Journée de mobilisation pour l'hôpital public : les manifestants réclament de « renforcer en urgence les équipes en souffrance »

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Publié le 07/06/2022
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Crédit photo : S.Toubon

En pleine crise des urgences et à quelques jours des élections législatives, plus de cinquante rassemblements étaient organisés ce mardi par la CGT et ses alliés (neuf syndicats et collectifs hospitaliers) avec un succès modeste. Objectif de cette première journée de mobilisation nationale du second quinquennat Macron : réclamer des hausses de salaires et d'effectifs, sans attendre le résultat de la « mission flash » confiée au Dr Braun et déjà sous le feu des critiques ces derniers jours.

En Île-de-France, entre 200 et 300 personnes se sont donné rendez-vous devant le ministère de la Santé dont une centaine de blouses blanches. Sur leurs pancartes : « Urgences fermées/Hôpital en ruine/Population en danger » ou « Soignants usés/Hôpital en danger ». De manifestations avaient également lieu au même moment dans toute la France. Ils étaient à peu près le même nombre qu’à Paris, à Toulouse, à Grenoble et à Nantes. À Bordeaux, parmi les quelques centaines de personnes regroupées devant le CHU à la mi-journée, Lise, infirmière de bloc opératoire, se disait lassée de devoir « toujours faire plus avec moins de temps et de personnel ». « Il y a beaucoup de fatigue professionnelle, nous sommes rappelés sur nos jours de congés », souligne Noëlle, aide-soignante au CHU de Rennes, où une centaine de personnes ont  défilé du CHU à l'agence régionale de santé (ARS).

Infirmier aux urgences et au Smur de Péronne dans la Somme, Antoine Vinchon a fait le déplacement à Paris avec une dizaine de collègues. Dans son établissement, la pénurie de personnels paramédicaux et médicaux a conduit à la fermeture de lits gériatrie, mais aussi de lignes Smur l’été dernier. Conséquence : celles-ci ont fonctionné en mode dégradé. « On partait en intervention sans médecins, il y avait des pertes de chance pour certains patients », affirme l’infirmier, inquiet car « cette procédure dégradée pourrait se pérenniser comme dans les pays anglo-saxons ». Le soignant considère ainsi qu’il n’a « plus les moyens de le faire ». Il demande donc en urgence « une politique de management bienveillante envers les personnels paramédicaux et médicaux, pour inciter ceux qui sont encore là à rester », mais aussi pour que « les jeunes générations se projettent dans l’hôpital public ».

« Renforcer les équipes en souffrance »

Cheffe du service de diabétologie de l'hôpital de La Pitié-Salpêtrière, la Pr Agnès Hartemann pense également qu’il faut en priorité « renforcer les équipes en souffrance ». Selon elle, il faut, avant même d’activer le levier de la rémunération, « nous permettre de faire correctement notre métier, d’être de bons techniciens tout en travaillant de manière humaine, en prenant le temps de parler à nos patients ».

La membre du collectif inter-hôpitaux (CIH) pense que l’hôpital public est condamné au naufrage s’il reste dans le paradigme de « l’hôpital-entreprise ». Pourquoi ? Parce que l’on va « rouvrir des lits pour faire des séjours avec le moins de personnes possibles. Il y aura donc beaucoup de départs de soignants… » Selon la diabétologue parisienne, il faut au contraire améliorer les conditions de travail pour que « le personnel ait envie de rester ». Ce n’est que dans un deuxième temps que « l’on pourra rouvrir des lits petit à petit », estime le médecin qui se souvient d’une époque où c’était encore « une fierté de travailler dans l’hôpital public ».

Ratio minimum et revalorisations

De son côté, le Dr Christophe Trivalle considère qu’il faut absolument revaloriser le personnel paramédical pour redonner de l’attractivité à leur métier. Le gériatre de l’hôpital Brousse (AP-HP, Paris) rappelle notamment que « les revendications initiales étaient de 500 euros lors du Ségur, et non de 183 euros… ». Celui qui est également membre du CIH pense également qu’il va falloir revoir les ratios soignants/patients, « même si c’est difficile actuellement car il n’y a pas assez d’infirmiers ». Il milite donc pour un « plan d’engagement, avec des objectifs de ratios à atteindre à moyen terme ».

À court terme, le gériatre s’attend à un été « difficile, voire catastrophique, en cas de canicule ou de reprise d’épidémie ». D’autant plus que les fermetures de lits risquent encore d’augmenter dans les prochains mois. Selon le directeur de l’AP-HP, Martin Hirsch, 15 % des lits d'hôpitaux seraient fermés dans ses établissements, faute de personnels. Mais « il y en a sans doute plus, puisque Martin Hirsch compte uniquement les lits MCO, et non les lits en SSR et SLD », réagit le Dr Christophe Trivalle. Il est fort possible qu’un nombre conséquent d’intérimaires parte en vacances cet été, « une période où on a en général du mal à en trouver… », alerte le gériatre.

 

Avec AFP

Source : lequotidiendumedecin.fr