t-elle décidé de s'intéresser à la question de la fermeture des petites maternités ?
PR YVES VILLE : La crise de la périnatalité que nous traversons est une crise sanitaire, sans virus, mais qui n'est pas nouvelle et dont l'acutisation, en particulier chaque été, est toujours plus spectaculaire et plus douloureuse. Les fermetures de maternités font la une des journaux régionaux et les élus locaux s'en mêlent mais il n'y a jamais d'actions coordonnées pour régler le problème. C'est pourquoi l'Académie a décidé de s'autosaisir sur ce sujet. Notre groupe de travail – en lien avec la commission 9 de l'Académie sur la reproduction et la santé de l'enfant – a consulté très largement les différentes représentations médicales, paramédicales et des usagers. Nous n'avons voulu laisser personne en dehors de la discussion. Les travaux ont duré huit mois et le rapport présenté la semaine dernière en séance a été envoyé au ministère de la Santé.
Quels constats avez-vous tirés ?
Il ne faut pas croire que chaque situation de petite maternité est complètement particulière et qu'on ne peut pas en tirer de règle générale. Pour autant, ce n'est pas forcément le nombre d'accouchements réalisés qui est, en soi, un critère de fragilité. Selon le collège de gynécologie-obstétrique, une maternité en situation de tension sévère est une maternité qui ferme de façon séquentielle, qui recourt à l'intérim de façon extensive et qui dispose de moins de sept postes équivalent temps plein pour faire des gardes. Et quand on regarde ces critères, on se rend compte que cela touche 75 % des maternités de type I réalisant moins de 1 000 naissances par an et 100 % de celles à moins de 500 !
Où sont-elles situées ?
Elles sont localisées essentiellement dans la fameuse diagonale du vide géographique. Mais dans cette même zone, on trouve également 54 maternités de type II qui ont des capacités de réanimation néonatale mais qui se retrouvent également fragilisées car elles font aussi moins de 1 000 accouchements par an. Or, ce sont elles qu'il faut absolument sauver en regroupant les moyens et en fermant les micromaternités qui vont, de toute façon, finir par lâcher prise. Si on laisse faire, il y aura des femmes qui n'auront, du jour au lendemain, plus aucune solution.
Le mouvement de fermeture des petites maternités, commencé depuis longtemps, n'est-il pas encore achevé ?
Le dernier décret de périnatalité a été publié en 2007. Cela commence à dater ! Depuis, 40 % des maternités ont fermé et la majorité d'entre elles étaient des maternités de type I avec moins 1 000 accouchements. Encore 3 % ont fermé au cours des quatre dernières années. La première raison de la baisse du nombre d'accouchements dans ces maternités est, quoi qu'on en dise, le choix des femmes qui, à 80 %, préfèrent les établissements de niveau II et III, c'est-à-dire font le choix de la sécurité. C'est aussi lié au fait que la fécondité se déplace vers des femmes plus âgées et qui vivent dans des grandes agglomérations. Une petite maternité à 500 accouchements sans pédiatre ni obstétricien ni anesthésiste ne permet pas la sécurité.
L'éloignement des maternités du domicile n'est-il pas cependant un facteur de risque ?
Le temps de trajet du domicile à la maternité ne doit pas être un totem. Que se passerait-il si on appliquait la recommandation du regroupement des petites maternités ? La part de la population générale (on ne parle même pas des femmes enceintes) habitant à plus d'heure d'une maternité passerait de 0,3 à 0,9 %. Ce temps de trajet est calculé pour le véhicule familial. Or, si le travail commence inopinément, la femme enceinte doit pouvoir aussi recourir au Samu d'autant que les sages-femmes sont assez volontaires pour y exercer. Cela réduit mécaniquement le temps de trajet et permet d'assurer la continuité des soins.
Comment faire en sorte cependant que les grosses maternités ne deviennent pas des « usines à bébés » ?
Il est vrai que les maternités de taille II et III sont taillées avant tout pour les soins. Or, les femmes souhaitent à la fois la sécurité et l'accompagnement pour leur accouchement, ce qui tout à fait est normal. Les sages-femmes nous disent d'ailleurs qu'elles ont trop souvent le sentiment de maltraiter les femmes en n'ayant plus les moyens de les entourer suffisamment. C'est une profession qu'il faut absolument soutenir à l'hôpital ! Elles sont tout aussi nécessaires en libéral où elles peuvent d'ailleurs travailler en partenariat avec les médecins généralistes pour accompagner les grossesses.
Par ailleurs, l'obstétrique moderne, c'est l'anticipation, le dépistage et la prévention. Si on met tous les outils (échographie du col, dépistage de la pré-éclampsie, etc.) au plus près des domiciles des femmes, elles seront bien suivies, on anticipera les problèmes et elles pourront accoucher à bon port. C'est ce que permettent aujourd'hui les réseaux de périnatalité qu'il faut développer. L’expérience du réseau Aurore en région Rhône-Alpes est particulièrement exemplaire. Il est dirigé par l'ancienne cheffe de service de la maternité de Die qui a fermé mais dont l'équipe a avancé et construit un centre de périnatalité qui marche bien.
Padhue : Yannick Neuder promet de transformer les EVC en deux temps
À Niort, l’hôpital soigne aussi les maux de la planète
Embolie aux urgences psychiatriques : et maintenant, que fait-on ?
« Les Flying Doctors », solution de haut-vol pour l’accès aux soins en Bourgogne