L’information avait attiré l’attention des médias il y a quelques mois : une équipe de chercheurs menés par le légiste Philippe Charlier avait réussi à modéliser le larynx d’Henri IV, avec pour ambition de reconstituer la voix du souverain. Parmi les membres de cette équipe se trouvait le jeune ORL Robin Baudouin, chef de clinique assistant à l’hôpital Foch de Suresnes, dans les Hauts-de-Seine. À peine trentenaire, celui-ci tente de concilier l’amour qu’il voue à sa spécialité avec sa passion pour les humanités en général, et pour l’histoire en particulier. Le tout couplé à l’ambition de mener un parcours hospitalo-universitaire.
Il faut dire que depuis toujours, ce Parisien d’origine a dû composer avec le caractère pluriel, et parfois contradictoire, des envies qui l’habitent. « J’ai beaucoup hésité entre des études de type Sciences-po et la médecine », se souvient-il, ajoutant qu’il a été jusqu’à préparer le concours de l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris. « J’ai finalement abandonné avant de passer le concours, j’avais beaucoup réfléchi sur le rapport entre le côté humain et le côté scientifique de la médecine, et j’ai finalement opté pour celle-ci », explique l’ORL.
Double certitude
Voici donc Robin externe à la faculté de médecine de Paris-Descartes. Il est muni de deux certitudes : il veut faire une spécialité médico-chirugicale, et il ne veut pas abandonner sa vocation pour l’histoire. Pour ce qui est du choix de la spécialité, il optera finalement pour l’ORL, qui bien que limitée à une zone anatomique relativement étroite, « offre des domaines d’activité médicale et chirurgicale extrêmement vastes, avec des pôles extrêmement éloignés », souligne-t-il. Le choix d’un internat à Paris s’est quant à lui imposé car il était « sûr d’y être bien formé » tout en gardant le lien avec sa famille et ses amis car « cinq ans d’internat, c’est long, c’est dur, il ne faut pas se le cacher ».
Mais une fois ce choix fait, il n’était pas question pour Robin d’abandonner son penchant historique. « En début d’internat, j’ai rencontré le Pr René Jancovici, qui donnait des cours d’histoire de la chirurgie de guerre au Val-de-Grâce, se rappelle-t-il. Je m’étais toujours intéressé à l’histoire et à la médecine sans pour autant m’intéresser à l’histoire de la médecine, mais avec lui, j’ai vraiment accroché. » Le jeune interne qu’il était se retrouve alors chargé de cours, et concentre ses travaux, à l’instar de son mentor, sur l’histoire de la chirurgie de guerre. « Cela venait lier une double passion, mais ce n’est pas un métier, je ne suis pas diplômé d’histoire », précise-t-il.
En route pour la laryngologie
Il faut dire que son internat lui donnait peu de temps pour s’ennuyer. « J’ai tenté d’appréhender toutes les spécificités de l’ORL, qui sont très vastes, explique-t-il. On a des parties qui se rapprochent de l’ophtalmologie avec la chirurgie de l’oreille, l’implantation cochléaire, et d’autres qui nous rapprochent de la chirurgie maxillofaciale, avec la reconstruction… Et il y a la laryngologie, qui est à part. » C’est cette dernière qui va devenir la surspécialité de Robin, notamment via la rencontre du Pr Stéphane Hans, son « maître et [son] patron ». C’est ce qui l’amènera à se concentrer sur la chirurgie robotique, l’immunologie, les cancers HPV…
Comment vit-il le grand écart entre la chirurgie de guerre à des époques qui remontent au Moyen-Âge, voire à des temps antérieurs, et le robot Da Vinci qu’il pilote à l’hôpital Foch ? Robin ne voit pas de contradiction. « Connaître l’histoire de la médecine, cela permet d’avoir un regard critique sur ce qu’on fait aujourd'hui : les idées qui peuvent nous paraître modernes ont souvent déjà été exprimées dans le passé, note-t-il. Par ailleurs, étudier l’histoire de la médecine permet de développer l’attrait pour le côté humain de notre métier, et donc d’éviter de se réfugier dans la technicité. »
Le temps incompressible
Reste que pour quelqu’un qui se verrait bien, à terme, hospitalo-universitaire, il faut faire des choix. « C’est vrai que le temps médical et chirurgical est incompressible, d’autant plus qu’il y a l’enseignement et la recherche, il faut donc trouver des synergies, reconnaît l’ORL. C’est pour cela que je suis heureux d’avoir pu combiner laryngologie et histoire en travaillant avec Philippe Charlier sur Henri IV, par exemple. »
Et ne comptez pas sur lui pour baisser les bras, bien au contraire. Il pense qu’il faudrait développer les cours historiques dans les études de médecine, et milite en ce sens, notamment au Collège international de recherche en histoire de la médecine et de la santé (CIRHMS), dont il est trésorier. « Les étudiants sont demandeurs, assure-t-il. Je pense que beaucoup sont comme moi : s’ils font de la médecine, c’est pour le côté humain. Et faire de l’histoire de la médecine, c’est rencontrer nos prédécesseurs. »
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