Quand les transferts de tâches dérapent

Les délégations non encadrées à l’hôpital, source de profond malaise

Publié le 20/10/2014
Article réservé aux abonnés
1413767718554940_IMG_138829_HR.jpg

1413767718554940_IMG_138829_HR.jpg
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Le médecin délègue à l’infirmier, qui délègue à l’aide-soignant. Hors de tout protocole, et avec le silence complice de l’institution. Les praticiens trouvent là une source supplémentaire de malaise.

Intervenant lors du récent colloque d’Avenir hospitalier, ce praticien a résumé la situation bancale – et non réglementaire – que vit quotidiennement son CHU, frappé par la pénurie d’anesthésistes (40 % de postes vacants) : « Le chef de service embauche des internes de cinquième année qui sont amenés à faire des actes d’anesthésie lourds de conséquences, alors que les seniors sont deux étages en dessous. La CME, le président du conseil de surveillance, la direction, l’ARS... tout le monde le sait. Et ça continue. Quelle est la responsabilité de l’interne qui travaille seul ? Et celle du chef de service qui accepte la situation pour maintenir l’activité ? »

Responsabilité, assurance... de lourds enjeux

Déléguer suppose un protocole reconnu et validé. Sinon, gare aux condamnations, met en garde la juriste Catherine Lamblot, de la MACSF. En 2013, un médecin généraliste a été interdit d’exercice pour avoir confié des épilations laser à ses assistants. En 2003, le TGI de Paris a condamné toute une série d’acteurs à l’hôpital Trousseau, de l’aide-soignante jusqu’au sommet de l’AP-HP, après un glissement de tâches ayant conduit au décès d’un enfant.

À l’étranger, les pays précurseurs ont aujourd’hui le pied sur le frein. La Suède a ainsi cessé de confier les coloscopies de dépistage à des assistants médicaux (les dépenses et délais d’attente avaient dérapé).

En France, les IADE réclamaient hier plus de prérogatives, aujourd’hui ce sont les sages-femmes. Les politiques poussent en ce sens, tentés par d’éventuelles économies : la création du métier d’optométriste prévu par le projet de loi de Bercy « pour libérer l’activité » en est le dernier exemple.

Pour le conseil national de l’ordre des médecins, le terrain doit réagir. « Il faut organiser les filières, insiste le Dr François Simon, président de la section exercice professionnel au CNOM. En ophtalmologie, la réfraction peut par exemple être confiée à d’autres professionnels. Cela suppose des recrutements. Dans le Finistère, ceux qui l’ont fait voient 30 % de gens de plus dans la journée. » Le CNOM a décidé de réaffirmer la « place singulière » des médecins au sein du système de santé. Il rappelle en outre que « le diagnostic est un acte strictement médical ».

D. Ch.

Source : Le Quotidien du Médecin: 9358